Le fonctionnaires et les candidats à l'entrée dans la fonction publique, doivent-ils justifier d'un casier judiciaire vierge ? La question refait régulièrement surface avec l’actualité.
Le cas de l’instituteur soupçonné de viol sur mineurs, qui était en poste bien que condamné, auparavant, pour la détention d’images pédopornographiques, ou encore le cas de l’ancien mentor des frères Kouachi, condamné en 2008 à six ans de prison pour association de malfaiteurs en relation avec une entreprise terroriste, en poste dans les services d’un hôpital public en sont des illustrations récentes qui raniment le débat.
Les conditions d’accès et de maintien dans la fonction publique doivent-elles être revues ? Doit-on systématiser l’éviction de la fonction publique de tout individu qui présente une condamnation au bulletin n° 2 du casier judiciaire ? C’est, en gros, dans ces termes que se présente la réflexion.
L’émoi provoqué par les cas précédemment rappelés conduit nombre de commentateurs à préconiser cette solution… Elle paraît pourtant bien radicale et bien peu appropriée !
En effet, les principes qui gouvernent la fonction publique sont clairs puisque « Nul ne peut avoir la qualité de fonctionnaire (...) 3°) le cas échéant, si les mentions portées au bulletin n° 2 du casier judiciaire sont incompatibles avec l'exercice des fonctions ; (...) » (cf. article 5 de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires).
Un examen au cas par cas
Contrairement à une idée répandue, la seule existence de la mention d’une condamnation au bulletin n° 2 ne fait pas obstacle à ce que l’on accède à la fonction publique ni même à ce qu’on s’y maintienne.
Ce n’est que si les mentions portées au bulletin n°2 du casier judiciaire sont incompatibles avec l’exercice de la fonction de l’agent que l’alternative de la radiation ou du refus de titularisation se profile.
C’est donc à un examen au cas par cas que doit procéder l’administration employeur en recherchant, sous le contrôle du juge administratif, si telle ou telle condamnation fait ou non obstacle à l’exercice de fonctions publiques.
Certes, la notion de « compatibilité » demeure floue mais il ne semble pas qu’il y ait de carences ou de défaillances majeures de ce point de vue-là.
En réalité, les dysfonctionnements médiatisés, tiennent davantage d’un défaut d’information ou de l’imparfaite circulation de l’information entre les services de la Justice et ceux de l’administration employeur.
Bien entendu que la condamnation de l’enseignant pour détention d’images pédopornographiques emportait l’incompatibilité avec l’exercice de fonctions le mettant en contact avec des enfants. Mais encore faut-il, pour que cette incompatibilité soit constatée, que l’employeur dispose, en temps utiles, des bonnes informations !
Il y a donc bien des dysfonctionnements, pour certains très graves, mais ce n’est pas, sur le plan de l’exigence d’un casier judiciaire vierge ou non.
Le « bulletin n° 2 » n'atteste de rien
C’est un faux débat, une fausse bonne idée ou une vraie mauvaise idée. Mais qui ne résoudra en rien les problèmes rencontrés.
Il faut rappeler, aussi, que le bulletin n° 2 du casier judiciaire comporte la plupart des condamnations et décisions de justice, mais pas toutes non plus puisque de nombreuses exceptions sont prévues (par exemple, décision rendues à l'encontre des mineurs, contraventions, condamnations assorties d'une dispense de peine etc.) et puisque le juge pénal peut prévoir lui-même la non-inscription de la condamnation. La personne ayant fait l’objet d’une condamnation inscrite au « B2 » peut, au demeurant, solliciter l’effacement de la mention.
On voit bien, donc, que le critère du « casier vierge » est hasardeux compte tenu de la diversité à la fois de la nature des condamnations figurant au « B2 » mais aussi de la diversité en termes de gravité des condamnations pouvant y figurer.
Exiger un casier strictement vierge reviendrait à « disqualifier » de la fonction publique toute personne ayant fait l’objet d’une condamnation inscrite au « B2 » y compris lorsqu’il s’agit d’une infraction routière…
Cette exigence peut être considérée comme légitime au regard des missions de puissance publique et d’intérêt général qui guident l’action administrative, mais sa consécration ne résoudrait en rien les dysfonctionnements constatés. Sa mise en œuvre ne manquerait pas, de surcroît, de soulever des difficultés tenant, précisément, à une nécessaire redéfinition des contours du « B2 ».
Alors, créer des difficultés supplémentaires pour résoudre un problème tout autre, est-il vraiment pertinent ?