Le caviar iranien n’est plus qu’un souvenir

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Par Michel Delapierre Modifié le 26 septembre 2016 à 9h39
Caviar
@shutter - © Economie Matin

Conséquences des récents accords sur le nucléaire entre la communauté internationale et l’Iran, le pays revient dans le jeu du commerce mondial après de longues années d’embargo. Mais le pétrole perse n’est pas le seul produit que la normalisation va rendre de nouveau disponible : le caviar, l’autre spécialité iranienne, va de nouveau pouvoir, en théorie, s’échanger à travers le monde.

Plus encore que la pistache ou les tapis, les oeufs d’esturgeons ont pendant longtemps représenté pour l’Iran une source confortable de revenus. Pêché depuis des siècles dans la mer Caspienne, le caviar iranien est réputé comme l’un des meilleurs du monde, et l’un des plus chers. A leur apogée, les exportations ont représenté jusqu’à 40 tonnes par an. Mais, l’année passée, malgré la levée des sanctions, l’Iran n’a pas pu vendre plus d’une tonne sur le marché international.

Entre temps, d’autres producteurs se sont installés comme des acteurs majeurs du secteur. L’Allemagne, l’Uruguay, la Roumanie, l’Italie, Israël ou bien encore la France ont conquis des parts des marchés et la Chine est devenue le premier producteur mondial (30 tonnes en 2013). L’Iran risque de ne jamais parvenir à regagner son statut passé.

En effet, la pollution et la surpêche consécutive à l’écroulement de l’Union Soviétique ont drastiquement endommagé la Caspienne et ses stocks de poissons : depuis le début des années 90, les réserves ont baissé de plus de 90%.

En vingt ans, d’une production annuelle supérieure à 1000 tonnes la mer intérieure est passée à moins de 10.

À tel point qu’il est devenu illégal depuis 2008 d’importer du caviar sauvage dans de nombreux pays. Tous les types d’esturgeons sont touchés et proches de l’extinction à l’état naturel. L’espèce est de surcroit très fragile et ses représentants mettent en général plus de dix ans à devenir féconds et à produire des oeufs.

Aujourd’hui, l’immense majorité du caviar consommé provient donc d’élevages piscicoles. Difficiles à mettre en place, ces fermes aquatiques vont mettre du temps à s’implanter en Iran. En 2018, l’ensemble des exportations iraniennes de caviar ne devrait représenter pour le pays que la valeur de deux jours de production de pétrole brut.

Cette réorganisation du marché a su profiter aux acteurs historiques du marché. Ainsi, l’entreprise Petrossian, fondée en 1920 par les frères d’origines arméniennes du même nom, leader du marché avec un chiffre d’affaires dépassant les 40 millions d’euros, a su s’adapter à cette nouvelle donne en développant de nouvelles filières d’approvisionnement. La Gironde est ainsi devenue un producteur majeur avec quelque 25 tonnes produites annuellement par six sociétés détentrices d’une Identification Géographique Protégée (IGP) « Caviar d'Aquitaine ».

Les sanctions internationales et la mort de la Mer Caspienne ont donc durablement modifié ce marché de l’ultra luxe, au détriment de l’Iran. Au même titre que la Russie, le Kazakhstan ou l'Azerbaïdjan, l’Iran ne retrouvera sans doute jamais son rang sur le marché de cet autre or noir, victime de la surpêche de ses voisins et du « protectionnisme environnemental » de l’occident.

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