Depuis plusieurs semaines, des soupçons de fraude au chômage partiel ont éclaboussé de nombreuses entreprises. Par peur de perdre leur emploi, beaucoup de salariés ont gardé le silence sur les agissements de leurs employeurs. Une enquête menée par Benoît Collombat pour la cellule investigation de Radio France met à mal Bouygues Bâtiment Île-de-France. L’entreprise aurait abusé du chômage partiel.
Multiplication des fraudes
Un cadre de Bouygues Bâtiment Île-de-France a témoigné auprès de la cellule d’investigation de Radio France. Pour eux, il relate son expérience. Durant le confinement, ce salarié à continuer de travailler par le biais du télétravail. Lorsqu’il a reçu sa fiche de paie du mois de mars 2020, il a eu l’étonnante surprise de constater qu’il avait été déclaré en activité partielle durant 10 jours, alors même qu’il n’a jamais cessé de travailler. Il affirme à Radio France : « Je n’ai jamais été mis au courant que j’avais été mis en activité partielle ».
La cellule investigation de Radio France a fait appel à Sylvain Mounier, président et fondateur de la Fedep’s, une association de soutien aux salariés en portage salarial. Il explique alors pourquoi, tant d’entreprises se sont laissées tenter par cette fraude. « Pour l’entreprise, l’intérêt du chômage partiel est de se faire rembourser cette indemnité légale par l’État alors que celle-ci est réservée aux salariés ne pouvant pas travailler du fait de la crise du Covid-19. Cela lui permet également de bénéficier de l’exonération totale des cotisations salariales et patronales qui servent notamment à financer l’assurance chômage ou la retraite, qui sont dues quand les salariés travaillent ».
L’erreur est humaine
Cependant, avant de porter un jugement quelconque sur son entreprise, le cadre de la filiale de Bouygues a tenu à se renseigner auprès de ses supérieurs et notamment de la responsable RH. Radio France relate que s’il n’a reçu aucune réponse écrite, la responsable a tenu à le rassurer sur la situation. Au mois d’avril 2020, il décide de contacter un autre de ses supérieurs. De cet entretien, le salarié confie à Radio France les tenants et aboutissants : « Je ne sais pas si c’est de la langue de bois, mais il semble convaincu que le groupe Bouygues a fait les choses correctement. Il m’explique (…) qu’en raison de l’épidémie de Covid-19, il y a pu y avoir un peu de précipitation dans le pointage des salariés ».
Une erreur évoquée par la ministre du Travail Muriel Pénicaud le 8 juin 2020 à l’antenne de FranceInfo : « J’ai un petit message aux entreprises. Vous pouvez encore déclarer maintenant que c’était une erreur, que vous vous êtes trompé. Dans quelques semaines, les sanctions vont tomber. (…) Si c’est une erreur, on corrige, on rembourse, mais si c’est de la fraude, il y aura des sanctions ».
Radio France a tenté de contacter Bouygues Bâtiment Île-de-France mais sans succès. Après la publication de l’enquête de la cellule d’investigation de Radio France, la filiale a tenu à faire parvenir au média quelques informations : « Les pointages en activité partielle de nos collaborateurs sont effectués par anticipation chaque mois. Lorsque des modifications de pointage sont signalées a posteriori, ces pointages sont corrigés. D’ores et déjà, 250 collaborateurs de Bouygues Bâtiment Île-de-France initialement pointés en activité partielle ont finalement été pointés en télétravail, et les déclarations à l’administration ajustées en conséquence ». Ainsi, la situation du cadre témoignant n’aurait été qu’une situation temporaire, réajustée depuis.