Les cryptomonnaies sont qualifiées d’arnaque, de bulle, de spéculation. En réalité, elles sont bien plus dangereuses… pour ceux qui tiennent au monopole de la monnaie.
Cela fait plusieurs années que des banquiers et des PDG de grandes entreprises qualifient bitcoin d’arnaque ou de bulle spéculative. S’agit-il d’une réponse logique pour des corporations inquiètes, qui tentent activement de protéger leur marché contre les menaces extérieures ? Ou bien s’agit-il d’un avertissement de bon sens ?
Jamie Dimon est l’un des banquiers les plus influents de Wall Street, c’est le PDG de la banque JP Morgan Chase. Lors d’une conférence à New York le 12 septembre 2017, il a lancé une attaque virulente contre bitcoin en qualifiant la cryptomonnaie de « fraud », en français : d’arnaque.
Qui est l’escroc ?
« Cette monnaie ne va pas marcher », a-t-il affirmé. « On ne peut pas avoir un système où des gens créent une monnaie avec du vent et penser que les gens qui l’achètent sont vraiment malins ». Il a ajouté qu’il « licencierait dans la seconde » un trader qui échangerait la cryptomonnaie. Selon lui le bitcoin « va exploser en vol » comme une nouvelle « crise de la tulipe », le premier grand krach financier de l’histoire en 1637. En novembre 2015, le même Jamie Dimon avait déjà déclaré que le bitcoin ne « survivrait pas » alors que le prix fluctuait autour de 400 dollars.
Commençons par rappeler un fait. Il y a quelques années, les autorités américaines ont réclamé à la banque JP Morgan Chase six milliards de dollars pour escroquerie lors de la vente de crédits immobiliers à risque (dits subprime) entraînant le krach de 2007-2008 et conduisant au renflouement massif des banques par l’Etat américain. A l’époque, JP Morgan avait vendu entre 2005 et 2007 pour 33 milliards de dollars de crédits immobiliers pourris aux agences publiques Fannie Mae et Freddie Mac en dissimulant que ces produits financiers reposaient, in fine, sur des emprunteurs insolvables.
La crise financière de 2007 n’a-t-elle pas montré la grande fragilité d’un système bancaire mondial entièrement fondé sur l’hégémonie du dollar ? Nous y reviendrons.
John McAfee répond à Jamie Dimon
John McAfee, créateur de l’anti-virus célèbre et aujourd’hui PDG de MGT Capital à New York a riposté dès le lendemain à l’attaque de Jamie Dimon. Dans une interview télévisée, il a expliqué que les mineurs investissent des sommes « massives » en puissance de calcul intensif et en électricité dans la création des bitcoins. Cela s’appelle « la preuve du travail ». C’est pourquoi il y a une vraie valeur dans la création d’un bitcoin.
En comparaison le dollar ne coûte que du papier à imprimer ou des zéros à ajouter dans un ordinateur de la banque centrale.
« Je suis un mineur bitcoin » a expliqué McAfee. « Nous créons des bitcoins et il en coûte plus de 1 000 dollars pour créer un bitcoin. Quel est le coût pour créer un dollar américain ? Laquelle de ces deux créations monétaires est une arnaque ? » Nous pourrions ajouter qu’il en va exactement de même avec l’euro.
Il ne suffit pas de créer des monnaies, il faut aussi les faire accepter. Or le dollar comme l’euro sont des monnaies légales à cours forcé. Les gens sont obligés de les utiliser pour payer les taxes et les impôts. Bitcoin est une monnaie libre, qui fonctionne selon la loi de l’offre et de la demande. Vu sa rareté et la difficulté d’en extraire, son cours augmentera avec l’augmentation de la demande. C’est la réalisation d’une loi économique immuable. Et contre cela, Jamie Dimon ne peut rien.
L’enjeu des cryptomonnaies : « Be Your Own Bank »
En réalité, les cryptomonnaies représentent un enjeu bien plus important que les simples spéculations sur le cours du bitcoin. Elles sont un écosystème en pleine expansion.
Il existe partout dans le monde un besoin réel pour des monnaies concurrentielles et décentralisées. Or bitcoin peut fonctionner comme une « banque suisse dans sa poche ». C’est pourquoi il a tant de succès. Il a été conçu en 2008 par son créateur pour être à l’abri de la prochaine crise de la dette souveraine.
C’est une monnaie numérique qui évolue hors système bancaire et donc hors gouvernement. Comme l’or, disponible en quantité limitée, sa valeur augmente lorsque le dollar chute. Dans des économies hyper inflationnistes comme le Venezuela et le Zimbabwe, il est un moyen d’échange irremplaçable. Enfin, bitcoin ne souffrira probablement pas lors de la prochaine crise de la dette souveraine.
C’est l’une des raisons pour lesquelles les comparaisons avec la crise de la tulipe sont fondamentalement absurdes. Les critiques qui se focalisent sur la hausse dramatique du prix du bitcoin, ou sur sa chute fatale, ratent ce qui se passe dans les coulisses : bitcoin n’est pas une bulle. C’est une révolution technologique mais aussi économique et politique : vous contrôlez désormais votre argent, sans la permission du gouvernement ! Mieux : vous devenez votre propre banquier.
Douleurs de croissance
Bien sûr, l’intégration de Bitcoin n’est pas sans inconvénients. De nombreux investisseurs particuliers ont, malheureusement, investi ou investiront un pourcentage important de leur trésorerie dans bitcoin sans une bonne compréhension de la technologie et des marchés et sans une stratégie d’investissement claire.
Beaucoup d’investisseurs actuels de cryptomonnaies – peut-être la majorité à ce stade – n’ont jamais connu un véritable cycle baissier et à l’heure actuelle ils souffrent. Ce sont des investisseurs qui achètent à des niveaux record, et qui vendent en panique au premier signe de baisse, effaçant ainsi d’un coup la valeur de leurs investissements. D’où la grande volatilité que nous observons.
Ce comportement n’est pas propre aux cryptomonnaies et ne doit pas non plus être attribué à l’actif lui-même. Le même phénomène s’est produit à chaque grande crise boursière. Les investisseurs qui ont vendu au plus haut ont presque tout perdu, tandis que ceux qui ont laissé la crise suivre son cours ont vu le marché rebondir à son niveau d’avant le krach dans un laps de temps relativement court.
Les critiques qui voient Bitcoin comme une bulle ignorent que le réseau lui-même gagne en valeur et en utilité car de plus en plus d’utilisateurs intègrent l’écosystème. A ce jour, moins de 2% de la population mondiale utilise bitcoin, mais ce nombre a augmenté en 2017 en raison de l’effet réseau et des services offrant une meilleure expérience utilisateur.
Mais souvenez-vous, en 1994, avec la naissance de l’Internet. Dans les journaux télévisés on craignait le pire : « Internet : le réseau de tous les dangers », disait-on. « Il est possible d’y apprendre à confectionner des bombes », ou bien « n’importe qui peut publier n’importe quoi ». Au même moment, Jeff Bezos lançait Amazon. Puis le nombre de sites Web a explosé et l’adoption massive de l’Internet a commencé, malgré la bulle spéculative des premiers temps.
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