La banque Dexia, l'une des plus sollicitée par les collectivités locales, a fait souscrire à ses dernière des emprunts à hauts rendements qui se sont avérés toxiques. La crise est passée par-là : la banque a perdu énormément d'argent, et les communes se sont retrouvées plombées. Dans "Le scandale Dexia", le journaliste Alain Piffaretti mène l'enquête sur le fonctionnement opaque de la banque, évalue les pertes des collectivités et évoque les montées au créneau de certains maires échaudés.
En 2007, Angoulême contracte un second emprunt de 14 millions d'euros, indexés cette fois-ci sur le cours du change dollar/yen. Le taux du premier s'établit aujourd'hui autour de 5,95% et celui du second autour de 7,21%. Le nouveau maire de la commune, Philippe Lavaud, élu en 2008, précise : « Nous avons eu de la chance d'une certaine façon. Le jour du fixing (établissement du taux*), le cours du change n'était pas au plus haut. A deux jours près, on héritait à 16% ! ». La municipalité a décidé de continuer à verser les intérêts du premier prêt.
Le député-maire d'Asnières est l'un des rares à avoir attaqué Dexia au pénal
Pour le prêt en dollar/yen, elle refuse en revanche de payer à Dexia la différence entre le taux initial et le nouveau taux de 7,22%. Cette somme est pour l'instant placée auprès de la Caisse des dépôts. La ville, qui est conseillée par le cabinet Seban, a déposé une plainte auprès du Tribunal grande instance (TGI) de Nanterre, ici encore en soulevant notamment l'argument du taux effectif global (TEG) erroné. Selon elle, le TEG versé est supérieur au TEG signé. Si l'on se réfère au tout récent jugement du tribunal, il est possible qu'il n'y ait pas besoin d'aller jusque-là, si le TEG est absent des fax de confirmation.
Difficile d'aller beaucoup plus loin dans « l'action » que Sébastien Pietrasanta, le député-maire d'Asnières. Celui-ci est l'un des rares à attaquer Dexia au pénal pour publicité mensongère, après avoir fermement refusé de payer les intérêts des emprunts toxiques souscrits auprès de la banque. C'est en 2008 que monsieur le maire, fraîchement élu, découvre après un audit de la ville que celle-ci possède 182 millions de dettes sur une durée de vingt-deux ans, dont 91% d'emprunts structurés (11 auprès de Dexia), dont deux sont indexés sur le change dollar/yen, un sur le change euro/franc suisse, et un enfin sur... le cours de la banque des collectivités locales américaines, une rareté en France (ce n'est pas Dexia qui l'a commercialisé) !
L'Etat met plusieurs milliards d'euros pour renflouer la banque Dexia
Un nouvel emprunt est même souscrit par l'ancienne équipe entre les deux tours de l'élection municipale en 2008. Sébastien Pietrasanta commence à négocier avec Dexia, mais interrompt toute relation en constatant que la banque continue de prélever une marge sur les renégociations, et lorsqu'il apprend que pour changer le prêt indexé sur le change dollar/yen en prêt à taux fixe, il doit verser une soulte de 11 millions d'euros... ou passer au taux fixe de 14% sur vingt ans. La commune verse déjà 14 millions pour rembourser le capital de tous ses prêts.
En 2009, les impôts ont été augmentés de 17%. Le maire estime cette fois que la coupe est pleine et qu'il faut faire entendre plus fortement sa voix. Il acquiert 11 actions de Dexia à 10 centimes (avec 15 euros de frais bancaires) et participe (après en avoir informé les journalistes, comme il se doit) à la dernière assemblée générale du groupe. L'action est médiatisée, et la négociation avec Dexia plus aisée, semble-t-il depuis... Pietrasanta confie aujourd'hui être très choqué par l'attitude de l'Etat : « il met plusieurs milliards d'euros pour renflouer Dexia, mais ne demande aucune contrepartie ».
Extrait du livre "Le scandale Dexia, enquête sur la plus grosse faillite bancaire européenne", par Alain Piffaretti, aux éditions nouveau monde.