« Le chômage, le problème ! »

Cropped Favicon Economi Matin.jpg
Par Charles Sannat Modifié le 26 juillet 2013 à 9h56

Dans la vie des peuples et des nations, dans l’histoire de l’homme, les gamelles tiennent une place toute particulière. Les révolutions naissent rarement des idées ou, plus précisément, pour qu’une révolution puisse avoir lieu et que les peuples se soulèvent il faut en général attendre que les gamelles soient vides. Une fois vides, les populations sont en mesure de se fédérer autour de revendications politiques et économiques qui donnent une « doctrine » révolutionnaire, MAIS le préalable à tout soulèvement c’est en général la faim.

La faim en 1789, lorsque notre reine (qui n’était pas encore la reine anglaise) proposait au peuple, qui n’avait plus de pain, de manger de la brioche.
La faim, dans les révoltes du printemps arabe qui trouvent essentiellement leur origine dans l’augmentation des prix des produits alimentaires.
La faim, évidemment, dans la révolution russe de 1917 où le peuple était affamé dans des proportions inouïes.

Dans nos sociétés modernes, la faim est pour le moment virtuelle. Personne aujourd’hui, ou presque, n’a faim en tout cas dans notre pays, et en général pas bien longtemps. Le traitement social et la générosité à travers les banques alimentaires permettent pour le moment d’éloigner ce spectre.

Mais, et c’est important, il existe une forme moderne de faim. Une espèce de faim 2.0 si vous voulez. Ce qui est insupportable aujourd’hui ne l’était pas hier. Les choses ont beaucoup changé en 50 ans et nous nous sommes habitués à un confort très important, nous sommes devenus dépendants de certaines choses. Psychologiquement, dans la mesure où nous avons été conditionnés depuis des décennies à devenir uniquement de bons consommateurs lobotomisés aux comportements compulsifs, avoir faim c’est par exemple être exclu de l’acte d’achat.
De la même manière, toucher aux gamelles c’est toucher aux tickets resto. Les tickets resto ne concernent que les salariés du privé. Il n’y en a pas pour les fonctionnaires, ce qui explique vraisemblablement que l’État ne voit pas le mécontentement monter de la part de ceux à qui on touche la gamelle moderne. Ces bons d’achats alimentaires profitent à tous mais ils facilitent grandement le quotidien des plus modestes des salariés.

Le chômage est donc un point crucial à surveiller, ce que font parfaitement nos zélites qui, bien que stupides, ne sont pas non plus totalement demeurées. Elles ont bien compris qu’en excluant durablement de l’emploi une partie de plus en plus importante de la population, nous étions en train de créer les conditions d’une danse sur un volcan social dont vous voyez avec l’actualité dans nos banlieues les premières matérialisations d’un ras-le-bol généralisé.

Une France fragmentée qui pourrait se réunifier !

Pour le moment, je constate que la France est fragmentée. Fragmentée entre communautés, fragmentée géographiquement. La France (et les Français) des centres-villes, des banlieues et des campagnes n’est pas sociologiquement et culturellement la même. Les attentes, les demandes, les cultures peuvent être différentes mais, et c’est là plutôt un message optimiste, finalement les rêves de la très grande majorité des concitoyens, quelles que soient leurs convictions, sont les mêmes !

Avoir du travail, que mes enfants puissent avoir mieux que nous, leurs parents, qu’ils puissent se bâtir une vie digne, que l’on puisse tous vivre convenablement, idéalement partir un peu en vacances, bref, il n’y a rien de démentiel dans les attentes françaises.
Sur l’essentiel qui est partagé, tout le monde pourrait se retrouver et le chômage comme la crise économique au sens large sont des éléments forts et structurants capables de cristalliser tous les mécontentements au-delà des clivages que l’on pense indépassables.

Chômage : Ayrault plus confiant que jamais

C’est le titre d’un article du Point qui nous explique que « Jean-Marc Ayrault a estimé jeudi après la nouvelle hausse des chiffres du chômage en juin que l’objectif d’inverser la courbe du nombre des demandeurs d’emploi d’ici à la fin de l’année était « tenable » et « souhaitable ». « On n’a jamais tout essayé contre le chômage. C’est une bataille permanente. » Jean-Marc Ayrault a rappelé le plan de 30 000 contrats de formation pour répondre aux offres d’emploi non pourvues ainsi que l’objectif fixé par François Hollande mardi de 100 000 formations en année pleine. « C’est une bataille de tous les instants. Les derniers chiffres montrent qu’il faut encore pousser l’effort même si je constate que depuis deux mois consécutifs le nombre de jeunes (demandeurs d’emploi) diminue », a-t-il poursuivi ».

Blablablablabla… Il est gentil Ground Z’Ayrault mais il ne se rend pas compte, ainsi que son mamamouchi de Président, que nous n’avons pas envie d’entendre que tout va bien car cela est vécu en réalité comme une insulte par les Français (comme il n’y a personne pour l’expliquer, moi je le fais).
Chacun de nos concitoyens voit bien sa réalité quotidienne. Lui dire que ce qu’il voit est faux est d’une très grande stupidité. C’est contre-productif. Cela décrédibilise la parole publique et présidentielle… et ne remontera en aucun cas le moral des Français !
Dire la vérité (ou presque) en donnant un cap et une direction serait nettement plus efficace, sauf qu’avec un gouvernement navigant à vue et sans vision c’est impossible.

Bon, Michel Sapin, pour le coup, est nettement moins crétin que le reste de la bande bien que nettement plus drôle dans ses appréciations.

Sapin sur le chômage : « Le retournement n’est pas là »

« Invité d’Europe 1, jeudi matin, Michel Sapin est notamment revenu sur les chiffres du chômage dévoilés la veille, qui sont encore à la hausse. « Le retournement n’est pas là », a reconnu le ministre du Travail. Alors que François Hollande a estimé il y a peu que la « reprise est là », son ami de 30 ans est moins optimiste. « Il y a des signes d’amélioration en termes de reprise – légère – de la croissance, d’emplois, mais il faut continuer la mobilisation, continuer l’effort, être dans l’action. »

Et de rajouter, « mais pour pouvoir inverser, il faut d’abord ralentir ». Et de conclure : « Non, le retournement n’est pas là. Il y a un ralentissement. Le ralentissement, c’est le moment qui précède le retournement » de la courbe du chômage, en hausse depuis 26 mois. C’est la bataille que nous menons avec le président. » »

Bon, beaucoup de bla-bla, pas beaucoup d’espoir certes, mais au moins il me prend moins pour un con, ce qui me convient bien. Je ne demande pas à ce que l’on me parle comme à un neuneu.

Mon passage préféré dans cette intervention est bien sûr celui-ci : « Non, le retournement n’est pas là. Il y a un ralentissement. Le ralentissement, c’est le moment qui précède le retournement. » Le coup du ralentissement c’est le moment qui précède le retournement et donc l’inversion, je dois dire que j’ai trouvé ça génial et que j’ai beaucoup rigolé. C’est dur quand même d’être sinistre. Qu’est-ce qu’il ne faut pas dire… On pourrait expliquer à Michel Sapin que la nuit précède le jour. Que la pluie précède le beau temps ou inversement… Enfin, il ne faut pas trop lui en demander, c’est un ministre !

Il y a le chômage en France mais ce n’est pas un problème français, c’est aussi un sujet européen.

Espagne : le chômage baisse pour la première fois en deux ans

« Le chômage a baissé en Espagne au deuxième trimestre pour retomber sous la barre psychologique des 6 millions de demandeurs d’emplois, a annoncé l’Institut national de la statistique, jeudi 25 juillet. »
Alors évidemment, ils sont tous supers contents ! Voilà, c’est la fin de la crise les affaires repartent.

D’abord, il est totalement faux de dire que c’est la première fois en 2 ans puisqu’à la même période l’année dernière, le chômage avait également baissé en Espagne ! Mais comme personne ne va aller vérifier et que tout le monde a déjà oublié les grands titres d’il y a un an, on s’en fiche et on peut raconter n’importe quoi !

Ma phrase préférée dans cet article, c’est celle-là :

« Mariano Rajoy, le chef du gouvernement espagnol, a réalisé le souhait le plus cher de François Hollande : inverser la courbe du chômage »… ce qui vient crédibiliser et rendre potentiellement possible la parole présidentielle. Du grand art digne de la Pravda.

Mais même cet article de BFM a du mal à cacher la vraie réalité des choses à savoir que :

« La baisse du nombre de chômeurs enregistrée au second trimestre est liée aux nombreux emplois saisonniers créés pendant la période estivale. Ainsi, le secteur des services a vu le nombre de demandeurs d’emplois reculer de 157 900. Mais l’industrie a aussi enregistré de bons scores (-37 500 chômeurs), la construction (-25 500 chômeurs) et l’agriculture (-24 200 chômeurs).

Reste que sur un an, la tendance est toutefois à la hausse. Le pays, plongé en récession depuis deux ans, a enregistré 284 500 demandeurs d’emploi en plus. »

Eh oui mes chers contrariens, l’Espagne reste un pays touristique avec une saison touristique, où il faut embaucher pour s’occuper des touristes, et virer tout le monde une fois les touristes partis… Souvent, l’économie c’est simple. Très simple à comprendre et anticiper. Le chômage en Espagne (et en France, également grand pays touristique) repartira à la hausse en septembre, ce que sait très bien notre ministre du Chômage… pardon de l’Emploi.

500 euros de salaire ? « Consommez », encourage un ministre grec

En Grèce, ils sont avance sur tout le reste de l’Europe (bien que les Chypriotes soient en train de les rattraper).

Ils ont non seulement la palme d’or du nombre de chômeurs mais également la médaille d’or de la baisse des salaires de toute la population depuis cinq ans. Une superbe performance rendue possible grâce à l’intervention de la famille européenne, et des coachs FMI et BCE !

Je vous disais donc un peu plus haut que nos zélites n’étaient pas totalement demeurées… Pour nos pauvres copains grecs, je crains que ce ne soit pas aussi vrai…

« Le vice-ministre grec du développement a provoqué l’émoi mercredi pendant le débat parlementaire sur l’extension de l’ouverture le dimanche des commerces en défendant avec fougue la liberté de consommer de ses concitoyens qui gagnent « 500 euros de salaire ».

Face aux critiques faisant valoir que le fait d’avoir des commerces ouverts plus souvent ne changerait rien au pouvoir d’achat de la population, Thanassis Skordas a mis en exergue l’appétit supposé de consommation des Grecs en s’appuyant sur l’exemple de la hausse des ventes de Smartphones ces dernières années, malgré la crise, a rapporté l’agence de presse grecque semi-officielle ANA.

« Ce que je veux dire, c’est que personne ne peut dicter au consommateur ce qu’il doit acheter avec ses 500 euros de salaire. Qu’il les dépense en Smartphone ou en culture, c’est son affaire », a plaidé le ministre du gouvernement de coalition droite-socialiste. »Voilà, j’adore les socialistes modernes !

Mais il est allé encore plus loin dans la crétinerie la plus confondante :

« Il a regretté que la Grèce se complaise dans « la pleurnicherie et la misère » au lieu d’aller de l’avant avec des horaires d’ouverture des magasins qui arrangent le consommateur. »

Ils n’ont même pas compris qu’une fois que toute la population européenne serait miséreuse, ils n’auront plus de consommateurs solvables pour sauver leurs marges plantureuses et leurs profits monumentaux… Ce sinistre grec ne comprend même pas qu’avec 500 euros (et encore, si on les gagne) une fois payé un logement et éventuellement de la nourriture, il ne reste plus rien pour consommer… le samedi ou le dimanche, et que d’ailleurs il n’y a plus beaucoup de magasins pour aller dépenser ses sous vu que 120 000 ont baissé le rideau depuis 5 ans, ce qui est considérable dans un si petit pays.

Ils tournent en rond, prisonniers d’une logique qui ne fonctionne pas et dont personne ne veut sortir, ici comme ailleurs, en Grèce comme en France.

Laissez un commentaire
Cropped Favicon Economi Matin.jpg

Charles SANNAT est diplômé de l'Ecole Supérieure du Commerce Extérieur et du Centre d'Etudes Diplomatiques et Stratégiques. Il commence sa carrière en 1997 dans le secteur des nouvelles technologies comme consultant puis Manager au sein du Groupe Altran - Pôle Technologies de l’Information-(secteur banque/assurance). Il rejoint en 2006 BNP Paribas comme chargé d'affaires et intègre la Direction de la Recherche Economique d'AuCoffre.com en 2011. Il rédige quotidiennement Insolentiae, son nouveau blog disponible à l'adresse http://insolentiae.com Il enseigne l'économie dans plusieurs écoles de commerce parisiennes et écrit régulièrement des articles sur l'actualité économique.

Aucun commentaire à «« Le chômage, le problème ! »»

Laisser un commentaire

* Champs requis