Combien dépensera-t-on pour manger en 2050 ?

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Par Bruno Parmentier Modifié le 23 février 2013 à 11h49

En 1960, lorsqu’on recevait son salaire, on en consacrait le quart pour manger et un dixième pour se loger. Aujourd’hui le rapport s’est inversé, alors même qu’on mange de la viande tous les jours et qu’on gâche énormément de nourriture : 12 % pour manger et 20 % pour se loger ! Les efforts de productivité effectués par les secteurs agricoles, alimentaires et de la grande distribution ont été beaucoup plus importants que ceux réalisés dans le bâtiment. En ces temps d’après-guerre, un ouvrier au smic devait travailler 4 h 24 pour se payer un kilo de poulet, et aujourd’hui seulement 13 minutes ! Alors que lors du premier salon de l’agriculture on n’était pas si loin de la promesse d’Henri IV pour les ouvriers (« La poule au pot le dimanche »), maintenant nous rentrons dans l’ère de l’obésité (déjà 8 % des françaises et 10 % des français). On va même bientôt dépenser davantage pour ses loisirs que pour se nourrir, et effectivement nombre de jeunes économisent sur leur dîner pour se payer un téléphone portable dernier cri…

De plus, ce chiffre est à apprécier en prenant en compte que notre nourriture est de plus en plus complexe. Quand on achète une baguette de pain, on achète de la main-d’œuvre, de l’énergie, des machines, du transport, du loyer, des impôts, et, accessoirement, à peine 5 % de blé ! D’après le rapport Chalmin de novembre 2012, sur 100 € de dépenses alimentaires, à peine 8 % va au secteur agricole ! Les « vrais » chiffres sont un peu au-dessus, car nous ne payons qu’une partie de notre nourriture à la caissière du supermarché, et une autre partie, sous forme d’impôts, au percepteur. Ce dernier abonde le budget de l’Europe, qui à son tour fait un chèque aux agriculteurs, pour qu’ils continuent à livrer leur récolte à la coopérative en dessous de leurs coûts de production. Ce qu’on appelle à tort « politique agricole commune » devrait en fait s’appeler « politique industrielle commune », puisqu’il s’agit bien en dernière instance de limiter le niveau du smic en assurant que ses détenteurs puissent au moins se nourrir bon marché…

Alors, combien dépensera-t-on en 2060, et combien relèvera réellement des exposants du Salon de l’agriculture ? Faisons le pari que les chiffres actuels resteront relativement stables : autour d’un dixième de salaire pour se nourrir, et autour du dixième de cette dépense pour le secteur agricole. Donc de l’ordre de 1 % de nos salaires pour les exposants du Salon ! Il faudra bien qu’ils fassent avec, et donc qu’ils trouvent, année après année, une cote mal taillée entre nos aspirations à manger par cher, et celles de bien manger… Continueront donc à coexister un marché de masse, industrialisé, mondialisé, standardisé, adapté au jeudi soir après le boulot, et plein de marchés de niches, bio, locaux, équitables, etc. pour le dimanche midi quand on recevra des amis !

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Bruno Parmentier, Ingénieur des mines et économiste, est l'ancien directeur (de 2002 à 2011) de l’ESA (École supérieure d'agricultures d'Angers). Il est actuellement consultant et conférencier sur les questions agricoles, alimentaires et de développement durable.  Il a publié "Nourrir l'humanité"  et « Faim zéro » (éditions La Découverte), "Manger tous et bien » (Editions du Seuil), « Agriculture, alimentation et réchauffement climatique » (publication libre sur Internet) et « Bien se loger pour mieux vieillir » (Editions Eres) ; il tient le blog "Nourrir Manger" et la chaîne You Tube du même nom. Il est également président  du CNAM des Pays de la Loire, de Soliha du Maine et Loire, et du Comité de contrôle de Demain la Terre, et administrateur de la Fondation pour l’enfance.

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