Article 171bis : la baisse du besoin en capital sous Solvabilité 2, favorable à l’investissement en actions de long terme (LTEI)

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Par Christophe Morel Modifié le 23 mars 2023 à 10h08
Marches Financiers Annee 2020 Actions
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5,2%L'OCDE table sur une croissance de 5,2% pour la zone euro en 2021.

La création de cette nouvelle classe d’actifs, « Long Term Equity Investment » mise en place par le régulateur européen en mars 2019, a pour visée d’octroyer davantage de marge de manoeuvre pour le financement de l’économie par les assureurs.

Pour soutenir les investissements en actions dans l’Espace Economique Européen, le traitement prudentiel des investissements en actions a été revu par le régulateur en Mars 2019. Parmi les mesures entrées en vigueur, la Commission Européenne a introduit une nouvelle classe d’actions de long terme (« Long Term Equity Investment ») bénéficiant d’un choc actions réduit. Afin de bénéficier de ce traitement favorable, le règlement[1] stipule un certain nombre de conditions d’éligibilité pour lesquelles nous nous pencherons sur la mise en oeuvre pratique.

Les actions « LTEI » bénéficient d’un choc de 22% sur la valeur de marché au lieu des chocs génériques de 39%/49% corrigés de l’ajustement symétrique, sous conditions. Cette mesure est très avantageuse en termes d’économie en fonds propres à double titre : d’une part, elle place les investissements actions ainsi recensés à la borne basse de l’intervalle du coût en capital des actions quelle que soit la configuration de marché. D’autre part, elle permet d’avoir un coût réglementaire comparable, sans tenir compte des effets de diversification, à celui d’une obligation BBB taux fixe d’une duration crédit de 12.

Ce choc réduit s’applique aux actions de type 1 [2] cotées dans l’EEE et aux actions non cotées de sociétés ayant leur siège dans l’un des états membres de l’EEE pour les actions de type 2.

Dans ce cadre, une entreprise d’assurance ou de réassurance peut donc bénéficier de ce traitement réglementaire si elle est en mesure de démontrer ex post à l’autorité de contrôle qu’elle respecte les conditions ci-dessous :

  • Bien qu’il ne s’agisse pas d’une contrainte stricte d’adossement, le portefeuille d’actifs doit être assigné à un passif identifié. Aucun des portefeuilles identifiés, ni la somme de ces portefeuilles, ne peut représenter plus de 50% de la taille totale du bilan de l’entreprise d’assurance.

Cela exclut les actions détenues en face des fonds propres ou les contrats en unités de compte dans la mesure où leur durée de détention dépend, sauf exception, des assurés et non de l’assureur.

  • A l’instar d’un portefeuille d’actifs déjà cantonné pour des raisons contractuelles ou de modalités de gestion, le portefeuille d’actifs et son pendant au passif ainsi identifiés doivent être strictement gérés et organisés séparément des autres activités de l’entreprise. Ce cantonnement revient à ne pas couvrir des pertes d’autres activités extérieures au passif identifié et tenir une comptabilité séparée.
  • Au sein du portefeuille d’actifs, un sous-ensemble formé d’investissements en actions doit être désigné et la durée de détention de chacun des investissements en actions qui en fait partie doit être évaluée ;

La durée moyenne de détention du sous-ensemble doit rester supérieure à 5 ans. Le traitement favorable peut s’appliquer dès l’identification du sous ensemble, même si le seuil de détention de cinq ans n’est pas encore atteint.

Il est possible de placer les actions de long terme dans certains types de fonds pour que cette durée de détention soit appréciée au niveau de la part de fonds et non au niveau des actifs détenus par ces derniers. Parmi les véhicules éligibles à la mesure[3], un des profils de fonds le plus adapté pour l’investissement dans l’univers des actions cotées est le fonds d’investissement alternatif de type fermé ne recourant pas à l’effet de levier.

Le calcul du délai de détention de 5 ans peut prêter à interprétation notamment sur le calcul des durées de détention, ces dernières devant-elles être pondérées par le prix de revient ou bien par la valeur de marché, sachant que le premier mode de calcul permet une meilleure stabilité de la durée moyenne. Un autre point d’interprétation peut être soulevé par exemple sur l’inclusion ou non des opérations de pilotage comptable sachant que l’effet de ces opérations n’a pas d’impact sur la durée de détention moyenne d’un point de vue économique.

  • Les politiques de l’entreprise doivent refléter l’intention de détention à long terme et être de nature à garantir qu’en situation de tension l’entreprise sera en mesure d’éviter pendant au moins 10 ans la vente forcée d’un des titres du portefeuille. Le texte ne définit pas ces situations de tensions, il en prévoit juste l’existence. Toutefois, on peut envisager le référencement aux situations stressées déjà définies dans les ORSA et d’en extrapoler, par prolongement de tendance, la durée de projection à 10 ans. Cette solution semble en ligne avec les principes du texte.
  • Pour s’assurer du bon respect des conditions, un dispositif de contrôle interne, conforme aux pratiques exigées plus généralement par Solvabilité II devra accompagner la mise en place de portefeuilles d’actions à long terme. L’utilisation de ce dispositif n’est pas soumise à une approbation préalable de l’autorité de contrôle mais nécessitera de documenter ex post le respect des différentes conditions, en cohérence avec les politiques de placement, la gestion actif/passif et les mandats de gestion qui devront être adaptés le cas échéant.

L’application de cette mesure demande un investissement opérationnel et documentaire conséquent, mais en contrepartie elle ouvre la voie à des économies de fonds propres marquées. Sur les niveaux des marchés actions actuels, cette dernière constatation permet une division du coût en capital proche de 2 [4] pour les actions de type 1. En outre, les actions qui bénéficieront de ce dispositif seront agrégées au sein notamment du SCR marché et profiteront donc pleinement de la diversification de la formule standard. Par ailleurs, en cohérence avec sa finalité et l’horizon d’investissement imposé, la mesure conduit logiquement à l’implémentation d’un process de gestion robuste et de long terme, notamment dans un ou plusieurs véhicules dédiés.

Dans cette optique, les sociétés de gestion peuvent ainsi être amenées à mettre en place des portefeuilles de type LTEI pour leurs clients institutionnels. Dans une logique assurantielle, outre le contexte réglementaire évoqué, l’environnement actuel de taux et de spreads bas renforce l’attractivité d’un portefeuille investi en actions long terme offrant une moindre volatilité et un profil de rendements récurrents et stables.


[1] Article 171bis applicable depuis le 8 juillet 2019

[2] Actions de type 1 : actions cotées dans des pays membres de l’EEE ou de l’OCDE.

Actions de type 2 : actions non cotées et actions cotées dans des pays non-membres de l’EEE ou de l’OCDE.

[3]Les fonds éligibles par le règlement sont : les fonds d’entrepreneuriat social éligibles, fonds de capital-risque éligibles, fonds européens d’investissement à long terme, dont le gestionnaire de fonds est agréé dans l’EEE et donc le fonds d’investissement alternatif de type fermé ne recourant pas à l’effet de levier.

[4] Choc actions type 1 établi à 43.53% à fin Novembre 2021 (source : EIOPA)

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Christophe Morel est titulaire d'un DEA Finance (1994), et d'un Doctorat en Gestion (spécialisation finance) de l'Université Paris IX-Dauphine (1997-2000). Il débute sa carrière en 1998 comme Economiste au Ministère de l'Economie, des Finances et de l'Industrie. Il était en charge des secteurs banques et assurances. Entre 2000 et 2004, il a rejoint les équipes d'Ixis Asset Management comme Stratégiste de marché " Asie et pays émergents " puis stratégiste " global ". De 2004 à 2006, il fut responsable des départements " Allocation stratégique " et " gestion Overlay " au Fonds de Réserve pour les Retraites. Entre 2006 et 2008, il était Directeur de la gestion " Allocation tactique " chez Natixis Asset Management. Depuis 2008, il avait rejoint Lombard Odier Investment Managers en tant que Deputy CIO du groupe " Asset Allocation ". Début 2013, Christophe Morel rejoint le pôle d'analyse économique de Groupama AM en tant que Chef Economiste.

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