Les tergiversations actuelles entre le Royaume-Uni et Bruxelles pour trouver un accord de sortie de l’Union européenne ne sont que les conséquences du projet européen vidé de sa substance, créant ainsi des antagonismes se solidifiant avec le temps tant que l’on aura pas traité le mal à la racine !
Rappel de l’acte manqué, du déficit démocratique d’aujourd’hui et de la refondation de demain !
L’acte manqué : l’Union européenne s’est élargie de 6 Etats à 28 Etats en très peu de temps faut-il le rappeler, 57 ans très exactement depuis le Traité de Rome de 1957. Faut-il préciser que pour un petit pays comme la Suisse pas loin de 700 années auront été nécessaires pour constituer un Etat Fédéral composé de peuples très différents.
L’origine même de l’Union européenne est à chercher dans le contexte de Guerre Froide et dans une volonté maintes fois répétée par Jean Monnet de s’abriter sous le parapluie américain. Mais aujourd’hui, le parapluie américain, qui n’a rien de très européen d’ailleurs a pris d’autres directions et l’Europe n’arrive toujours pas à se créer sa propre identité, tout du moins fédérale. L’Union européenne ne possède toujours pas de mythe fondateur ni de principe politique fort en matière d’indépendance en témoignent les billets de banque d’autrefois vidés de leur figure emblématique. Entre confédération et fédération, personne ne s’entend encore sur la finalité donnée à ce projet. Doit-on rappeler que dès le départ, la construction européenne ne reposait pas sur des bases solides comme en témoigne l’échec de la communauté européenne de défense refusée par les Français en 1954 !
Le déficit démocratique d'aujourd'hui : les commissaires européens peuvent en toute impunité démocratique froisser les attentes des citoyens pro-européens mais rêvant d’une autre Europe, notamment dans le domaine social. Car l’intégration économique européenne a primé sur tout le reste, traité de Paris, de Rome et de Maastricht. Aussi, l’image qu’en ont globalement les Européens, c’est la stratégie du coup de force permanent. Certes, on entend souvent dire que la démocratie est parfaitement respectée en Europe et que les décisions du Parlement sont le résultat d’élections européennes au Suffrage universel. Si les démocraties nationales fonctionnent bien, les institutions européennes souffrent d’un déficit démocratique chronique. La France désapprouve par référendum le Traité constitutionnel, le Traité de Lisbonne qui s'en est suivi à l'initiative de Nicolas Sarkozy ayant été approuvé par les Parlements pour soi-disant éviter un blocage institutionnel. On refait voter en 2009 les Irlandais au motif qu’ils ont mal voté au premier référendum sur le Traité de Lisbonne. Enfin, plus récemment, il y a eu l’entrée de la Lettonie dans la zone euro en 2014 alors que tous les sondages indiquaient que 10% seulement de la population y était favorable.
Deux visions de l’Europe qui ne parviennent ni à s’entendre ni à synthétiser
La refondation de demain : les tergiversations autour d’un vote sur le Brexit entre le Royaume-Uni et Bruxelles témoignent à mon sens d’une opposition (interne à la GB ici) entre une vision porteuse de valeurs et fondatrice d’une Europe coopérative respectant cultures et traditions « au sens noble », d’une vision intégrative défendue plutôt par Bruxelles. Ce que l’on nous dit pas sur les incertitudes actuelles du Brexit est qu’en réalité, cette Europe là est déjà sortie de l’histoire. Il n’est pas nécessaire d’être Jean-Pierre Chevènement pour le constater. L’Union européenne étouffe d’une certaine manière les merveilleuses voix singulières tout en permettant la cacophonie du Brexit. Finalement, le Brexit n’est-il pas un énième échec de cette Europe là ? Ne ressemble-t-il pas à l’échec cuisant de la Bosnie autrefois et de la Syrie ensuite. On nous avait aussi juré que l’Europe serait culturelle, humaine et même sociale. Par exemple Mitterrand était persuadé que Maastricht et les traités européens mèneraient à l’Europe sociale. Il ne s’agit aucunement de mettre un terme à l’Europe mais bien au contraire de la renforcer en acceptant qu’une alternative est possible à ce modèle unique. Les incertitudes du Brexit sont donc révélatrices de deux visions de l’Europe qui ne parviennent ni à s’entendre ni à synthétiser ce qu’il peut y avoir de bon dans l’une et l’autre vision. La synthèse est probablement dans la coopétition européenne social-démocrate des projets européens, respectant culture et identités tout en stimulant une concurrence équilibrée sportive et bienveillante.