Le Black Friday est un jour particulièrement important aux Etats-Unis. Outre l'aspect culturel (il se déroule le lendemain de Thanksgiving), il revêt une grande dimension économique. En effet, grâce à des réductions de prix pouvant atteindre 80 % sur certains produits, le Black Friday est normalement associé à une très forte consommation des ménages américains et à des ventes records pour le commerce de détail.
Mais depuis quelques années, les recettes engrangées durant cette période s'amenuisent, et l'année 2015 confirme cette tendance :
Cela est d'autant plus surprenant que le revenu réel des Américains a cette année particulièrement été stimulé avec par exemple l'appréciation du dollar (donc la baisse du coût des produits importés) ou la diminution du prix du pétrole à la pompe :
Plusieurs raisons permettent d'expliquer cette chute des recettes du Black Friday, comme l'étalement des soldes sur une plus longue période de temps ou un changement de méthode du NRF (National Retail Federation) dans les calculs des recettes du Black Friday. Mais l'explication la plus plausible est sans doute le problème fondamental de la répartition de la richesse aux Etats-Unis et son impact sur la demande intérieure, dont voici le schéma :
1. les inégalités de revenu deviennent de plus en plus importantes, ce qui signifie que la croissance économique aux Etats-Unis profite surtout à une petite minorité de la population :
2. conséquence du point précédent, le revenu des 60 % les plus pauvres stagne (et même recule de façon non négligeable pour les 20 % les plus pauvres) depuis de nombreuses années :
3. jusqu'à 2008, pour pallier cette stagnation/baisse de revenu, les ménages américains s'endettaient. Mais depuis la crise des subprimes, ils se désendettent et ne peuvent donc plus financer leur consommation par le crédit :
4. dernier point, la politique économique ultra-accommodante arrive à bout de souffle et ne peut plus stimuler artificiellement la demande des ménages les plus pauvres. En effet :
- plus la politique monétaire est expansionniste sur une longue période de temps, plus ses impacts sur l'économie réelle s'amoindrissent (il n'y a plus d'effet incitatif à consommer/investir rapidement pour profiter des taux d'intérêt bas puisque ces derniers le resteront pendant longtemps : les taux d'intérêt bas deviennent la norme) :
- la dette publique atteint des sommets et commence à se stabiliser :
Au final, si malgré une politique économique très arrangeante les revenus deviennent insuffisants et si l'endettement n'est plus utilisable, alors les ménages américains seront contraints de réduire leur consommation, ce qu'on constate bien depuis quelques années lors du Black Friday. On peut donc être inquiet pour la croissance économique future du pays puisque la consommation finale des ménages représente 70 % du PIB des Etats-Unis.