Le 12 avril dernier, Emmanuel Macron profitait d’un déplacement dans un lycée agricole du Limousin pour annoncer l’instauration dans la restauration collective d’un objectif de 50 % d’approvisionnement provenant de l’agriculture biologique ou des circuits courts. En effet, ceux-ci sont particulièrement à la mode : plus de 40 % des Français y ont recours et plus de 20 % des producteurs passent par cette filière pour vendre tout ou partie de leur production.
Un véritable engouement, porté par la recherche d’aliments plus sains et le souhait de réduire son impact écologique dans sa consommation alimentaire. Toutefois, les circuits courts ne peuvent pas devenir la norme en raison de la réalité géographique qui impose un schéma de distribution dans lequel les intermédiaires continueront de jouer un rôle essentiel.
Du producteur directement au consommateur. Voilà l’idée simple et presque révolutionnaire qui émerge depuis deux décennies en France. Se passer des intermédiaires pour être en contact avec l’éleveur ou l’agriculteur et jouir de produits frais et non industrialisés. Cette promesse est une réalité pour une large minorité de Français (42 %) qui s’approvisionnent (en partie) de cette manière. Éviter d’acheter de la viande issue de pays lointains ou de manger des légumes et fruits hors saison fait désormais partie des habitudes alimentaires chez bon nombre de consommateurs.
Pourtant, les circuits courts connaissent des limites structurelles qui rendent impossible la généralisation de ce système. La relation producteur-consommateur ne peut s’adresser qu’à une frange réduite de la population, surtout lorsque cette dernière vit dans de grands espaces urbains. Sabine Barles, professeur en urbanisme et aménagement à l’Université Paris 1 explique pourquoi les circuits courts sont chimériques pour des villes aussi vastes que Paris et ses banlieues. Il est aujourd’hui inconcevable de pouvoir alimenter autant d’individus en recourant exclusivement à des productions qui ont été récoltées ou élevées dans un espace proche. Pour cette universitaire, « l’idée de nourrir Paris ou Toulouse grâce aux ceintures vertes est une illusion ».
Certes, le bassin de la Seine et la Normandie pouvaient répondre aux besoins alimentaires de l’ensemble de l’espace francilien au XVIIIe siècle. Mais toute la production était tournée vers Paris et la capitale comptait alors moins d’un million d’habitants. Un retour à ce type de consommation (proche des agriculteurs) est désormais impossible en raison du nombre, sauf si les habitudes gastronomiques évoluaient drastiquement et que les Franciliens divisaient par deux leurs achats de viande. L’affaire n’est pas mince et les solutions locales se révèlent parfois à double tranchant.
L’agriculture intensive est un modèle économique parfois moins polluant
En effet, produire des légumes et des fruits dans un petit carré de terre au milieu de l’espace urbain a son charme, mais il engendre des facteurs négatifs difficilement perceptibles. À titre d’exemple, une salade sous serre en hiver en région parisienne rejette plus de CO2 qu’une salade cultivée dans un champ espagnol et qui est transportée jusque dans l’assiette du consommateur francilien. Les grandes quantités cultivées et déplacées par l’agriculture intensive diminuent souvent l’impact environnemental de chaque aliment. L’enfer est pavé de bonnes intentions et les circuits courts ne peuvent pas répondre à toutes les demandes de nos sociétés modernes.
Ils s’adressent à une minorité de Français plutôt géographiquement proche des producteurs ou qui a les moyens de se passer des circuits conventionnels. La démarche est intéressante et permet de faire un rappel essentiel : l’homme se nourrit grâce à la terre et est dépendant d’elle. Une réalité forte qui tend à disparaître lorsque le consommateur se retrouve face à des rayons surchargés de produits emballés. Les circuits courts ne peuvent malheureusement pas devenir la norme pour une majorité de la population en raison même de la structure des villes et de leur importance.