La vérité sur le budget français pour 2014

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Par Sylvain Fontan Publié le 16 octobre 2013 à 6h34

Le budget 2014 de la France a été présenté le 25 septembre dernier. Les trois idées mises en avant par le gouvernement français est que ce budget constitue une "pause fiscale", renvoyant essentiellement à une "baisse des dépenses", le tout dans un cadre "juste". Le caractère de justice est subjectif et doit être apprécié par chacun. Toutefois, les aspects concernant la fiscalité et les dépenses publiques peuvent être objectivés et il apparaît que les actes infirmes les mots.

Des dépenses publiques qui augmentent

L'annonce gouvernementale selon laquelle les dépenses publiques vont diminuer est trompeuse. Officiellement, les dépenses publiques vont diminuer de 15 milliards d'euros en 2014. Toutefois, la réalité des chiffres vient contredire cette annonce car les dépenses publiques vont bien continuer à progresser d'au moins 5 milliards d'euros en 2014. En effet, le gouvernement présente le chiffre de 15 milliards comme des économies alors qu'en fait ce montant correspond à une moindre progression des dépenses. En d'autres termes, au lieu que les dépenses augmentent en 2014 de 20 milliards (au titre de l'augmentation naturelle des dépenses publiques), les dépenses n'augmenteront que de 5 milliards, d'où cette différence de 15 milliards présentée sous l'appellation « économies ».

En plus d'être trompeuse, cette baisse officielle des dépenses publiques est conditionnée. En effet, pour bâtir son budget, le gouvernement base ses prévisions sur une croissance économique de +0,9% en 2014. Or, même si ce chiffre paraît beaucoup moins irréaliste que les précédentes prévisions de croissance (pour mémoire le candidat Hollande prévoyait une croissance économique de +1,7% en 2013 contre probablement 0% en réalité), il n'en demeure pas moins qu'il persiste dans la fourchette haute des prévisions de croissance. Dès lors, si cette performance optimiste devait ne pas se réaliser, c'est toute l'architecture budgétaire qui serait mise à mal. Dans ce cas, les dépenses publiques seront appelées à augmenter plus que prévu sous l'effet mécanique de la dépense sociale notamment (chômage...).

La crédibilité du gouvernement à tenir cet objectif de moindre augmentation des dépenses peut raisonnablement être remise en cause. En effet, le gouvernement s'était déjà engagé en 2013 sur le même objectif d'augmentation. Or, le résultat a été un échec car les dépenses publiques ont augmenté plus que cet objectif. Au final, le déficit public en 2013 sera supérieur à 4% du PIB contre les 3% initialement annoncés. Etant donné les mesures économiques prises par le gouvernement, ainsi que sur son optimisme en matière de croissance il est probable que cet objectif ne soit pas tenu et que les dépenses publiques dérapent de nouveau.

Des prélèvements obligatoires qui augmentent

Le gouvernement a annoncé une pause fiscale en 2014. Le débat autour du mot de l'expression de "pause fiscale" est largement sémantique et repose en réalité sur de la communication politique. En effet, l'objectif recherché est d'instiller l'idée auprès de la population que les impôts prélevés en 2014 vont diminuer. Or, même de façon étymologique, le mot "pause" renvoie en réalité à une "suspension momentanée avant d'entamer une reprise". Dès lors, même si cette expression devait s'avérer factuellement vraie, elle impliquerait, d'une part, que la fiscalité française restera à un niveau très élevé (quasiment un record mondial avec plus de 46% de la richesse produite prélevée en impôts, taxes et cotisations) et, d'autre part, cela impliquerait que la fiscalité est appelée à augmenter dans l'avenir.

Le gouvernement annonce "seulement" 3 milliards d'impôts supplémentaires en 2014. Le simple fait d'annoncer la hausse de la fiscalité de 3 milliards d'euros est en contradiction avec l'idée d'une pause fiscale. Toutefois, pour défendre l'idée d'une pause fiscale, Bercy (autrement dit la Ministère de l'Economie et des Finances) annonce que ces 3 milliards d'euros seront justes et renverraient essentiellement à des contrôles fiscaux plus poussés pour traquer les fraudeurs. Dans ce cadre, l'expression de "pause fiscale" peut être entendue car la volonté de lutter contre la fraude renvoie à un objectif d'optimisation des rentrées fiscales en ciblant les contribuables qui chercheraient à se soustraire à la solidarité nationale.

Toutefois, la fiscalité qui pèse sur l'économie française va en réalité continuer à croître. En effet, s'il est vrai que les impôts nouveaux ne représentent que 3 milliards d'euros, il est également vrai que la fiscalité sur les ménages va augmenter de 12,5 milliards supplémentaires en 2014. Le gouvernement n'intègre pas ces 12,5 milliards dans sa communication, arguant que ces hausses ne sont pas nouvelles car elles étaient connues avant la publication du Projet de Loi de Finance 2014 (PLF 2014). Ainsi, au-delà de la communication gouvernementale, la réalité pratique est que la fiscalité nouvelle issue du budget 2014 s'élève bien à 3 milliards d'euros, mais que la fiscalité effective supplémentaire en 2014 sera de 15,5 milliards d'euros. En effet, les agents économiques français ne devront pas s'acquitter seulement des nouveaux impôts décidés dans le budget 2014 (3 milliards d'euros), mais également de ceux décidés auparavant (12,5 milliards d'euros). De plus, notons que cette fiscalité vient s'ajouter à la fiscalité déjà en cours et décidée l'année précédente. En d'autres termes, la fiscalité de 2014 ne vient pas remplacer la fiscalité de 2013, mais elle vient s'y ajouter.

La fiscalité sur les entreprises reste encore floue. Alors que les mesures fiscales prises jusqu'à maintenant visaient largement les entreprises, la hausse de la fiscalité va principalement toucher les ménages. Néanmoins, les entreprises seront elles aussi appeler à accroître leur effort fiscal même si les mesures touchant les entreprises restent encore floues : après avoir décidé de la création d'un nouvel impôt sur l'EBE (Excédent Brut d'Exploitation) qui aurait détruit le potentiel d'investissement des entreprises, le gouvernement s'est résolu à le retiré au profit d'un impôt sur l'ENE (Excédent Net d'Exploitation), avant de réaliser que ce solde intermédiaire de gestion n'existait pas , pour enfin au dernières nouvelles créer une surtaxe sur l'IS (Impôt sur les Sociétés), le tout en l'espace de deux semaines. Dans ce cadre, il devient compliqué de commenter les décisions gouvernementales concernant la fiscalité des entreprises, hormis le fait que la compétitivité des entreprises va encore être obéré et que le manque de visibilité et de stabilité du cadre fiscale aura en plus nécessairement pour effet de ne pas inciter à l'investir.

La hausse de fiscalité portera essentiellement sur les ménages et les familles. Concernant les ménages, alors que la hausse de la fiscalité leur incombant en 2013 s'élevait à 10 milliards d'euros, la hausse dont ils devront s'acquitter en 2014 sera encore plus élevée car elle s'élèvera à 12,5 milliards. Les impôts supplémentaires sur les ménages toucheront essentiellement les familles :

Hausse de la TVA = + 6,4 milliards d'euros

Fiscalisation des retraités qui ont eu une famille nombreuse = +1,7 milliards d'euros

Hausse des droits de mutations = + 1,3 milliards d'euros

Diminution du quotient familial = + 1 milliard d'euros

Fin de l'exonération fiscale sur les complémentaires santés pour les salariés = + 1 milliards d'euros

Suppression des allégements fiscaux pour les enfants scolarisés = + 0,5 milliards d'euros

Elargissement de l'assiette de calcul de l'ISF = + 0,3 milliards d'euros

Hausse de la fiscalité sur les terrains à bâtir = +0,2 milliards

La fiscalité augmente en France car le pays n'arrive pas à diminuer ses dépenses publiques

La France doit être consciente des implications de ses choix collectifs et les assumer. En effet, la dépense publique continue à croître rapidement. Ainsi, dès lors que les français expriment le souhait de payer moins d'impôts, la population doit accepter en contrepartie une baisse des dépenses publiques. Parmi ces dépenses publiques il y a tout ce qui ne se voit pas et dont la France est "spécialisée", c'est-à-dire les aides, les subventions, les agences de contrôles, les comités Théodule, la multiplication des administrations et des démarches administratives... Mais plus que tous ces éléments qu'il conviendrait de repenser, il y a tout ce qui se voit. Dans ce cadre, les dépenses de sécurité sociale (maladie, retraites, chômage...) et les dépenses des collectivités locales représentent l'immense majorité des dépenses publiques auxquelles l'ensemble de la société française semble être accoutumée au point de ne plus pouvoir envisager de vivre sans.

La population française émet collectivement une requête incohérente. En effet, les français se plaignent de payer trop d'impôts mais ils demandent parallèlement toujours plus d'aides, de subventions et de dépenses. Ainsi, la demande des citoyens se traduit par une offre politique qui s'adapte à cette demande dans un phénomène auto-renforçant où le discours politique prend soin d'entretenir cette incohérence.

Si la France ne diminue pas ses dépenses, elle est condamnée à voir augmenter la fiscalité. En plus de voir la fiscalité augmenter, ce sera également le nombre de contribuables qui va augmenter. Le phénomène sera d'autant plus important que la France ne se lancera pas dans de grandes réformes structurelles, du marché du travail notamment, qui seraient les seules capables de stimuler suffisamment la croissance et ainsi augmenter mécaniquement le rendement de la fiscalité et diminuer le montant et le poids des dépenses publiques.

Conclusion

L'objectif des annonces gouvernementales était d'envoyer un triple message : à savoir que (1) la dette publique va diminuer (2) grâce à la baisse des dépenses publiques et (3) non grâce à la hausse de la fiscalité. Au-delà de ces déclarations politiques, il apparaît que la réalité est inverse car à la fois la dette publique, les dépenses publiques et les prélèvements obligatoires vont augmenter en 2014, atteignant même tous un record historique et établissant ainsi un record mondial.

Le gouvernement est confronté à une équation impossible. Il doit faire face à des contradictions profondes compte tenu du dilemme entre les enjeux politiques (issus de sa base et de son mandat électoral) et les enjeux économiques (issus de la réalité des mesures qu'il met en place). Le gouvernement est lancé dans une fuite en avant dans la hausse de la fiscalité. Une des conséquences déjà observées est que les hausses d'impôts se traduisent par des recettes fiscales effectives inférieures à celles initialement escomptées. En effet, paradoxalement, passé un certain niveau, quand la pression fiscale augmente, le résultat est que les recettes diminuent car la pression fiscalité excessive (1) casse la croissance et l'investissement personnel dans le travail, (2) augmente l'exil fiscale, et (3) encourage le travail au noir. A plus long terme, un des risques quasi philosophique auquel ce genre de gestion politique de court terme conduit, est de voir un seuil psychologique dépassé qui se traduirait par la disparition du consentement à l'impôt sur lequel la fragile architecture française repose pour le moment.

Une seule idée résume à elle seule le problème profond de ce budget 2014 : il prévoit un déficit public de 82 milliards d'euros et une création de richesse supplémentaire de 18 milliards d'euros (+0,9% de croissance). Par conséquent, et volontairement de façon très caricaturale de la part de l'auteur, cette équation budgétaire induit le fait qu'il faut dépenser à crédit 4 pour créer 1. Dans ce cadre, il apparaît clairement que la dynamique est totalement insoutenable.

Retrouvez d'autres décryptages économiques écrits pas Sylvain Fontan sur son site : www.leconomiste.eu

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Sylvain Fontan, économiste et créateur du site www.leconomiste.eu   Parcours Professionnel   - Analyste-Investissement (Unigestion - Société de gestion d’actifs) - Analyste-Risque (RWE - Société de trading en énergie) - Analyste-Hedge Fund (BPER - Banque Privée Edmond de Rothschild) - Macroéconomiste (TAC - Laboratoire de recherche privé en économie et finance) - Chargé d’études économiques (OMC - Organisation Mondiale du Commerce) - Chargé d’études économiques (ONU - Organisation des Nations Unies)  

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