La politique financière française incite à la fraude fiscale

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Par Marc Albert Chaigneau Modifié le 20 juin 2013 à 6h13

Ce que certains appellent « fraude fiscale », et que d’autres appellent « optimisation fiscale » résulte de l’affrontement de deux logiques contradictoires. Presque de deux morales antinomiques. Dans le second cas, que ce soit à titre individuel pour le compte d’une société ou d’un groupe, chacun cherche à réaliser un profit, à s’assurer un revenu dont il pourra disposer pour satisfaire ses besoins ou ses désirs.

Dans le premier, des dirigeants politiques, des administrations, cherchent à confisquer la plus grande partie possible de ces profits ou de ces revenus pour ce qu’ils considèrent, ou prétendent être, le « bien public ». Services publics, administration du domaine public, éducation, santé, sécurité, défense … Beaucoup pensent que la recherche du profit, du revenu disponible, est la caractéristique du capitalisme. En fait, c’est le fondement de toute économie, dans les deux sens du terme. (cf. Le capitalisme n’existe pas Editions Bénévent) Les commentaires que je lis dans la presse à propos de la fraude fiscale consistent à mes veux à encourager le bourreau à s’acharner sur ses victimes.

La fiscalité française est malhonnête

Car il ne faut pas se voiler la face, la cause première et principale de la fraude fiscale se trouve dans la fiscalité elle-même. Dans sa conception anti-économique et confiscatoire, (Pour ceux à qui la notion n’est pas familière, elle tend à confisquer, à prendre, voire à voler, selon le point de vue, le fruit des efforts du « contribuable »). La contradiction conceptuelle aboutit à une contradiction méthodique, la fiscalité étant conçue « a posteriori », entendant taxer les chiffres d’affaires, investissements, revenus et profits, une fois réalisés. Les contribuables entendant la gérer « a priori », l’intégrant dans leurs coûts, leurs charges, pour conserver la maîtrise de leur entreprise ou de leurs affaires. Ce qui est, les exemples le montrent largement, une condition de survie.

La malhonnêteté de la fiscalité est due en outre à sa complexité, à la volonté d’intégrer dans la règle, la lutte contre la fraude, qui doit être traitée comme l’exception et non intégrée dans la règle et à la mentalité de racketteur développée chez ses agents, endoctrinés à penser que l’état est l’incarnation du bien et le profit privé, l’incarnation du mal. A y regarder de près, je ne serais pas loin d’en être progressivement venu à penser l’inverse. Considérant depuis quarante ans l’augmentation du budget de l’Etat et du budget social et la dégradation, lorsque ce n’est pas la désagrégation, des services publics, il ne devrait échapper à personne que les finances publiques sont de plus en plus mal gérées. En outre il ne semble y avoir aucune différence entre les méthodes de gestion de la « droite » et de la « gauche ».

A chaque instant et dans tous les domaines, on supprime des postes productifs, de soignants dans le système social, de fabrication, de culture agricole, pour créer des postes administratifs qui, dans la plupart des cas, ne rendent aucun service mais alourdissent et renchérissent la véritable production de biens et de services et détruisent sa compétitivité. Au cours de mon enfance, mon père étant un grand malade, j'ai beaucoup fréquenté les hôpitaux. On y rencontrait beaucoup de soignants et très peu d'administratifs.

Dans notre société tout est argent, on oublie la valeur des tâches

De nos jours, c'est l'inverse. On a l'impression que bientôt le système social n'emploiera plus que du personnel administratif. Il est déjà clair que la santé des patients n'y est plus qu'une préoccupation secondaire, les préoccupations primordiales étant devenues administratives et financières. Il est largement temps, dans ce domaine et dans les autres, d'inverser la tendance, de réduire les tâches administratives, voire d'en supprimer autant que possible car, comme chacun le sait, la principale fonction de l'administration consiste à créer de l'administration, de réorienter l'effort vers la finalité, la santé pour le système social. En effet, notre société est devenue folle, nous sommes tous devenus fous. Lorsque quelqu'un a besoin d'un logement, que lui donne‐t‐on ? Un appartement, un toit, une chambre ? Pas du tout : de l'argent. Si un autre a faim, soif ? On lui donne aussi de l'argent ! Pour quelqu'un qui souffre, de blessures, de la perte d'un proche ? De l'argent !


Comme le disait un vieil indien, à force de tout remplacer par l'argent, il faudra finir par manger les billets et boire l'argent liquide. Cette méthode, que l'on appelle en économie « détour de production », crée pour chaque service, une multitude de tâches administratives : Organisation de la collecte des fonds, élaboration de barèmes de cotisation, de calcul de répartition, de perception, de contrôle ... Tous parfaitement évitables, sinon inutiles. Compliquant en outre les soins et prestations : élaboration et acquisition des droits, contrôle, compte rendu, organisation conséquente des soins. Lors d'une de mes hospitalisations, je me faisais la réflexion que nombre de patients présents dans l'établissement, plutôt que de s'ennuyer et passer leur journée devant leurs écrans de télévision, auraient pu accomplir une partie importante des tâches. Ce qui réduirait coûts et fiscalité et leur éviterait de se sentir inutiles et exclus.

Il est reproché aux « fraudeurs » du fisc de chercher à échapper à l'impôt perçu en France. Ils répondent avoir contribué, beaucoup plus que la plupart de nos concitoyens, à la richesse nationale. L'un et l'autre sont incontestables. Il est en effet incontestable qu'une grande partie de la population contribue fort peu, à la fois à la création de richesse, au budget de l'Etat et aux services publics. Mais qu'en ce qui concerne ses membres, il ne s'agit le plus souvent pas d'un choix mais d'une conséquence du système et particulièrement des critères financiers inappropriés. Et le fond du problème est là. Notre fiscalité est un système financier qui, quelles que soient les dispositions qui seront prises à ce titre, ne pourra jamais qu'être favorable aux financiers et défavorable à tous les autres.

En outre, elle est d'une complexité qui défie l'imagination, conçue au service de la législation du ministère des finances. Ses membres, tous issus de la carrière, n'ont jamais connu le risque de l'entreprise et sont assurés de ne le connaitre jamais. Leur manichéisme est tel, que le monde est, soit : Blanc, soit : Noir. Le Bien est ce qui est perçu par l'état. Le Mal ce qui revient au privé. L'usage des fonds, les milliards dilapidés ou détournés par les dirigeants ou les administrations n'affectent pas leur Credo. Des dizaines d'années, des milliers de dossiers, montrent qu'ils ne seront jamais capables de résoudre les problèmes qui se posent. Leur pouvoir, leur esprit de corps, la mainmise qu'ils exercent sur l'économie et la finance, les détermine à préférer couler avec le navire plutôt que d'en céder le commandement.

Le ministère des finances veut tout contrôler, le systèle des subvention en est la preuve

Pourtant, il existe des solutions simples, faciles à énoncer, sans doute moins à mettre en oeuvre. La première consisterait à n'accepter, au sein du ministère des finances, à des postes supérieurs à inspecteur, que des candidats ayant passé au moins dix ans dans le privé. Toute entreprise, sous contrôle direct ou indirect de l'Etat, en étant exclue. La seconde, nécessitant une refonte totale de la fiscalité, consiste à lui retirer son caractère confiscatoire pour la rendre incitative. Accompagnant les phénomènes économiques et les flux financiers, sans chercher à les orienter et les manipuler, comme c'est le cas à l'heure actuelle.

Je crains qu'en dehors de ceux qui appartiennent aux milieux de la finance et des affaires, rares soient mes lecteurs qui sont conscients que le ministère des finances, cherche à exercer un contrôle absolu dans ce domaine, la plupart de ses agents n'en sont même pas conscients. La multitude de ses échecs semblerait suffisante pour dissuader de le croire. C'est pourtant le cas, en menant, dans la plupart, des cas des combats d'arrière garde, en utilisant des techniques obsolètes, avec des résultats le plus souvent inverses aux objectifs annoncés.

Le système des subventions en est un exemple frappant. Plutôt que de laisser les entreprises se développer dans des conditions de concurrence normale avec une fiscalité raisonnable, on fixe des niveaux d'impositions insupportables et des conditions que l'entreprise a le moins de possibilité de gérer. Ensuite on accorde des subventions à ceux que l'on veut favoriser, en trouvant un prétexte plus ou moins plausible. De cette façon toutes les entreprises se trouvent sous l'emprise de l'état, au moins pour leur exercice en France. Que serait‐il possible d'imaginer de plus antiéconomique ? De plus incitatif au départ ? La troisième, le caractère purement financier du système fiscal, ainsi que de la plupart des « prestations sociales », est ce qui provoque la destruction des bases de la société.


La seule solution pour en sortir, que je proposais déjà dans mon ouvrage « Crise financière ou de société ? » (Editions Bénévent 2009) et dont je présente d'autres aspects dans : « Le dogme de l'équilibre financier où pourquoi « la règle d'or » n'est pas la solution » (Editions Bénévent 2013) consiste dans l'abandon du paramètre financier. Si la monnaie s'est avérée un formidable moyen d'échange depuis plusieurs milliers d'années, depuis quelques dizaines où elle a été utilisée comme instrument de mesure universel, elle provoque des désordres effroyables. La seule solution pour en sortir consisterait à y renoncer comme instrument de mesure et comme vecteur social. A fournir directement les prestations au lieu de verser de l'argent, à contribuer en temps de travail ou en nature, plutôt que financièrement, pour ceux qui le souhaiteraient.

Une fiscalité n'incitant pas à la fraude est possible

Si le débat actuel sur la fraude fiscale n'est pas là, les remarques ci‐dessus permettent de situer où il devrait se trouver. Il n'y a pas lieu de se référer au domaine de la morale, du civisme, encore moins du nationalisme. La condamnation de la « fraude fiscale » est une très mauvaise méthode parce que non seulement elle est inefficace, mais qu'elle a des effets pervers, notamment d'inciter au départ d'entrepreneurs et d'entreprises, à la délocalisation des activités et sièges sociaux et appauvrit le pays en commençant par la population. En outre, il n'est pas acceptable de demander au citoyen de se comporter de façon morale lorsque les dirigeants et les institutions n'en respectent pas les règles.

Le ministère des finances fixe les règles des parties qui l'opposent aux citoyens, les modifie à sa convenance, ne les respecte que lorsque cela l'arrange en masquant les déconvenues qu'il subit devant les tribunaux. Utilise tous les pires moyens que la morale réprouve, notamment la délation rémunérée. Or, avant de pouvoir demander aux concitoyens d'avoir une conduite morale, il faudrait qu'elle ait elle‐même et les représentants de la puissance publique, une attitude irréprochable. On en est loin, très loin. Une condamnation morale et sans nuance de la fraude fiscale est donc nécessairement illégitime. A ceux que ces fraudes choquent, je suggère de remettre en cause et de condamner le système fiscal qui en est la véritable cause. De demander, de se mobiliser, pour un système véritablement démocratique où ceux qui ne sont pas soumis à une règle n'ont pas pouvoir de la voter.

Car le fonctionnement actuel, où les « représentants du peuple » ne se soumettent pas aux règles qu'ils édictent pour les autres, s'accordent des privilèges et des dérogations choquantes, qui les montre correspondre à la formule : « Faites ce que je dis, ne faites pas ce que je fais. » leur retire toute crédibilité. Créer des emplois, distribuer des salaires, n'est pas une fin en soi. A la façon dont c'est actuellement pratiqué, détruisant des emplois qui créaient de la richesse, des produits et des services utiles et rentables, pour les remplacer par des emplois administratifs, la dégradation de la situation se poursuivra et va même en accélérant. En dehors de l'enseignement, qui peut contribuer à créer de la richesse à long terme, la plupart des fonctions administratives non seulement n'en créent pas, mais en augmentent les coûts, quand elles ne lui nuisent pas carrément.

Une fiscalité qui n'incite pas à la fraude, qui la rend quasi impossible ou très aléatoire est possible. Pour y parvenir, il faut d'abord prendre conscience qu'un système destiné à être juste, mais qui est inefficace, aura toujours des résultats injustes et que ce sera irrémédiable. Que par contre, il peut être remédié aux injustices résultant d'un système efficace. Il faut donc concevoir d'abord un système efficace et ensuite l'appliquer de façon juste. C'est la démarche inverse de ce qui a été fait à ce jour. Les objectifs primordiaux de la fiscalité ont toujours été la justice, jamais l'efficacité. Pour des raisons de démagogie politique. Réformer la fiscalité à partir de l'existant serait une tâche impossible. Elle constitue déjà une « usine à gaz » ou même une imbrication de diverses « usines à gaz ».

Il faudrait donc repartir sur des bases nouvelles. Et pour que celles‐ci soient démocratiques à partir des catégories de citoyens qui pourraient organiser leur contribution et non de représentants, de représentants, de « peuples » et « d'Etats » qui ne soumettent pas aux règles qu'ils édictent. Il serait souhaitable d'engager cette réforme sur le plan européen ce qui permettrait de résoudre une partie des crises actuelles. Dégoûter, condamner et chasser les entrepreneurs et les investisseurs, ne résoudra pas le problème. Réformer, simplifier la fiscalité est nécessaire. En outre, une harmonisation européenne s'avèrera rapidement indispensable.

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Marc Albert Chaigneau a été conseil de sociétés et avocat d'affaires, puis responsable juridique pendant 35 ans. De 1974 à 1998, il procède ainsi à des centaines d'analyses de sociétés, les suivant depuis la création jusqu'à la liquidation, en passant par les fusions, cessions, restructurations. Cette expérience l'a conduit à analyser méticuleusement la société dans laquelle nous vivons. Son dernier essai De la révolution à l'inversion*, publié en janvier 2014 aux éditions Edilivre propose un nouveau projet de réforme de la société. Un modèle préférable à la révolution en ce qu'il ne nécessite ni violence, ni destruction, mais seulement l'inversion d'un certain nombre de nos comportements. Inverser les comportements, pour cela inverser les raisonnements, les analyses, les rapports personnels et professionnels en se basant sur le principe de subsidiarité. Avec cet ouvrage, l'auteur nous donne les clefs pour la mise en œuvre d'une véritable démocratie : la démocratie directe, dont beaucoup avaient rêvé, mais à laquelle ils avaient renoncé, la croyant impossible à mettre en œuvre. Il nous montre comment elle serait accessible, mais nous prévient qu'elle ne le sera jamais qu'à des citoyens responsables.  

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