Un chauffeur de taxi y gagne en un an ce qu’un riche dépense en une seconde pour un sac à main de luxe. En janvier dernier, pour la dixième année consécutive, le Bureau national des statistiques chinois avait refusé de publier le coefficient Gini, qui mesure les inégalités de revenus pour la population urbaine. Cela laissait présager un terrible fossé entre riches et pauvres. A juste titre. Hier, de manière tout à fait surprenante, une enquête, publiée par un institut lié à la Banque centrale chinoise, a révélé que le coefficient Gini était de 0,61 (en 2010), un chiffre bien loin du 0 (égalité parfaite) et qui se rapproche dangereusement du 1 (inégalité totale : une personne accapare tous les revenus et les autres n’ont rien). Cela signifie donc que la deuxième puissance mondiale, communiste de surcroît, est en proie à de très fortes inégalités, parmi les plus importantes au monde.
La dernière fois que l’Empire du Milieu a consenti à avouer sa faiblesse en la matière, c’était en 2000. Le coefficient de Gini était alors de 0,4, sous la barre des 0,5 jugée critique pour l’équilibre de la société. La hausse, en seulement dix ans, est donc considérable.
D’après le Figaro qui cite un chercheur chinois, le coefficient pourrait être en réalité encore plus élevé, dans les mesures où les super-riches sont très difficiles à atteindre pour les enquêteurs. Un sacré aveu d’impuissance, qui induit notamment qu’une partie au moins des grosses fortunes échappe au fisc !
Tous les indicateurs le disent : jamais l’écart entre riches et pauvres n’a été aussi marqué en Chine. En une génération, de 1980 à 2003, l’écart entre le revenu moyen d’un citadin et celui d’un campagnard a plus que triplé. Qu’ils soient surnommés xingui (« nouveaux riches »), dakuan (« gros dépensiers ») ou encore xinquangui (« nouveaux influents »), les milliardaires chinois se multiplient en outre à toute vitesse, comme nulle part ailleurs dans le monde, dépassant toutes les prévisions. Le classement établi en octobre 2012 par le magazine américain Forbes, référence en la matière, en dénombre cent treize. En somme, le premier pays communiste du monde abrite aujourd’hui 30% des milliardaires d’Asie et 8% des super-riches de la planète. Alors qu’il n’y a pas si longtemps, sous Mao, les propriétaires faisaient partie des « mauvaises catégories », en compagnie des criminels, des paysans riches et des contre-révolutionnaires…