Les conséquences fiscales du Brexit pour les entreprises

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Par Sophie Jouniaux et Sabrina Ben Hassou Publié le 1 février 2021 à 6h00
Brexit Consequences Fiscales Entreprises
@shutter - © Economie Matin
1%"cette quote-part est réduite au taux de 1% lorsque la filiale distributrice est établie dans l'UE et soumise à un impôt équivalent à l'impôt sur les sociétés français."

Le 23 juin 2016, les britanniques se prononçaient par voie de référendum sur la sortie du Royaume-Uni de l'Union européenne (UE) et entérinaient le fameux « Brexit ». Bien que la sortie officielle du Royaume-Uni ait été actée le 31 janvier 2020, le droit européen a continué de s'appliquer au Royaume-Uni durant la période de transition qui s'est achevée le 31 décembre 2020 à la suite de la conclusion d'un Accord de sortie.

Nous exposons brièvement ci-dessous les principales conséquences fiscales pour les entreprises.

Effets sur le financement de la Recherche et du Développement

Les dépenses de recherche sous-traitées à un organisme de recherche britannique agréé ne sont plus éligibles au crédit d'impôt en faveur de la recherche (CIR) depuis le 1 er janvier 2021. En effet, depuis sa sortie, le Royaume-Uni est assimilé à un pays tiers. Or, pour être prises en compte dans le calcul du CIR, les dépenses de sous-traitance doivent avoir été réalisées par des prestataires publics ou privés implantés en France, dans l'UE ou dans l'Espace économique européen (EEE).

Conséquences de la Sortie du Marché Unique en matière de douanes et de TVA

La réalisation du Marché Unique implique notamment, au point de vue fiscal, la disparition des frontières fiscales au sein de l'UE.

Formalités douanières

Si aux termes de l'Accord de sortie, les droits de douanes sont interdits sur les marchandises originaires de l'UE ou du Royaume-Uni, des formalités devront être remplies par les entreprises réalisant des échanges avec le Royaume-Uni.

En effet, les opérations réalisées avec des sociétés britanniques seront considérées comme étant réalisées avec un pays tiers. Par conséquent, elles ne seront plus des opérations intracommunautaires mais des importations ou exportations. Ce changement implique en pratique de déposer des déclarations auprès des douanes françaises.

  • A l'exportation, il conviendra de justifier de l'exonération de TVA française ;
  • A l'importation, il conviendra de calculer et acquitter la TVA française.

A ce titre, les entreprises britanniques sans établissement stable en France ne seront pas dans l'obligation de désigner un représentant fiscal pour effectuer leurs obligations qui seront gérées par le service des non-résidents.

Entreprises relevant du mini-guichet TVA français

Le système du mini-guichet TVA (MOSS) concerne les assujettis qui réalisent des services par voie électronique, des services de télécommunication et des services de radiodiffusion et de télévision au sein de l'UE auprès de clients particuliers. Ces services étant imposables à la TVA de l'Etat membre où est établi le consommateur, le mini-guichet a été mis en place afin de permettre aux prestataires de ne pas s'immatriculer à la TVA dans chaque État membre de consommation.

Les entreprises recourant au mini-guichet devront donc déclarer et payer la TVA sur les prestations imposables au Royaume-Uni réalisées à compter du 1er janvier 2021. La TVA due sur les prestations fournies avant le 31 décembre 2020 devaient quant à elles faire l'objet d'une déclaration via le MOSS français avant le 20 janvier 2021.

Démarches avec les autorités britanniques

Les entreprises françaises réalisant des opérations imposables à la TVA au Royaume-Uni devront s'enregistrer auprès des autorités fiscales britanniques afin de déclarer et payer la TVA. Ces démarches nécessiteront d'avoir un agent sur place en charge des déclarations TVA ou alors de disposer d'une présence minimale pour les effectuer. Les entreprises françaises devront veiller à limiter leur présence et ne pas apporter de changement important à leur schéma commercial afin de ne pas constituer un établissement stable imposable au Royaume-Uni.

Modification du régime d'imposition des dividendes distribués …

… du Royaume-Uni vers la France…

Une société française peut bénéficier du régime dit « mère-fille » qui prévoit l'exonération des dividendes reçus de ses filiales sous réserve de la taxation d'une quote-part de frais et charges égale à 5% du montant des dividendes reçus. Ce dispositif permet d'imposer un dividende à un taux effectif réduit (1,4% en 2020 et 1,325% en 2021).

Ce régime n'étant pas conditionné à l'établissement de la filiale distributrice dans l'UE, les sociétés mères françaises ne sont pas privées de l'exonération du fait du Brexit. Toutefois, cette quote-part est réduite au taux de 1% lorsque la filiale distributrice est établie dans l'UE et soumise à un impôt équivalent à l'impôt sur les sociétés français et que la mère et la filiale remplissent les conditions qui leur permettraient d'être intégrées fiscalement si la filiale était établie en France.

Du fait du Brexit, les dividendes versés par une société britannique seront réputés provenir d'une société non établie dans l'UE et ne pourront plus bénéficier de la réduction de la quote-part.

… et de la France vers le Royaume-Uni

La législation française prévoit une exonération de retenue à la source sur les dividendes de source française lorsque qu'une entité bénéficiaire établie dans l'UE ou l'EEE détient 10% d'une société distributrice française. L'exonération peut également être obtenue lorsque la société bénéficiaire détient 5% de la distributrice et se trouve dans l'impossibilité d'imputer la retenue à la source dans son Etat de résidence ce qui est très fréquent. Avant le Brexit, cette exonération s'appliquait aux distributions de dividendes de source française vers le Royaume-Uni, sous réserve de remplir ces conditions de seuil, puisque le Royaume-Uni était situé dans l'UE.

Lorsque l'exonération ne pouvait être obtenue, il convenait de s'en remettre à la convention fiscale conclue entre la France et le Royaume-Uni qui prévoit que si la société française distributrice est détenue directement ou indirectement à moins de 10% par la société britannique, le taux de la retenue ne pourra excéder 15%. La convention prévoit également que si la société française distributrice est détenue directement ou indirectement à plus de 10% par la société britannique, la retenue à la source n'est pas applicable. Par conséquent, que ce soit sous l'empire du droit français ou de la convention, la détention de 10% permettait d'obtenir une exonération de retenue à la source.

L'avantage des dispositions françaises était de permettre d'obtenir une exonération lorsque la bénéficiaire ne détenait que 5% de la distributrice. Du fait du Brexit, en cas de détention entre 5 et 10%, la distribution de dividendes n'est plus exonérée puisqu'en application de la convention, une détention de moins de 10% implique une retenue à la source de 15%.

La cessation des groupes de sociétés incluant une société britannique

Le régime d'intégration fiscale permet à une société mère de se constituer seule redevable de l'impôt sur les sociétés pour l'ensemble du groupe qu'elle forme avec ses filiales ou avec ses sociétés sœurs. Dans le cadre de ce régime, il est possible de constituer un groupe horizontal entre sociétés filiales, sœurs ou cousines à condition qu'elles soient détenues à 95 % au moins par une entité mère étrangère ou alors par l'intermédiaire de sociétés étrangères. Les sociétés étrangères, qu'elles soient mère ou intermédiaire, doivent être établies dans un Etat membre de l'UE ou de l'EEE.

La sortie du Royaume-Uni au 31 décembre 2020 implique donc la cessation de certains groupes d'intégration fiscale qui disposent d'une société mère et/ou intermédiaire établie au Royaume-Uni. L'administration fiscale avait toutefois précisé que les entités étrangères étaient réputées satisfaire les conditions d'éligibilité durant l'exercice clos le 31 décembre 2020 ou en cours à cette date et invité les groupes à procéder à des reclassements de titres.

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Membre du barreau de Paris depuis 2001. Sophie JOUNIAUX est associée du département Droit Fiscal. Elle intervient en matière de fiscalité française et internationale des entreprises, en particulier dans le domaine des fusions acquisitions, des restructurations d’entreprises et des problématiques fiscales internationales. Elle assiste également les dirigeants et salariés dans le cadre des mécanismes d’intéressement et de rémunération. Enfin, Sophie intervient en matière de contrôles et de contentieux fiscaux. Sophie JOUNIAUX a développé une expertise spécifique dans le secteur de la santé, conseillant les sociétés et laboratoires pharmaceutiques et de dispositifs médicaux, et auteur de nombreux articles dans des revues juridiques et fiscales, françaises et internationales, et a été chargée de cours de fiscalité des entreprises française et international à HEC Paris et à l’Université de Montpellier I. Avant de rejoindre FTPA, Sophie a dirigé le département fiscal d’Osborne Clarke de 2016 à 2020.  Elle est titulaire du DESS de Droit des affaires et Fiscalité et du Diplôme de Juriste Conseil d’Entreprise (Université de Strasbourg 1998). Maître Sabrina Ben Hassou est collaboratrice au sein du département fiscal du cabinet FTPA Avocats. Sa pratique est axée sur la structuration fiscale internationale, les réorganisations d’entreprises, les mécanismes d’incitation des salariés et des dirigeants, la fiscalité des particuliers et le contentieux fiscal. Elle est diplômée d’un Master II en droit des affaires et fiscalité de l’Université Paris X Nanterre ainsi que du Mastère DMI d’HEC Paris.

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