Les frondeurs socialistes sont probablement les plus extraordinaires hypocrites de la Vè République. D’un côté, ils multiplient les leçons de morale sur le thème de la solidarité, de la classe ouvrière, de l’aide aux plus pauvres, aux veuves et aux orphelins. De l’autre, ils ne manquent pas une occasion de se courber devant le seul puissant qu’ils respectent et qu’ils admirent vraiment (depuis que la fonction présidentielle et sa dignité ont trépassé sous les coups de boutoir d’un conducteur de scooter): l’argent!
Les sociaux-démocrates ont été, sont et seront toujours d’exemplaires sociaux-traîtres.
Les frondeurs prétendent haïr le capitalisme…
Pas plus tard que la semaine dernière, les frondeurs s’en sont donné à coeur joie pour refiscaliser l’attribution gratuite d’actions (AGA), sous des termes qui fleuraient bon la lutte des classes:
Bref, on pourrait faire beaucoup de choses utiles pour les Français, plutôt que ce cadeau à quelques cadres supérieurs et dirigeants qui ne sont pas dans le besoin.
Ces propos dans la bouche de Pascal Cherki ont failli nous arracher une larme de tristesse. Ce n’était plus l’hémicycle de l’Assemblée Nationale, c’était une projection de Germinal à la Maison des Jeunes et de la Culture de Denain (prononcez « D’nain »), championne de France (et même du monde) toutes catégories, du RSA.
… pour mieux lui servir la soupe
Mais, dans la foulée, le même Cherki (avec l’aide de soixante autres admirateurs de l’argent) déposait, en loi de financement de la sécurité sociale, un amendement qui mettait brutalement du baume au coeur de ceux à qui il prétendait faire les poches en loi de finances. Cet amendement propose de sécuriser les monopoles dans le domaine de la protection sociale complémentaire d’entreprise.
La manoeuvre est habile, car très technique et discrète. Elle n’en revient pas moins à faire un cadeau de 12 milliards aux poids lourds du capitalisme financier mondial. Vous savez, ceux qui sont les ennemis du discours du Bourget…
Le faux motif de la solidarité
Pour justifier cette duperie, les frondeurs, qui ont envoyé l’incertain Denys Robiliard (sur lequel nous reviendrons dans les jours à venir) pour défendre l’opération de bonneteau à leur place dans l’hémicycle, ont comme toujours invoqué la sacro-sainte solidarité. L’intéressé a reçu le soutien d’une clique pêle-mêle de radicaux socialistes et de communistes.
On sait que dans ce domaine la mutualisation est le seul moyen de garantir l’égalité de traitement de l’ensemble des salariés et des employeurs d’une branche.
Un monopole qui finance les syndicats…
Sur ce point, le premier loup se cache à la lisière de la forêt. La prévoyance professionnelle dont il est question dans l’amendement des frondeurs est un marché de plusieurs milliards détenu à plus de 90% par des institutions de prévoyance dirigée par les organisations syndicales, qui finance ces mêmes syndicats de façon plus ou moins occulte. On comprend mieux pour les partenaires sociaux ont poussé ce texte.
On n’est jamais mieux servi que par soi-même.
… et le Grand Capital
Mais il y a un deuxième loup que les frondeurs se gardent bien de dévoiler. Car, si le marché de la prévoyance est une chasse gardée des partenaires sociaux et de leurs pompes à phynances, il est aussi un appoint net pour le grand capital et pour ces horribles « assurés privés » à qui les frondeurs prétendent faire barrage. Car l’ensemble des institutions de prévoyance se fait réassurer (et donc partage ses bénéfices) avec quelques richissimes assureurs privés.
Compte tenu de la réglementation prudentielle, les institutions paritaires de prévoyance sont en effet obligées de partager les risques avec des acteurs qui ont les reins solides.
12 milliards de cadeaux au Grand Capital
Combien ce marché représente-t-il? Selon l’Argus de l’Assurance, ce ne sont pas moins de 12 milliards € qui tombent dans les poches des plus gros assureurs grâce à la réassurance de la prévoyance professionnelle. Les plus gros bénéficiaires de l’opération sont très bien décrits ci-dessous:
Source: Argus de l’Assurance
Axa, CNP, Generali: voilà quelques acteurs misérables du capitalisme français qui applaudissent des deux mains à l’amendement des frondeurs. Moyennant une commission versée aux syndicats, les affaires vont continuer. Au nom de la solidarité, bien entendu.
Article écrit par Eric Verhaeghe pour son blog