Les solutions du marché basées sur de l'IA vont apporter immédiatement à l'entreprise des gains de productivité. Cependant, c'est en s'appuyant sur les métiers que les entreprises pourront tirer le maximum de cette technologie et prétendre à l'augmentation de leur compétitivité.
Les solutions IA du marché ne seront pas des différentiateurs
Les milliards déjà investis ont vu éclore une myriade de solutions répondant aux problématiques communes à toutes les entreprises. En venant assister des métiers, optimiser des process ou automatiser des tâches, l'introduction de ces solutions sur étagère dans l'entreprise va s'inscrire tout naturellement dans la continuité de ce que l'on appelait « l'informatisation » avant que cela ne devienne la transformation digitale, initiée dans les années 90 avec l'arrivée de la bureautique. Des métiers qui n'avaient jusqu'alors bénéficié que de très peu d'aides vont se voir enfin équipés d'outils d'augmentation de leur productivité.
En permettant aux entreprises de réaliser des gains de productivité substantiels, cette première étape de l'introduction de l'IA ne sera pourtant en aucun cas un différentiateur. En effet, même s'il y a toujours une prime aux premiers utilisateurs des ruptures technologiques, la bureautique en son temps n'a jamais été un axe de différentiation à long terme. Il en sera de même avec les solutions du marché basées sur de l'IA devenues des « must have » que tout le monde mettra en œuvre. Qui se privera d'un outil de prédiction de décision de justice ou de revue des contrats dans un service juridique, de générateurs automatiques de listes de prospects dans un service marketing ? Personne ! La différentiation, et en cela l'augmentation de la compétitivité, se fera sur la capacité qu'auront les entreprises à valoriser les autres gisements sur lesquels l'IA a aussi un très fort impact.
L'augmentation de la compétitivité de l'entreprise se trouve en son sein
L'IA permet d'aborder de nouvelles problématiques dans l'entreprise, de modéliser une activité et d'en prévoir l'optimum voire même parfois d'arriver à automatiser tout ou partie de la production et pourquoi pas la vente. C'est ce que l'on appelle le Model Driven Business, les business dont les actions sont modélisables, on dit aussi actionnables par des modèles.
On connait depuis longtemps ces robots qui réalisent de manière automatique du trading car ils ont en eux des modèles qui leur permettent de prendre les « bonnes » décisions d'investissement et de les exécuter. Il en sera de même pour toutes les entreprises, dans une moindre mesure bien sûr car il sera pratiquement impossible de tout automatiser comme dans le trading, mais chaque tâche modélisée contribuera à l'optimisation de l'ensemble du business d'une société. Modéliser tout ou partie de son business sera l'un des grands enjeux de cette révolution mais cela ne sera possible que si l'on inclut les métiers qui connaissent ces gisements de productivité.
Les métiers sont les « révélateurs » de ces gisements...
Il ne sert à rien de recruter en masse des Data Scientists pour « voir » ce qu'ils pourraient faire et attendre d'eux qu'ils reviennent avec une idée géniale qui va révolutionner votre entreprise. Ce ne sont pas des consultants, ce sont des informaticiens de la statistique. Ils savent merveilleusement bien résoudre un problème qu'on leur soumettra mais dans l'entreprise, ils sont rarement à l'origine d'un développement car trop éloigné de sa réalité opérationnelle. Ce sont les métiers de l'entreprise qui seront les « révélateurs » de ces nouveaux gisements de gains de productivité car ils ont conscience des paramètres qui font le succès de leur activité. Il faudra savoir les écouter et les inclure dans des équipes pluridisciplinaires pour que leur vision de la modélisation d'une de leurs tâches, décision ou action, prenne forme avec l'IA et soit intégrée en bonne place dans le schéma directeur IA pour créer de la valeur.
...à condition qu'ils soient formés
Encore faut-il que ces métiers aient une vision analytique de leur activité et soient formés à ce changement de paradigme pour devenir les révélateurs de ces nouveaux modèles dont l'entreprise aura besoin pour se transformer.
Trop peu de personnes ont intégré de manière analytique l'environnement dans lequel elles travaillent. Cette culture du traitement de la donnée ou de sa compréhension est encore trop absente de nos entreprises. La faute à la data qui n'est pas toujours présente, à la Business Intelligence (BI) qui a été trop peu utilisée pour créer de la valeur et entraîner les cerveaux et à cette aversion bien française aux mathématiques appliquées à qui l'école de la République mais aussi l'entreprise n'a pas su nous donner goût. On le voit, ce sont les sociétés comme les banques ou encore des industriels comme Airbus qui sont les plus avancées dans leurs déploiements de l'intelligence artificielle et cela parce qu'elles ont des métiers qui sont structurellement analytiques. Il faudra qu'il en soit de même pour le reste de l'industrie et que la vision analytique fasse partie intégrante de la culture de l'entreprise.
Sans toutefois n'avoir jamais programmé, ces futurs révélateurs devront aussi avoir acquis un minimum de connaissances sur les grands concepts du Machine Learning pour pouvoir participer à des équipes pluridisciplinaires et montrer la voie. Des notions de base comme l'apprentissage supervisé, l'apprentissage non supervisé, le jeu d'apprentissage, le biais et le traitement du langage naturel devront être comprises de tous pour être en mesure d'interagir avec des Data Scientists.
L'entreprise analytique
Plus qu'une révolution technologique, c'est une révolution culturelle que les entreprises vont devoir affronter avec l'arrivée de l'IA. L'entreprise analytique doit devenir la préoccupation majeure des dirigeants, DSI et Chiefs Digital Officers, s'ils ne veulent pas laisser à d'autres le bénéfice de ces gains de compétitivité. Il faudra pour cela que se mette en place une politique volontariste dans l'entreprise qui devra être relayée en amont par l'Education nationale pour que des notions aussi simples que le Machine Learning soient mises à la portée de tous au plus tôt.