Crise : il n’y a pas que la Bretagne qui souffre, la Réunion encore plus

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Par Michel Delapierre Publié le 2 novembre 2013 à 8h23
L’île de la Réunion détient un triste record : c’est le département français le plus pauvre et le plus inégalitaire, un département que certains qualifient d’hors norme tant les inégalités sont criantes. Les émeutes populaires sont récurrentes et témoignent de la violence d’un marasme économique et social d’une autre époque.
Selon les chiffres de l’INSEE, 42% de la population vit en dessous du seuil de pauvreté. Une population qui survit grâce aux minimas sociaux et se concentre dans les quartiers urbains. Dans ces zones, le chômage atteint des proportions astronomiques chez les jeunes de 18 à 25 ans : 60% de chômeurs dans cette catégorie pour une moyenne de l’île se situant autour de 32%.

La fonction publique, première "richesse" de la Réunion

Comment ce département français d’outre mer a t’il pu en arriver là ? Plusieurs raisons peuvent être avancées mais le problème semble principalement venir de l’incapacité des décideurs à promouvoir un développement économique autonome. L’île est sous perfusion de l’Etat à tout point de vue. Les fonctionnaires des trois corps de la fonction publique – territoriale, hospitalière et Education Nationale – constituent l’un de ses principaux poumons économiques. Leurs salaires sont la principale source de revenus de l'île. Cette surreprésentation des fonctionnaires dans la richesse insulaire créée toutefois ses propres problèmes car elle induit un effet de sur-rémunération. Ces catégories favorisées tirent l’ensemble des prix vers le haut, qu’il s’agisse des loyers ou des biens de consommation courante. Le fossé avec les classes défavorisées ne cesse ainsi de se creuser. A titre d’exemple, les professeurs de l’Education Nationale bénéficient d’une augmentation de 53% de leur rémunération par rapport à la métropole. Une indexation qui est d’environ 40% à la Martinique.
Sur un plan économique, l’île vit également du commerce de la canne à sucre. L’ensemble de la chaîne y est représenté, des agriculteurs aux fabricants d’alcool. Toutefois, ce secteur ne fonctionne que grâce aux béquilles de l’Europe. Il est subventionné à 75% par la politique agricole commune et n’aurait aucune chance de survie sans cette manne financière.
Le tourisme est le troisième grand secteur phare de la Réunion. L’île possède de nombreux atouts, pourtant, sur ce secteur encore, elle ne parvient pas à trouver de modèle pérenne. Au delà de la crise actuelle du requin, le mal est profond. Après s’être plutôt orientée vers les sports de montagne, la Réunion tente de se repositionner sur les activités liées à la mer qui attire plutôt les familles et génèrent de plus amples revenus. Mais la concurrence est rude avec les îles voisines comme les Seychelles ou l’île Maurice mieux équipées et plus abordables. Le prix des voyages reste également très élevé : impossible de trouver un billet d’avion Paris-Saint Denis à moins de 1000 euros en haute saison, de quoi refroidir de nombreux portefeuilles.

La Réunion importe 75 % de ce qu'elle consomme

Enfin, dernière ombre au tableau, l’île de la Réunion importe quatre fois plus qu’elle n’exporte, notamment ses besoins en hydrocarbures.
Seule embellie, le secteur de la pêche est en pleine expansion. Par tradition, les Réunionnais sont plutôt tournés vers les terres mais il semble que la mer soit l’une des meilleures réponses à la crise pour nombre d’entre eux.
Pour faire face à tous ces problèmes et assurer une paix sociale précaire, les politiques locaux et nationaux tentent d’apporter des solutions, quitte à ressortir de vieilles recettes keynésiennes.
Depuis la création du DOM en 1946, l’île a toujours manqué d’infrastructures. Sur les 25 dernières années, l’Etat a tenté de combler ce retard et investi dans des projets massifs. En 2009, était ainsi ouverte la route des Tamarins, route à deux voies, reliant l’ouest de l’île à travers les montagnes dont le coût est estimé à plus d’un milliard d’euros. Toutefois, malgré un boom d’activité autour du projet, les emplois créés n’étaient pas pérennes et ont disparu avec la fin de la construction.
Aujourd’hui, l’Etat, la Région et l’Europe vont investir plus d’un milliard et demi dans la construction d’une Nouvelle Route du Littoral (NRL) reliant Saint Denis à la commune de la Possession. Cet ouvrage gigantesque, constitué d’un viaduc en mer de plus de 5 km et de deux digues d’environ 3,5 km, devrait générer la création d’environ 2000 emplois. A titre de comparaison, le secteur du BTP a perdu près de 10 000 emplois depuis 2008.
Le Ministre de l'Outre-Mer, Victorin Lurel et l’Inspecteur Général des Affaires Sociales en charge du plan gouvernemental contre la pauvreté, François Chérèque, ont récemment fait un voyage dans l’île pour témoigner de l’implication du gouvernement. Les politiques tentent d’apaiser les esprits avec des promesses et de grands projets.

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