Pétrole : la nouvelle guerre de l’énergie

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Par Christopher Dembik Modifié le 29 novembre 2022 à 9h16

Lorsque le baril de Brent avait atteint en juillet 2008 le niveau record de 145,40$, la crainte du « pic pétrolier » était sur toutes les bouches et de nombreux experts s'attendaient à un prix du baril qui puisse rapidement atteindre 200$. Six ans plus tard, ces prophéties ne se sont pas réalisées, le Brent évoluant même à des plus bas annuels, sous les 80$.Cette forte chute depuis mi-juin, de l'ordre de plus de 25%, s'explique par la conjonction de trois facteurs principaux :

- Des prévisions de production de baril trop optimistes à cause d'anticipations de croissance économique mondiale erronées ;
- La volonté de l'Arabie Saoudite de ne plus servir de variable d'ajustement du marché pétrolier ;
- Une entente entre l'Arabie Saoudite et les Etats-Unis pour faire baisser le prix du pétrole afin de sanctionner la Russie qui a besoin d'un baril à au moins 100$ pour que son économie soit à l'équilibre.

Le nouveau péril américain

A cause de l'émergence du pétrole de schiste outre-Atlantique dont la production a presque triplé en deux ans, il faut bien comprendre que le marché pétrolier est entré dans un nouveau paradigme. Nous sommes confrontés à une nouvelle guerre de l'énergie.

Il est dans l'intérêt de l'Arabie Saoudite et des autres pays de la péninsule arabique de maintenir un prix du baril faible pour rester compétitif par rapport aux producteurs de pétrole non conventionnel. Dans un marché mature, l'accroissement des parts de marché ne peut se faire qu'au détriment des autres acteurs. On considère ainsi que l'exploitation du pétrole de schiste commence à ne plus être rentable sous les 80$. Bien que l'Arabie Saoudite ait besoin pour maintenir son rythme de croissance de long terme d'un baril autour de 100$, elle peut se permettre des pertes à court terme grâce à ses abondantes réserves de change de près de 738,6 milliards $. On mesure rapidement le niveau des enjeux pour les pays producteurs.

A l'approche de la réunion cruciale de l'OPEP du 27 novembre, le marché ne semble pas croire à une action décisive. A raison certainement. Il est peu probable que le cartel revoit drastiquement à la baisse ses prévisions de production. Tout au plus peut-on anticiper une diminution symbolique de l'ordre de 5% à 10% afin d'apaiser les membres de l'OPEP, comme le Venezuela et l'Algérie, qui militent pour une remontée des cours du baril. Moins orthodoxe, le cartel pourrait également définir une zone de prix à partir de laquelle il considère que le cours du baril ne reflète plus les fondamentaux du marché, ce qui serait annonciateur d'ajustement de la production. C'est toutefois moins probable.

A court terme, la zone des 75$ pourrait contenir la chute du Brent. A moyen terme, pendant une grande partie de l'année 2015, nous anticipons un cours du baril entre 90$ et 100$, ce qui constituerait une borne de stabilisation. Le prix du pétrole est en phase d'ajustement. Il ne faut pas oublier que l'excès d'offre devrait se résorber sous l'effet du déclin de la production en Mer du Nord et en Russie. Un scénario catastrophe est donc exclu pour les pays producteurs.

Le grand perdant russe

Le grand perdant de la chute du baril est incontestablement le rouble russe. Depuis mi-juin, la devise s'est dépréciée de près de 25% face à l'euro, une baisse de la même amplitude que celle du pétrole. C'est une nouvelle preuve de la forte corrélation positive entre la monnaie russe et l'or noir.

Au cours des dernières années, les interventions régulières de la banque centrale russe ont minimisé l'effet pétrole sur le taux de change. La décision de la banque centrale de laisser flotter plus librement le rouble laisse entrevoir, par conséquent, un potentiel de baisse notable dans les prochains mois.

Après la phase actuelle de stabilisation de la paire EURRUB, notre scénario de base pour les prochains mois est un nouveau test de la zone psychologique des 60 qui, en cas de franchissement, ouvrirait la voie aux 62. Ce retour de la hausse pourrait survenir plus tôt qu'on ne le pense. La période de fin d'année est, en effet, historiquement très volatile pour le rouble russe.

2015 devrait également réserver des surprises pour la Russie. Confrontée à une récession inévitable et à un repli des tensions inflationnistes, la banque centrale ne pourra pas faire l'économie d'une baisse du taux directeur, ce qui devrait à long terme réduire les stratégies de carry trade sur le marché des changes. Ce serait, alors, un mouvement salutaire pour le rouble puisque les pressions vendeuses s'atténueraient.

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Christopher Dembik est économiste chez SaxoBank.

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