A l’heure des fermetures imposées par le Gouvernement, nombre de commerçants sont confrontés à des difficultés financières importantes et craignent pour leur avenir professionnel.
Bien que n’ayant plus d’activité, ils sont pour la plupart d’entre eux obligés de continuer à assumer le paiement de leurs loyers commerciaux et de leurs charges.
L’équilibre des relations « bailleur-locataire » est plus que jamais une nécessité dans cette conjoncture de crise économique. Savoir négocier son bail commercial et connaître la portée de ses engagements contractuels est donc indispensable et, ce, d’autant plus que certains domaines échappent à la liberté contractuelle et s’imposent aux cocontractants.
- Certaines dispositions d’ordre public ne peuvent être discutées entre les parties
Le bail commercial est régi par les articles L. 145-1 et suivants du Code de commerce. Si la plupart des dispositions du statut des baux commerciaux restent soumises à la liberté des parties, certaines d’entre elles échappent à toute faculté de négociation et s’imposent donc aux parties. Toutes clauses contractuelles contraires dans le bail seraient, depuis l’entrée en vigueur de la loi Pinel, réputées non écrites.
Ainsi, aucune liberté n’est laissée aux parties dans les domaines suivants :
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La durée du bail ne peut être inférieure à 9 ans (article L. 145-4 du Code de commerce) : les clauses prévoyant une durée ferme du bail ou portant renonciation du preneur à sa faculté de résiliation triennale sont donc interdites sauf pour :
- les baux d’une durée supérieure de 9 ans,
- les baux à usage exclusif de bureaux,
- les baux portant sur des locaux monovalents (portant sur des locaux ayant fait l’objet d’aménagements spécifiques adaptés à un usage unique et dont il est impossible de changer la destination sans engager des travaux importants, ex : banque),
- les baux d’entrepôts logistiques indépendants.
- La réglementation des loyers payés d’avance (L. 145-40 du Code de commerce) ;
- L’insertion dans le bail d’un inventaire des catégories de charges, impôts, taxes et redevances (L. 145-40-2 al 1 du Code de commerce) ;
- La communication par le bailleur d’un état récapitulatif des travaux réalisés et d’un état prévisionnel des travaux (L. 145-40-2 al 2 à 4 du Code de commerce) ;
- Les modalités de mise en œuvre de la clause résolutoire (L. 145-41 du Code de commerce) ;
- Le régime de la déspécialisation (L. 145-47 à L. 145-55 et L. 145-42 al 1 du Code de commerce) ;
- Le formalisme à respecter en matière de congé et de demande de renouvellement (L. 145-9 et L. 145-10 al. 2 du Code de commerce) ;
- La possibilité pour le locataire ayant demandé à bénéficier de ses droits à la retraite, ou bénéficiant d’une pension d’invalidité, d’obtenir la résiliation anticipée de son bail (L. 145-4 al 4 du Code de commerce) ;
- Le plafonnement de la hausse des loyers révisés et l’étalement à la hausse à hauteur de 10% par an (L. 145-38 et L. 145-39 du Code de commerce) : instaurée par la loi Pinel, cette disposition vise à protéger le locataire contre une hausse soudaine et importante du loyer ;
- L’obligation de faire un état des lieux d’entrée et un état des lieux de sortie soit de manière contradictoire, soit par voie d’huissier (L. 145-40-1 du Code de commerce). Faute d’un tel état des lieux, le bailleur ne pourra pas faire valoir la présomption de l’article 1731 du Code civil selon laquelle les locaux ont été délivrés au locataire en bon état ;
- Le droit au renouvellement du locataire (L. 145-8 du Code de commerce) ;
- Le droit du locataire de céder son bail commercial à l’acquéreur de son fonds de commerce.
Une liberté contractuelle retrouvée et nécessaire sur certains autres domaines
En dehors des dispositions d’ordre public précédemment évoquées, les parties peuvent librement aménager ou écarter les règles du statut des baux commerciaux. Si elles ne le font pas, le statut du bail commercial, qui est supplétif de la volonté des parties s’applique de plein droit. Quant aux aspects du bail qui ne sont pas régis par le statut (notamment en matière d’obligations des parties), ils relèvent, dans le silence des parties, des règles du code civil.
Même pour les dispositions d’ordre public, la liberté des parties n’est pas totalement absente puisqu’elles peuvent toujours conférer plus de droits au preneur que ne le prévoit la loi (par exemple en prévoyant une durée de bail ou un délai de préavis du congé supérieur au minimum légal).
En matière de bail commercial, la libre rédaction des clauses contractuelles a une importance toute particulière. En effet, les clauses sont rédigées différemment selon que l’on négocie son contrat du côté du bailleur ou du côté du locataire. Il est donc particulièrement important lors de la rédaction du bail, de prendre en compte les particularités des lieux loués et les intérêts respectifs des parties.
Il convient à cet égard de rappeler, notamment, que les parties sont totalement libres de fixer le montant du loyer initial et qu’elles peuvent insérer une clause-recettes déterminant le loyer en fonction du chiffre d’affaires du locataire, ce qui aujourd’hui peut constituer une réelle « bouée de secours » pour un commerçant dont l’activité se trouve arrêtée du fait de la crise sanitaire.
De même, il est très important d’être vigilant sur la répartition des charges, taxes et travaux. Certains bailleurs peuvent en effet prévoir contractuellement la mise à la charge du locataire de certaines charges, impôts, taxes ou travaux, relevant par leur nature même, d’une obligation légale incombant au propriétaire du local. Ces clauses peuvent donc être refusées ou doivent au moins pouvoir être discutées entre les parties.
Enfin, dans un contexte économique difficile, il est loisible aux parties d’aménager la faculté donnée au locataire de dénoncer son bail à l’expiration de chaque période triennale en prévoyant par exemple une faculté de dénonciation plus fréquente. A l’inverse, certains bailleurs peuvent imposer contractuellement au locataire de renoncer à sa faculté de donner congé à l’issue de la première ou la seconde échéance triennale.
Les parties sont également libres de définir la destination des lieux loués. Il est donc judicieux de prendre soin de rédiger précisément la clause de destination des lieux loués car la destination des lieux loués est déterminée exclusivement en fonction des stipulations contractuelles. Dans un contexte de fermeture administrative possible, il peut être salvateur de prévoir une activité suffisamment large (ex : restauration rapide, vente à emporter en sus de l’activité de restauration classique) pour pouvoir rebondir et éviter une cessation totale d’activité.
Prendre le temps de négocier son bail commercial et ses clauses contractuelles peut donc, dans le contexte économique et sanitaire actuel, constituer un atout non négligeable pour les entreprises, d’aide au maintien de leur activité.