Le budget de l’Etat : constriction urgente et blocages techniques

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Par Jean-Yves Archer Publié le 19 septembre 2013 à 3h28

La France vient d'entendre le premier de ces élus lui annoncer une pause fiscale pour 2014. Moins de dix jours après ce slogan présidentiel, le numéro 2 de l'Etat repousse cette notion de pause à 2015. En cette délicate matière fiscale, ne serait-il pas possible d'avoir une cohérence dans le discours et une continuité dans l'action ?

Autrement dit de freiner cette véritable instabilité des règles fiscales qui nuisent à bien des projets à la fois des particuliers comme des entreprises. Sans un minimum de visibilité, tant la demande de produits durables que l'investissement seront lourdement pénalisés. Ils sont aussi pénalisés par le niveau atteint par les prélèvements obligatoires ( près de 47% du PIB ) dont le ministre des Finances a eu la décence de reconnaître que le pic serait atteint en 2014. Si tout va bien.

Dans ce contexte, la dépense publique va représenter près de 57% du PIB et impose une logique urgente de constriction

Nous savons tous que les besoins sociaux sont immenses et loin d'être satisfaits ( logement, niveau nominal du RSA, etc ) et que les besoins de service public sont eux aussi loin d'être pleinement satisfaits. Mais trois faits s'imposent : tout d'abord, " la France vit déjà au-dessus de ses moyens " ( Raymond Barre, 1980 ) et il faut que les élus soient en mesure d'élever leur capacité à dire non à toutes sortes de demandes qui émanent du corps social. Puis, nous sommes très vraisemblablement passés du mauvais côté de la courbe empirique de Laffer selon laquelle " trop d'impôt tue l'impôt " ce qui génère un développement de l'économie souterraine ( près de 30 milliards de recettes en manque à gagner selon la Commission européenne ) ou des fraudes plus massives que par le passé ( exemple de la TVA intracommunautaire ou des prix de transferts ). Enfin, toutes les études convergent ( OCDE, FMI, Bercy, etc ) pour indiquer que le niveau de la dette sera de près de 2.000 milliards d'euros en 2015 et donc supérieure à 92% du PIB estimé d'alors.

Instabilité fiscale, pression fiscale, communication publique erratique, recettes moins élevées que prévues ( du fait du rôle néfaste et pro-cyclique de la ponction fiscale en temps de croissance atone ) sont des éléments qui s'additionnent à un fait très simple et avéré : en moins de deux ans et demi, droite et gauche confondues ont décidé de prélever un peu plus de 63 milliards exceptionnels sur le pays.

Clairement, s'il avait été décidé de restreindre de 60 milliards d'euros la dépense publique sur la même période, nous serions à 51% du PIB ( en dépenses publiques ) soit le niveau de la Suède qui ne peut pas être décrite comme ultra-libérale ou anti-sociale.

Si l'on retient l'idée de 60 milliards d'économies en dépenses publiques, il faut évidemment visualiser de prime abord deux points : c'est un vrai effort de grande discipline. Puis, il faut garder à l'esprit que l'Etat n'est pas seul concerné. A ce jour, sur près de 1.280 milliards de dépenses publiques, 25% vont aux dépenses sociales, 21,2% vont à l'Etat et 11,5 pour les collectivités territoriales. ( soit le total de 57% du PIB ).

Hélas pour notre modèle social actuel, vouloir réussir une constriction de la dépense publique passe d'abord par la remise en cause de dépenses de la Sécurité sociale et d'autres dépenses sociales. Il est à noter que plusieurs études internationales chiffrent à 4 ou 5 fois plus le montant de la fraude sociale que ne le déclarent les Autorités publiques. Une interrogation est donc posée. Il y a bien sûr les vrais fraudeurs à couleur d'escrocs, il y a aussi tous ces " petits arrangements " ( arrêt-maladies de complaisance, etc ) qui finissent par représenter de vraies sommes. Evidemment, tenter de réduire de 10% les dépenses sociales ( soit environ 26 milliards ) est d'autant plus complexe que les besoins sociaux augmentent avec la crise : ainsi, ce sont près de 70.000 personnes qui sortent mensuellement du régime d'indemnisation chômage et vont, amèrement, rejoindre le rang des allocataires sociaux.

Sur près de 130 milliards de dépenses des collectivités territoriales, diverses études confidentielles ( Trésorier-Payeur-Général, Préfet de Région ) rapportent que les dysfonctionnements de la décentralisation ( enchevêtrement de collectivités dites de pleine compétence générale au lieu d'être investies de missions limitativement énoncées ) et les parasitages plus ou moins claniques génèrent des surcoûts situés entre 8 à 14% selon les méthodes de chiffrage. Retenons 10%, cela veut dire que la gauche qui avait tous les leviers politiques ( Présidence, Gouvernement, Parlement, quasiment toutes les régions, la large majorité des conseils généraux, etc ) pouvait lancer dès 2012 une simplification du millefeuille administratif territorial et espérer une économie de 10 à 15 milliards par an. Cette inertie sur un sujet d'une aussi grande importance sera jugée coupable par l'histoire des finances publiques de notre pays.

D'autant que l'Etat n'est pas dénué d'un certain cynisme : il vient de décider de réduire ces dotations aux collectivités locales alors que celles-ci ont des budgets sociaux qui explosent : APA, par exemple.

26 mds en social, 15 mds en territorial, reste la question de l'Etat central

A ce stade, il faut se reporter au rapport du Conseil des prélèvements obligatoires ( CPO ) présidé par le premier président de la Cour des comptes qui a publié un texte stupéfiant en date du 4 juillet 2013. Près de 112 mds de taxes affectées ( les taxes directement prélevées par les organismes publics comme l'ADEME, les Voies Navigables de France, le Centre National du Cinéma ) dont 453 organismes sont bénéficiaires ont connu une hausse de 4,5% par an ( depuis plusieurs années ) contre 1,2% pour le budget de l'Etat sticto sensu. La Cour propose de rebugétiser 20 milliards de ces dépenses pour que l'Etat et le Parlement puissent mieux les contrôler. Pourquoi une somme si limitée au regard des 121 mds prévus pour 2013 ? L'Etat n' accomplit pas l'effort de constriction qu'il convient en matière de fiscalité affectée, ces propres chiffres ( avant même toute analyse ) le démontrent. Sans exagération, il y a probablement 6 à 8 milliards à récupérer de ces dérives.

Dernier point d'économies que le ministre Cazeneuve a évoqué lui-même : faire un effort de 2% sur les dépenses de fonctionnement. C'est bien le moins que l'Etat, représentant et incarnation des intérêts de la Nation, puisse faire alors que le pouvoir d'achat de ses concitoyens sera probablement en baisse de 2% en 2013 : crise et fiscalité obligent.

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Jean-Yves Archer est énarque ( promotion Léonard de Vinci ), économiste et fondateur de Archer 58 Research : société de recherches économiques et sociales. Depuis octobre 2011, il est membre de l’Institut Français des Administrateurs (IFA).  

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