Dans un entretien à Vanity Fair, Jérôme Cahuzac est revenu sur le scandale de son compte en Suisse. Il reconnaît avoir fait une « énorme connerie ».
Mis en examen depuis le 02 avril 2013 pour blanchiment de fraude fiscale, Jérôme Cahuzac ne s'était plus exprimé publiquement depuis l'annonce de son retrait de la vie politique, le 16 avril 2013.
« Ce compte est devenu un boulet »
« Quand j'ai ouvert ce maudit compte, je n'avais aucun mandat, je n'étais candidat à rien, je n'imaginais même pas que je le serais un jour. Je suis devenu un homme respecté, écouté, on me reconnaît une compétence, j'ai une influence sur la politique de mon pays. Je ne peux pas accepter de laisser tout détruire à cause d'une imbécilité qui date d'il y a vingt ans. »
À l'origine du premier grand scandale du mandat de François Hollande, l'ancien ministre délégué en charge du Budget revient notamment sur les raisons qui l'ont poussé à ouvrir ce compte bancaire non déclaré lorsqu'il s'est lancé, au début des années 1990, dans les implants capillaires tout en menant des missions de consultant pour des laboratoires pharmaceutiques.
« Très vite, j'ai gagné bien plus qu'auparavant. Je ne savais pas quoi faire de cet argent et une partie des clients de la clinique voulaient payer en espèces. Je me suis dit qu'avec un compte en Suisse je serais tranquille. J'ai été complètement inconscient », explique-t-il. « L'existence du compte est devenue un boulet », confie-t-il encore. « À cinq ou six reprises, j'ai tenté de m'en débarrasser. À chaque fois, je me suis heurté au même obstacle : la rupture de l'anonymat. Si j'avais pu rapatrier les fonds et m'acquitter de ce que je devais tout en préservant le secret, immédiatement je l'aurais fait. » Il le certifie, lorsqu'il transfère les fonds à Singapour en 2009, ce n'est pas « pour protéger l'argent mais pour que rien ne se sache jamais ». Au passage, le chirurgien affirme n'avoir « jamais été un homme d'argent ».
Pour l'ancien ministre, le vrai tournant est en mai 2012, lorsqu'il accepte le poste de ministre délégué au Budget. « C'est à ce moment-là que je fous ma vie en l'air. J'aurais dû répondre non. Rien ne serait sorti, le temps que je trouve enfin une solution pour me débarrasser de cette saleté de compte. » Dans ces conditions, accepter de « devenir ministre a été l'erreur de ma vie », affirme l'ancien ministre du gouvernement Ayrault. « J'aurais dû répondre non. »
D'un scandale d'État à la démission
« Par lettre du 26 mars 2013, j'ai demandé à Messieurs les juges d'instruction Roger Le Loire et Renaud Van Ruymbeke de bien vouloir me recevoir afin que, délivré des obligations de ma fonction, je puisse enfin donner les explications qui s'imposent au regard de la détention à l'étranger d'un compte bancaire dont je suis le bénéficiaire depuis une vingtaine d'années. » le pavé est lancé.
Accusé par le site d'information Mediapart d'avoir détenu un compte bancaire secret en Suisse, le ministre délégué au Budget Jérôme Cahuzac s'est défendu pendant quatre mois, avant d'avouer le 02 avril devant les juges puis publiquement sur son blog. Une semaine avant il avait été poussé à la démission après l'annonce par le parquet de Paris de l'ouverture d'une information judiciaire.
Décembre 2012, M. Cahuzac dépose d'abord une plainte en diffamation simple, puis une plainte en diffamation avec constitution de partie civile, ce qui entraîne automatiquement la saisine d'un juge d'instruction mais sans provoquer d'enquête.
En janvier 2013, le parquet de Paris ouvre une enquête préliminaire pour « blanchiment de fraude fiscale » afin de vérifier si Jérôme Cahuzac a réellement détenu un compte caché en Suisse. La justice entend notamment « faire procéder, sans attendre, aux vérifications relatives à la réalité et au contenu de l'enregistrement ». Le ministre socialiste a salué cette décision, estimant qu'elle permettrait « de démontrer sa complète innocence ».
Le 02 avril 2013, l'ex-ministre du Budget se libère de son secret devant les juges chargés de l'instruction, qui le mettent en examen pour blanchiment de fraude fiscale. Il reconnaît sur son blog avoir effectivement un compte à l'étranger « depuis une vingtaine d'années » sur lequel environ 600 000 euros sont déposés. Il assure avoir été « pris dans une spirale du mensonge » et demande pardon au chef de l'Etat et au Premier ministre. François Hollande dénonce « une impardonnable faute morale », Jean-Marc Ayrault « demande à Jérôme Cahuzac de tirer toutes les conséquences de ce mensonge à l'égard des Français et de ne plus exercer d'autorité politique ».