Oser en France remettre en question le SMIC relève du suicide politique. Imaginer que François Hollande prenne la décision de sa suppression tient sans doute de la chimère. Et pourtant, qui mieux qu’un socialiste pour revendiquer le crédit nécessaire pour porter le message du caractère social d’une telle mesure ? Car contrairement à tout ce qu’il est de bon ton de croire, il y a là une des clés fondamentales à la réduction du chômage. Imaginons un instant un tel scénario, où en se réveillant demain matin, les Français se verraient libérés de la contrainte du SMIC…
Quiconque a des enfants en âge d’entrer sur le marché du travail connaît leur angoisse face à la falaise de l’emploi. Eh bien soudain, il devient légal de les embaucher à petit prix, et comme il n’y a jamais de limite au travail à faire, la plupart redevient immédiatement embauchable, pourvu qu’ils tombent d’accord sur un – petit – salaire. Scandale ? Exploitation ? Aucunement. S’ils ne sont pas embauchés aujourd’hui, c’est que leur productivité est jugée trop faible. Par contre, à disons 50% du SMIC, tout bascule. De plus, accéder à un emploi même peu rémunéré est encore la meilleure façon d’obtenir l’expérience qui justement leur permettra très vite de prétendre à un salaire supérieur.
Donc le chômage des jeunes se voit en grande partie réglé par cet acte simple. Mais bien évidemment, c’est aussi le cas des nombreuses personnes de tous âges, peu qualifiées, ou au parcours chaotiques. Comme les jeunes, bien des freins à leur embauche sautent aussitôt qu’il devient possible de les faire travailler pour un plus petit salaire. Et peu à peu, beaucoup – certes pas tous – seront en mesure de grimper à nouveau l’échelle de la hiérarchie et de la méritocratie.
Beaucoup réagiront en affirmant qu’avec un demi salaire, il n’est pas possible de vivre. C’est oublier que ces jeunes ou autres vivent d’ores et déjà, et sans aucune ressource propre. Au mieux, certains touchent quelque allocation tout aussi faible, venant de nos impôts. Avec un vrai salaire, plus besoin d’imposer autrui, donc tout le monde gagne : le jeune gagne en dignité et en expérience, il produit de la valeur, le contribuable ne l’a plus à sa charge et peut acquérir la nouvelle valeur produite.
Soyons honnête, la suppression du SMIC ne règle pas 100% de ces deux cas, il y aura toujours quelques personnes qui par exemple ne voudront pas se vendre à bas prix, ou qui ne trouveront pas grâce aux yeux des employeurs. Cela est exact. Mais rappelons deux choses. D’abord, pour la première catégorie, la concurrence aura vite fait de les rappeler à la réalité – surtout si, en toute cohérence, l’allocation « minimum chômage » devait elle aussi être supprimée. Mais surtout, que vaut-il mieux, pour les personnes comme pour la société ? Plus de gens qui ont la dignité de gagner leur vie et qui contribuent honnêtement à une production accrue ? Ou la situation actuelle ?
En quelques mois, pas plus, on passerait ainsi d’un chômage de masse à une société de chômage résiduel durable, où les quelques chômeurs persistant le sont soit par choix de vie, soit de par des difficultés d’un autre ordre, qui relèvent probablement de la charité humaine. Alors, pourquoi le SMIC est-il maintenu ? Peut-être tout simplement parce que cela permet de donner l’illusion d’une utilité à toute la machine administrative et aux politiciens qui ont intérêt à ce que le chômage existe et persiste ? Le clientélisme est la pire plaie de notre société.
Stephane Geyres