Limiter les achats en cash va à l’encontre du bon sens économique

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Par Sandrine Marcot Publié le 23 mars 2015 à 5h00
Montres Horlogerie Achats France
@shutter - © Economie Matin
40 %40 % des montres achetées en France coûtent plus de 1 000 euros.

Au nom de la lutte contre le financement du terrorisme, M. le Ministre Michel Sapin vient d’annoncer vouloir limiter à 1.000 euros le montant des achats en espèces par les consommateurs français et à 10.000 euros pour les non-résidents, autrement dit les touristes étrangers.

Le plafond était jusqu'à présent fixé à 3.000 euros pour les consommateurs français et à 15.000 euros pour les non-résidents.

Une transposition stricte d'une directive européenne

Ces dispositions ressortent déjà d’une transposition extrêmement stricte de la directive 2005/CE de lutte contre le blanchiment, qui n’impose pas de seuil de paiement en espèces, mais un signalement aux autorités compétentes lorsque la transaction en espèces excède 15.000 euros. Nous comprenons la volonté du gouvernement de contrôler les paiements en espèces dans un souci de sécurité nationale. Cela ne doit cependant pas se faire au détriment du bon sens dans la situation économique actuelle.

La règlementation stricte de l'horlogerie-bijouterie

Nous ne pouvons pas vouloir d’un côté développer l’attractivité touristique de nos commerces en favorisant les échanges dans un cadre déjà fortement réglementé et de l’autre côté, limiter nos capacités de ventes, et notamment dans le secteur de l’horlogerie-bijouterie où des dispositions de contrôles très contraignantes sont d’ores et déjà en place et ont prouvé leur efficacité. Notre secteur est en effet soumis à une règlementation spécifique relevant du droit douanier sur le rachat d’or et sur le livre de police pour les articles en métaux précieux. Il respecte également le code monétaire et financier avec l’obligation de déclarations de soupçon (TRACFIN).

Vers une baisse du chiffre d'affaires

Il existe donc une traçabilité complète de l’achat, même lorsqu’il est effectué par le consommateur en espèces. Pour notre profession réglementée, diminuer le seuil de paiement en espèce n’apportera rien en matière de lutte contre le terrorisme, mais entrainera de façon certaine une perte de chiffre d’affaires pour nos entreprises. Ces mesures n’existent pas dans la plupart des pays européens et ceux qui possèdent des seuils de limitation sont largement audelà des seuils français. Avec une telle mesure, bon nombre d’achats se feront à l’étranger, soit une perte sèche de recettes, notamment fiscales, pour l’Etat.

Il est en outre prouvé que la contrefaçon finance le terrorisme et le crime organisé. Nous demandons que l’Etat renforce sa vigilance sur ces activités plutôt qu’envers nos professions qui ont pignon sur rue, font la renommée internationale de la France et sont déjà largement encadrées et contrôlées. Enfin, si une telle mesure devait s’appliquer, ne serait-il pas logique qu’elle ne concerne que les secteurs sensibles pour la sécurité nationale et non l’ensemble des activités commerciales ?

40 % des montres achetées en France coûtent plus de 1 000 euros

A plusieurs reprises, notre secteur a demandé le relèvement de ces plafonds afin qu’ils soient en adéquation avec la valeur de nos produits qui, rappelons-le, appartiennent à la grande famille du luxe et sont l’objet d’achats "coup de cœur" la plupart du temps pour des cadeaux. L’achat en espèces est donc une tradition pour notre métier. Les bijoux et montres de plus de 1.000 euros représentent plus de 40% des achats en valeur réalisés en France. Ce segment est donc fondamental pour la profession HBJO et pour les emplois induits dans le commerce et la fabrication. En effet, la progression des rayons Montres et Bijoux à plus de 1.000 euros s’est arrêtée en 2013 et 2014 alors qu’elle a continué de progresser fortement en Angleterre, en Suisse, en Belgique et en Allemagne, creusant l’écart avec la France.

Supprimer un mode de paiement risque d'aggraver encore ce recul. Seule une partie des acheteurs se reporteront vers d'autres moyens de paiement. Les autres réduiront leurs montants d'achats, achèteront à l'étranger lors de leurs déplacements ou renonceront tout simplement à leur acte d’achat

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Sandrine Marcot est la Présidente déléguée de l’UBH. Elle est également Présidente du Conseil Interprofessionnel de la Bijouterie et de l’Horlogerie.

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