Brésil: les défis économiques de la prochaine mandature

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Par Christopher Dembik Publié le 12 juillet 2014 à 2h29

C'est un réveil douloureux pour le Brésil, et pas seulement pour les supporters de la Seleção. Dilma Rousseff espérait bien capitaliser sur une victoire de l'équipe nationale en finale de la Coupe du monde. Ce ne sera pas le cas. La difficile réalité économique et sociale va s'imposer de nouveau dans l'agenda politique et médiatique à la faveur du début de la campagne présidentielle d'octobre. Et les défis économiques sont nombreux pour le futur président.

Le Brésil de 2014

La spécificité de l'économie brésilienne c'est qu'elle a à la fois les maux communs aux pays émergents mais aussi, de plus en plus, les problèmes d'un pays riche.

Le principal succès de l'ère Lula fut de réduire substantiellement l'extrême pauvreté et les écarts de richesse mais un modèle de croissance pérenne est encore à trouver pour le pays. L'épineux problème de l'inflation témoigne du chemin qu'il reste encore à parcourir au pays pour avoir une maîtrise complète de son économie. Le pilotage fin de la banque centrale ne peut en aucun cas dissimuler l'échec du Brésil à contenir la hausse des prix et, ainsi, à maintenir la paix sociale.

Pour renforcer sa position dans l'économie mondialisée, le Brésil devra s'attaquer à ses nombreux problèmes internes. C'est un territoire qui n'a jamais été complètement conquis depuis les premières zones de peuplement liées à l'arrivée des européens. Le sousinvestissement chronique dans les infrastructures, en particulier de transport, a favorisé l'accroissement des disparités de richesse régionales et fait peser un coût économique significatif sur les activités se situant dans les territoires les plus enclavés de l'ouest et du nord du pays. C'est le fameux « costo brasil ». Comparé aux autres pays en voie de développement, c'est seulement environ 1.5% du PIB qui est investi dans les infrastructures, contre 5.1% pour ses concurrents directs et une moyenne mondiale autour de 3.8%. L'absence de plan concerté de développement des infrastructures et surtout la non-participation du secteur privé dans ces projets d'investissement coûteux expliquent que le Brésil ne soit pas un territoire unifié économiquement. Les opportunités en la matière offertes par la Coupe du monde n'ont, d'ailleurs, pas été saisies.

Du fait de la corruption généralisée et des méandres de la réglementation, beaucoup d'investisseurs étrangers n'osent pas s'aventurer sur des projets dont la rentabilité ne sera perceptible que sur le long terme. Le climat des affaires au Brésil est pénalisé, sur certains créneaux, par la manière de faire brésilienne, le jeitinho brasileiro, qui est très souvent difficile à appréhender pour les Occidentaux et les investisseurs chinois.

Tant que la fragmentation du système économique brésilien perdurera, le pays ne sera pas en mesure, réellement, de s'extraire de son statut de pays émergent à fort potentiel.

Quiconque est déjà allé au Brésil a conscience que c'est un pays très créatif, où la population a constamment de nouvelles idées, mais qui, au final, innove peu. C'est pourtant la clé de voûte d'un développement économique harmonieux. L'Etat, qui est le principal contributeur en termes de recherche et développement, à hauteur de 1% du PIB, n'a pas su enclencher un cercle vertueux consistant à ce que le secteur privé prenne le relais à ce niveau. Les entreprises contribuent à peine à 15% des 1% investis dans le domaine. Trop peu. D'où l'absence d'innovations de rupture.

A plus long terme, le principal défi pour le Brésil n'est pourtant pas celui qu'on aurait tendance à croire. En effet, on serait enclin à penser que, comme tous les pays émergents, le géant d'Amérique du Sud risque de faire face, dans les décennies à venir, à un boom démographique qu'il faudra gérer. Et pourtant, c'est tout le contraire qui va se passer. Le Brésil a un problème de pays riche : sa population vieillit. 2014 devrait être la première année de décroissance démographique. Ce qui implique des changements fondamentaux pour l'économie et, notamment une refonte du très généreux système des retraites qui ne sera plus viable.

A cause d'une durée de cotisations faible par rapport à la moyenne mondiale et d'un montant alloué très élevé (les Brésiliens conservent 86% de leurs revenus après la retraite contre 42% pour un américain), le Brésil consacre une part de son PIB aussi importante que le sud de l'Europe au paiement des retraites alors que sa proportion de personnes âgées est trois fois moins importante qu'en Espagne ou en Italie. Un système qui va inévitablement disparaitre. L'indéniable solidarité familiale ne sera pas suffisante, en tout cas, pour répondre à l'enjeu du vieillissement.

Penser le Brésil de la prochaine décennie

Pour surmonter ces défis, les solutions existent et certaines commencent, d'ailleurs, déjà à être mises en œuvre, soit sous l'impulsion de l'Etat soit plus souvent grâce des initiatives individuelles. C'est par exemple le cas avec le développement, en partenariat avec de grandes universités américaines, de centres d'excellence universitaires et de R&D. D'autres recommandations seront plus difficiles à mettre en œuvre, en est-il ainsi de la nécessaire réforme du système des retraites.

Ce seront, en tout cas, quelques-uns des principaux chantiers qui devront être abordés par le prochain président. Qu'il s'agisse de Dilma Rousseff ou de son challenger le sénateur Aecio Neves.

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Conclusion

Du point de vue macroéconomique, on ne peut pas sous-estimer les défis du Brésil. Les fondamentaux parlent d'eux-mêmes. Il faudra certainement plusieurs décennies avant qu'il ne rattrape son retard sur l'Occident. En revanche, il serait risqué de ne pas croire en sa capacité à se renouveler. Les Brésiliens ont su faire preuve, tout au long de leur histoire, d'une résilience impressionnante qui permet d'être optimiste.

Le salut du Brésil ne viendra probablement ni de l'Etat ni de sa classe politique mais plutôt de sa population, de ses fermiers qui ont su entrer par la grande porte sur le marché mondial ou encore de ses nombreux entrepreneurs qui préparent l'économie de demain. Ce sera l'agrégation des initiatives individuelles, la microéconomie, qui permettra au pays de renouer avec les rêves de grandeur.

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Christopher Dembik est économiste chez SaxoBank.

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