Depuis plusieurs semaines, la bourse de Shangaï apporte son lot de mauvaises nouvelles. Dans un marché mal régulé derrière les apparences très contrôlées d’un Etat à poigne, l’indice actions fait un dangereux mouvement en dent de scie qui, depuis juin, se traduit par une baisse des cours.
Malgré de nombreuses mesures de relance, le gouvernement chinois n’est pas parvenu à éviter un effondrement vertigineux depuis lundi: plus de 15% de baisse, dans un contexte de ralentissement de l’activité économique.
Comme en 2008, les analystes occidentaux n’ont rien vu venir et un certain nombre d’entre eux répètent à qui veut l’entendre que cette implosion financière n’aura pas d’impact sur la croissance mondiale. Ségolène Royal, dont on se souvient qu’elle avait plaidé pour la « bravitude » depuis la muraille de Chine en 2007, n’a pas hésité hier matin à soutenir sur un plateau de télévision que les événements de Shangaï étaient d’une gravité très relative et que tout ce tohu-bohu n’affecterait pas la France.
On rangera bien évidemment au rayon des fadaises franchouillardes ces propos, d’ailleurs à l’unisson de ceux tenus par son ex-mari et actuel Président de la République. Ils sont du même ordre que ceux laissant croire que les nuages contaminés de Tchernobyl s’arrêteraient aux frontières françaises.
En réalité, les Européens peuvent nourrir de grandes inquiétudes à cause des événements chinois pour trois raisons.
Premièrement, la crise en Chine a une origine économique avant d’avoir une origine financière. Dans un pays où les statistiques publiques sont encore plus bidouillées qu’en Grèce, il est de plus en plus évident que la production industrielle traverse un creux important, confirmé par l’effondrement du prix du pétrole. Manifestement, l’économie chinoise traverse un moment difficile qui explique l’éclatement de la bulle spéculative à Shangaï. On se méfiera donc des propos tenus par les experts sur la déconnection apparente des marchés financiers chinois. Au contraire, ils reflètent bien les fondamentaux du pays.
Deuxièmement, la crise en Chine pousse l’euro à la hausse. Ce mouvement monétaire handicape nos exportations, favorise nos importations et surtout risque d’attirer en Europe les capitaux qui fuient les pays émergents. Il faudra suivre à court et moyen terme les effets de ce bouleversement, mais chacun sait que l’équilibre européen est précaire. Il faudra suivre l’impact de ces changements dans un marché fragile.
Troisièmement, les entreprises européennes ont beaucoup souffert depuis 2008 et elles pourraient difficilement survivre à une nouvelle puissante secousse. En particulier, les banques américaines et surtout européennes risquent de connaître de véritables (et insolubles) problèmes de capitalisation en cas de moins-values importantes sur les marchés.
Face à ces dangers, les marchés occidentaux ont entamé leur jeu de yoyo, perdant 7 points un jour, regagnant 5 ou 6 points le lendemain. Cette phase d’extrême volatilité risque de compromettre l’embryon de croissance que certains avaient cru déceler. Tout cela, sur le fond, ne présage rien de bon et déjà revient le spectre du Big One financier.