Chaque Français voit bien dans quels périls se trouve la République aujourd'hui.
D'un côté, tous ceux qui participent au pouvoir sont couverts d'un grand discrédit à cause des abus auxquels certains d'entre eux se sont livrés ou se livrent encore. De toutes parts, résonnent les murmures d'une France convaincue de la nocivité de sa classe politique. Il ne faut pas être grand clerc, reconnaissons-le, pour comprendre que le poids de la dette que le Trésor doit rembourser est alourdi de ces dirigeants qui monopolisent le pouvoir prétendument démocratique depuis plus de 30 ans, choisissant avec soin ceux qui ont le droit d'y accéder ou non par la mécanique des investitures dans les partis.
D'un autre côté, les gazettes se couvrent de faits baptisés divers par les journalistes, qui sont autant de signaux faibles révélateurs d'une violence dans la société française elle-même, qui ne demande qu'à éclater collectivement. Pas un jour ne se passe sans qu'un aliéné n'attente à ses jours, par immolation ou autre action spectaculaire, dans un lieu public. Pas un jour ne se passe sans que les gazettes n'évoquent un meurtre dans les faubourgs. Ces événements particuliers peuvent-ils se transformer en une jacquerie? La soirée du Trocadéro l'a prouvé.
Aussi les Français raisonnables doivent-ils se poser une question: la Vè République existe depuis plus de cinquante ans. Depuis plus de deux siècles, elle est le régime qui a vécu le plus longtemps, exception faite de la IIIè République, qui vécut près de soixante-dix ans. Le régime actuel de la France entre donc dans sa phase de sénescence. Malgré de nombreuses révisions constitutionnelles depuis plus de dix ans, elle ne cesse de s'affaiblir. Faut-il pousser les soins palliatifs pour la prolonger jusqu'à la tente à oxygène dans laquelle le régime fut placé en 1939? Ou faut-il débrancher le respirateur artificiel et consacrer nos efforts à la construction d'un nouveau régime?
En posant la question de cette façon, j'ai bien conscience de pousser chaque Français à répondre: «débranchons et reconstruisons».
Je voudrais, à l'appui de cette réponse, donner cinq bonnes raisons d'agir de la sorte.
Premièrement, il ne faut jamais demander au pyromane de se transformer en pompier. Si la France vit dans l'état d'affaiblissement qu'on lui connaît, cela tient aussi, et peut-être d'abord, à la vieillesse de son régime qui n'est plus adapté à la réalité des Français. Inventée en 1958, en un temps où les bacheliers étaient rares et la télévision en noir et blanc, la Vè République convenait à un monde d'information rare où le pouvoir pouvait être exercé en secret et de façon autoritaire. Dans un univers bousculé par les réseaux sociaux, les gigantesques silos d'information et le relèvement du niveau moyen d'éducation, les méthodes doivent changer.
Deuxièmement, la Vè République tire les Français vers le bas. Elle est essentiellement conçue pour neutraliser le bouillonnement des villes au profit de la langueur campagnarde. Le pouvoir y est en permanence amolli par le Sénat dont l'élection repose sur le bon vouloir des provinces et de la terre. Mais la richesse à venir de la France viendra de la rénovation de ses villes. Il faut donc calculer les voix autrement, diminuer le nombre de collectivités, dont l'éparpillement favorise les paysans au détriment des bourgeois, et redonner du pouvoir aux citadins actifs qui feront la prospérité.Ces réformes-là, la Vè République échoue à les mettre en place. Elle doit donc tomber.
Troisièmement, la Vè République est alourdie de son poids de dettes qui sont autant d'hypothèques nocives, engluantes, pour le relèvement du pays. Et à quoi servent ces dettes? À rémunérer les rentiers qui font un mauvais usage de leur patrimoine et défendent leur destin au détriment de celui de leurs enfants. À nourrir des cohortes de fonctionnaires improductifs dont l'inutilité n'a d'égal que l'arrogance. Le moment vient pour la France de ne pas sacrifier sa prospérité future pour protéger ses empêchements d'aujourd'hui. Que la République tombe, et ses dettes avec elle.
Quatrièmement, le coût des soins palliatifs prodigués à la Vè République seront de plus en plus élevés. Plus le temps passe, plus il faudra de maréchaussée, de gendarmes, d'espions, de piquiers et de garde-chiourmes pour maintenir vivant un régime qui est déjà mort. Plus un ministre ne peut sortir sans une légion de chevau-légers. Plus une manifestation publique ne peut se tenir sans des cordons de gendarmes mobiles armés jusqu'aux dents. Et partout en France monte ce sentiment d'insécurité, inversement proportionnel à ce déploiement permanent de force.
Cinquièmement, le changement de régime est la seule façon d'éviter le retour à la barbarie. Le régime de Vichy n'a vécu que par l'excès de faiblesse où la France était tombée en 1940. Voulez-vous, chers Français, préserver les illusions jusqu'à vous exposer aux pires aventures, celles qui vous plongeront dans l'opprobre de l'histoire? Ou voulez-vous plutôt faire des choix simples, que vous assumerez fièrement devant vos enfants?
La France n'a été grande que dans ses choix. Elle ne fut honteuse que dans ses renoncements.
Voici pourquoi, je vous en conjure, chers Français, laissez tomber la Vè République.