Budget 2015 : la boîte à outils et l’illusion

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Par Jean-Yves Archer Publié le 2 octobre 2014 à 4h37

Le projet de loi de finances ( PLF ) a été arrêté hier en conseil des ministres avec une dizaine de jours de retard sur le calendrier prévu. Autant dire que l'exercice a été laborieux et qu'il faut loyalement songer aux efforts et à la charge de travail des concepteurs de Bercy.

Et pourtant, le résultat n'emporte pas la conviction pour plusieurs raisons qu'il convient de lister.

1 ) Le taux de croissance retenu pour 2015 est exagéré :

Envisager 1% de prévision de croissance pour 2015 relève du vœu pieux et n'a pas recueilli l'imprimatur du HCFP ( Haut-conseil des finances publiques ) composé d'économistes et de magistrats de la Cour des comptes ( présidence assurée par M. Didier Migaud ). Le consensus actuel des économistes, de l'OCDE et surtout du FMI conclut pour une hausse du PIB de 0,7%. Cette exagération de la croissance est une facilité intellectuelle et politique qui permet d'aider à boucler le budget. Convenons que c'est une technique usuelle de l'Etat depuis bien des gouvernements...

2 ) Les 21 milliards d'économies sont-ils vraiment documentés ?

Le PLF pour 2015 prévoit ( voir page 8 du livret résumé du PLF, source Minefi ) 9,6 mds d'économies sur les comptes de la Sécurité sociale. 3,2 mds liés à l'assurance-maladie semblent réalistes mais les 6,4 autres milliards ne seraient pas tous exhaustivement documentés et laissent donc – à ce stade – planer un doute.
De toutes les façons, un chiffre cité par Bercy fait office de juge de paix : le ratio dépense publique / PIB est de 56,5% en 2014 et sera ( ? ) de 56,1% en 2015. Autant dire que la dépense publique française demeure vivace, ce qui peut être un atout en période de croissance faible sauf à abonder des éléments de fonctionnement et de gestion incertaine. D'ailleurs, on peut être étonné que ce PLF comporte pour quelques 2,5 mds une réduction de dépenses d'intervention de l'Etat ( notamment destinées aux soutiens aux associations et entreprises ) alors que la crise économique est toujours si présente.

3 ) La future déconvenue des rentrées fiscales :

" Au-delà des effets de la révision à la baisse de la croissance et de l'inflation, la nouvelle trajectoire de finances publiques intègre des évolutions techniques importantes pour le calcul des principaux agrégats de finances publiques " ( p.5 )

Notre conviction est qu'il y aura moins de recettes qu'envisagées par cette version du PLF et que le ministre Sapin rappelle fort justement que la faiblesse de l'inflation impacte les recettes fiscales, comme en 2014 au demeurant.
Si l'on agrège la croissance surestimée et l'inflation, on peut – à titre de premier chiffrage – évaluer à un peu plus de 10 mds le manque à gagner pour l'Etat. D'autant que d'autres hypothèses retenues sont sujettes à caution. Ainsi, en page 22, le livret sur l'essentiel du PLF retient 1,3% comme chiffre 2015 de " dépenses de consommation des ménages " contre 0,2% en 2013 et 0,3 en 2014. Chacun perçoit l'opportun calcul sur les rentrées de TVA mais est-on encore dans le crédible ? La boîte à outils chère au Président n'est-elle pas devenue une boîte à fusibles soumise à des étincelles au contact du principe de réalité ?

4 ) Vers un déficit de 100 milliards ?

Le déficit prévu par le PLF 2015 est de 87 milliards d'euros soit davantage qu'en 2014 ( 82 mds ). Or, ce déficit prévisionnel ne sera pas tenu du fait de ce qui précède. Même si cette perspective ne saurait réjouir quiconque, il est fondé de penser que la France franchira la barre des 100 milliards de déficit au cours de l'année 2015. Dès lors, notre pays sera conduit, pour des raisons de sincérité comptable, de soumettre au Parlement un PLF rectificatif avant l'été 2015 sous le regard attentif de Bruxelles et d'un commissaire européen nommé Pierre Moscovici.
Le PLF sera un moment dense du débat engagé cet été entre les frondeurs et l'exécutif. L'instabilité fiscale est probablement devant nous du fait du fractionnement de la majorité parlementaire.

Une chose est certaine, c'est un budget d'esprits éclairés. Ainsi, il a été annoncé une hausse de 2 cts sur le litre de gazole suite à l'abandon de l'écotaxe. Or, subtilité budgétaire et juridique, le produit de l'écotaxe ( fiscalité dite affectée ) aurait été versé au financement de projets d'infrastructures. A l'opposé, les 2 cents sur le gazole iront dans le budget général de l'Etat et donc éventuellement loin des besoins routiers et ferroviaires....

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Jean-Yves Archer est énarque ( promotion Léonard de Vinci ), économiste et fondateur de Archer 58 Research : société de recherches économiques et sociales. Depuis octobre 2011, il est membre de l’Institut Français des Administrateurs (IFA).  

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