Une « carte BTP » pour lutter contre la fraude au détachement

Anton Kunin
Par Anton Kunin Publié le 21 mars 2017 à 23h29
Construction Btp Chantier
cc/pixabay - © Economie Matin
286 000En 2015, 286 000 salariés détachés étaient déclarés en France.

Présentée en grande pompe par Myriam El Khomri, la Ministre du Travail, la carte professionnelle du BTP devient obligatoire à partir du 22 mars 2017 pour tous les salariés présents sur un chantier. Sa raison d’être : lutter contre le travail clandestin et la fraude au détachement.

La fraude au détachement, nouveau cheval de bataille du Ministère du Travail

Le travail détaché est en train de connaître son heure de gloire. Il s’agit d’un dispositif d’embauche au sein de l’Union européenne, où une entreprise immatriculée dans le pays d’origine du salarié peut l’envoyer travailler dans un autre État membre, pendant 24 moins maximum. La France est le deuxième pays d’accueil des travailleurs détachés, derrière l’Allemagne. Le secteur du BTP est particulièrement touché, totalisant 27 % de l’ensemble des détachés présents en France. Les principaux pays envoyant de la main d’oeuvre en France sont la Pologne, le Portugal, l’Espagne et la Roumanie. En 2015, 286 000 salariés détachés étaient déclarés en France, soit 25 % de plus par rapport à l’année précédente.

Mais cette mobilité a un revers. Dans les règles, le salarié détaché a droit aux mêmes conditions de travail que les nationaux (temps de travail et de repos, vacances, jours fériés) et à un salaire au moins égal au SMIC en vigueur dans le pays d’accueil. Mais dans les faits, ces dispositions sont rarement respectées. Et du simple fait d’une présence importante de travailleurs détachés dans le BTP, ce secteur est particulièrement exposé.

La carte BTP, un dispositif dont l’efficacité reste à démontrer

2,5 millions de cartes BTP devront être demandées par les entreprises et éditées par l’Imprimerie nationale dans les mois qui viennent. Selon le Ministère du Travail, cette carte sera source d’une économie de temps considérable lors de contrôles : en flashant le QR code, l’inspecteur du travail pourra avoir accès à un certain nombre d’informations sur son détenteur et son contrat de travail.

Cependant, on peut douter de l’efficacité de ce dispositif dans la lutte contre les atteintes aux droits des salariés. En pratique, rien n’empêche l’employeur de déclarer de fausses informations lors de la demande de cartes. À moins qu’un inspecteur du travail demande au salarié ses relevés bancaires, il ne pourra pas constater un salaire inférieur au minimum légal, le salaire figurant sur le contrat de travail pouvant ne pas correspondre à la somme réellement versée. De même que la carte BTP ne permettra pas de savoir (dans le cas où le salarié réside en France) si l’entreprise remplit ou non son obligation de verser les cotisations sociales à l’URSSAF.

La non-présentation de cette carte est en revanche passible pour l’entreprise d’une amende de 2 000 euros par salarié se trouvant sans carte. Ce montage bureaucratique serait donc potentiellement source d’une manne financière très importante pour l’État. Les entreprises du BTP, quant à elles, devront assumer des coûts supplémentaires liés à la demande de ces cartes.

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Anton Kunin

Après son Master de journalisme, Anton Kunin a rejoint l'équipe d'ÉconomieMatin, où il écrit sur des sujets liés à la consommation, la banque, l'immobilier, l'e-commerce et les transports.

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