Merci pour ce moment (vote du CETA)

Par Bertrand de Kermel Publié le 24 juillet 2019 à 5h29
Ceta Accord Ue Canada Libre Echange
@shutter - © Economie Matin
266266 députés français ont voté pour le CETA.

Merci Mesdames et Messieurs les 266 députés qui ont ratifié hier le CETA. Bientôt en vacances, vous allez revoir vos familles, vos enfants voire petits enfants. Peut-être serez-vous un peu gênés sur les bords lorsque vous leur direz que vous les adorez, les appellerez affectueusement choupinet ou choupinette, tout en sachant que par votre vote du 23 juillet 2019, vous les avez piégés, pour ne pas dire b….s dans les grandes largeurs, en leur interdisant de choisir eux-mêmes leur destinée, lorsqu’ils seront adultes. Voici pourquoi.

1 - Ce système d'arbitrage est artificiellement collé à la glu au cœur du CETA. C’est le chapitre 8. Pour le remettre en cause il faut obligatoirement dénoncer l’ensemble du CETA, selon l’article 30.9. Bruxelles est seule compétente. Si un jour la France souhaite remettre en cause ce système d’arbitrage, elle devra donc le demander à l’UE. On imagine aisément les pressions, les chantages aux licenciements, voire les insultes et humiliations qui en résulteront comme ce fut le cas pour le Parlement Wallon qui avait osé mettre en cause ce système en 2016. Tout cela, vous le savez.

Premier niveau de verrouillage.

2 - Si, malgré tout, le CETA est un jour dénoncé (une chance sur un million), il restera en vigueur 180 jours, alors que le système d'arbitrage, lui, restera en vigueur pendant 20 ans (article 30.9.2). L'équivalent d'une génération pour se libérer de ses chaînes. Sauf erreur de notre part, ce préavis est de vingt ans même en cas de guerre !

Deuxième niveau de verrouillage.

Quand les petits aujourd’hui en maternelle s’apercevront qu’ils ont été piégés en 2019, et que le droit ne leur permet plus de décider ce qu’ils veulent, comme ils le veulent, dans leur propre pays et dans des délais raisonnables, il ne faudra pas exclure de vives réactions. Il y a des précédents.

Le pire, est que cette ratification s’est déroulée à la « va-vite », après un examen bâclé en huit jours, et, cerise sur le gâteau, aucun de vous n’a été capable d’expliquer ou de présenter une note décrivant en quoi ce système d’arbitrage, qui va permettre aux multinationales de contrôler l’évolution de notre législation, est bénéfique aux citoyens.

Cela ne vous a posé aucun problème ! Et vous avez engagé plusieurs générations, alors que vous savez très bien que le monde est extraordinairement changeant, et que la souplesse est la règle (C’est d’ailleurs pourquoi vous avez assoupli le Code du travail, allant jusqu’à plafonner les indemnités pour licenciement abusif.) D’ailleurs, pourquoi ne pas avoir plafonné les indemnités de ces systèmes d’arbitrage ? Où sont la logique et l’équité de l’ensemble ? Seriez-vous capables de les expliquer là, tout de suite en trois mots ?

Il y avait bien d’autres critiques fondamentales et justifiées à l’encontre du CETA, mais celle-là est le symbole des échines qui se courbent devant les puissants. Les puissants sont même parvenus à vous contraindre d’engager irrévocablement vos descendants ! Savez-vous que des pays (qui ont pris conscience de la perversité de ce système) refusent de l’associer à des accords de libre échange. Du coup, l’Union Européenne négocie avec eux des accords de libre-échange sans les volet investissements et arbitrage. Personne n’en est mort.

Reste à espérer que sur ce dossier, le Sénat aura la sagesse, le recul et la curiosité qu’il eue dans l’affaire Benalla, ce qui ne fut pas le cas de l’Assemblée Nationale. En clair qu’il ne ratifie pas sans avoir compris comment cela fonctionne, pourquoi on ne pourra plus en sortir, pourquoi les investissements et le commerce ont-ils été ainsi imbriqués, ce qui rend le verrouillage quasiment parfait, qui en a eu l’idée, quels intérêts cela sert, et quelles sont les solutions alternatives (car elles existent).

En cas de refus du Sénat, l’Assemblée Nationale aura le dernier mot, et vous les 266 députés, devrez porter seuls la responsabilité de ce vote historique étant donné ses conséquences. La meilleure solutions ne serait-elle pas que Sénat et Assemblée nationale se mettent d’accord pour exclure les chapitres « investissements et arbitrage » du texte, règlent de concert les autres problèmes soulevés, lorsqu’ils sont rationnels et justifiés, et trouvent ainsi un terrains d’entente en commission paritaire ?

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Ancien directeur général d'un syndicat patronal du secteur agroalimentaire, Bertrand de Kermel est aujourd'hui Président du comité Pauvreté et politique, dont l'objet statutaire est de formuler toutes propositions pour une "politique juste et efficace, mise délibérément au service de l'Homme, à commencer par le plus démuni ". Il est l'auteur de deux livres sur la mondialisation (2000 et 2012)

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