La Sécurité sociale est divisée en branches. Mais combien y en a-t-il ? Avant la césure estivale, le Gouvernement projetait de créer une « cinquième branche », consacrée à la dépendance. L’Assemblée nationale a voté positivement ce projet de loi le 23 juillet dernier. Sans tenir compte du fait que la Sécurité sociale comporte déjà 5 branches …
Gouvernants et députés semblent ignorer le site officiel de la sécurité sociale !
Apparemment, lors de la préparation de ce texte de loi, aucun membre du Gouvernement n’est allé regarder le site officiel de la Sécurité sociale, qui explique clairement, en caractères gras, que notre Sécu, ou du moins le régime général, dont il est précisé qu’il couvre 90% des assurés sociaux, comporte 5 branches. Pareillement, aucun député, lorsque le projet de loi a été soumis à l’Assemblée, n’a semble-t-il été jeter un coup d’œil à ce site officiel. Or voici ce que ces personnes éminentes y auraient appris :
« Ce régime est lui-même composé de différentes branches, chacune chargée de la gestion de risques particuliers. Comme l’illustre le schéma ci-dessous, ces branches sont au nombre de 5 :
- la branche famille, gérée par les Allocations familiales
- la branche maladie, gérée par l’Assurance Maladie
- la branche accidents du travail – maladies professionnelles, également gérée par l’Assurance Maladie
- la branche retraite, gérée par l’Assurance Retraite
- la branche recouvrement, gérée par les URSSAF »
Suivent plusieurs pages expliquant les fonctions de chacune de ces cinq branches. Tant qu’à faire, lisez-les donc, chers Parlementaires, Ministres et Président de la République !
Division en branches et logique bureaucratique
Il est pratique de confier à un même organisme tous les remboursements et prises en charge par tiers-payant de ce qui concerne des soins, mais il convient de faire attention : si les accouchements sont médicalisés ils ne constituent pas pour autant le traitement d’une maladie ! S’il est pratique de faire payer ou rembourser un accouchement par la caisse qui intervient aussi pour une grippe, un cancer ou une jambe cassée, il n’est pas logique de mettre ces dépenses dans le même panier – la branche maladie. La mise au monde d’un bébé est, du point de vue économique, un investissement, tandis que soigner le cancer d’une personne âgée prolonge une vie qui coûtera à la collectivité. Bien entendu, une société humaniste se doit d’assumer de telles dépenses, mais ce n’est pas une raison pour refuser de distinguer entre les actes médicaux qui constituent économiquement des investissements, et ceux qui ne possèdent pas cette propriété. La routine bureaucratique ne doit pas supplanter le bon sens et l’analyse économique. Or la distinction entre consommation et investissement est le B.A. BA de l’économie.
Nous ne critiquons pas l’organisation consistant à faire traiter toutes les dépenses ayant un caractère médical par la même administration – la branche maladie : c’est pratique. En revanche, le législateur devrait donner pour consigne à cette administration de répartir ses prises en charge selon leur nature économique. En effet, ce qui relève de l’investissement dans le capital humain, comme les accouchements et la pédiatrie, devrait logiquement être financé par des cotisations ouvrant des droits à pension, tandis que ce qui relève de la production et de la consommation de services courants (le traitement d’une bronchite, d’une jambe cassée, etc.) requiert simplement le versement de primes d’assurance donnant le droit d’être soigné gratuitement (ou presque) en cas de pépin.
Le pot aux roses
La dimension « investissement » est très importante dans le domaine de la santé. Que l’on crée une « branche autonomie », ou que les situations de dépendance soient soit traitées par la branche maladie en liaison avec la branche vieillesse, c’est là une simple question d’efficacité administrative ; ce devrait être du ressort de la direction générale de la Sécurité sociale, sans que le Parlement ait à s’en mêler. En revanche, il importe de disposer d’une comptabilité analytique permettant de classer les dépenses qui relèvent du report de revenu en direction du troisième âge : il y a d’abord l’investissement dans la jeunesse, premier temps de ce moteur à deux temps, et ensuite ce qui relève du second temps, le versement de cotisations vieillesse. Le premier temps se compose de prestations qui devraient être alimentées par la cotisation jeunesse, créatrice de droits à pension ; le second, quant à lui, est composé de pensions et de soins qui ont vocation à être financés par les cotisations vieillesse.
Une telle organisation comptable, seule cohérente avec la réalité économique, est très différente de celle qui existe actuellement. La Sécu est soumise aux us et coutumes bureaucratiques, à commencer par le nominalisme : les soins aux personnes âgées, étant dénommés « soins », relèvent comptablement de la seule assurance maladie, même s’ils sont financés en réalité par un transfert des actifs aux retraités. Le fait que le décompte, l’acte administratif, soit du ressort de l’assurance maladie, suffit pour que les sommes soient réputées relever de la branche maladie, alors même qu’elles sont ponctionnées sur les actifs au profit des retraités. Tout serait plus clair si l’on portait la cotisation vieillesse au niveau requis pour financer les soins dont ont besoin les retraités, et si l’on diminuait d’autant la cotisation maladie des actifs.
Un tel changement, assez facile à réaliser, montrerait l’importance effective des ponctions réalisées sur les actifs au profit des retraités. Mais Tartuffe veille : « Cachez ce sein que je ne saurais voir » ! L’organisation actuelle de la Sécu a pour conséquence une hypertrophie hypocrite des cotisations maladie des actifs, laquelle hypertrophie permet une minoration scandaleuse des cotisations maladie des retraités. Ce pot aux roses se chiffre en dizaines de milliards, comme nous le verrons dans un prochain article.