Aujourd'hui, sur toute la surface de la planète, des millions d'êtres humains manipulent des billets. Depuis son invention, en Chine, voici plus d'un millénaire, le billet est devenu le support le plus commun des échanges qui, tout au long d'une journée, rythment la vie des hommes.
Même si le nombre de billets en circulation est bien sûr impossible à connaître précisément, on estime qu'à l'échelle mondiale près de 400 milliards de ces petits papiers imprimés passent de main en main ou sont stockés en vue d'une utilisation ultérieure. Mis bout à bout, ces billets atteindraient une longueur totale 750 fois supérieure à la circonférence de la terre ! Sans billet, la plupart de nos sociétés ne pourraient tout simplement pas continuer à fonctionner.
De même si, comme cela s'est produit plusieurs fois dans l'histoire, le public venait à douter de la fiabilité des billets en circulation, tout le système économique et commercial se retrouverait rapidement paralysé. D'où un immémorial combat contre le faux monnayage. Celui-ci n'est bien sûr pas né avec le billet de banque : aussitôt que les hommes ont recouru à l'usage de la monnaie pour assurer le paiement de biens ou de services, certains ont eu l'idée maligne de fabriquer de la fausse monnaie.
Dans son histoire de la monnaie, Vincent Lannoye souligne l'inventivité des faux-monnayeurs de l'Antiquité : « Les stratagèmes des faussaires étaient éprouvés. Le métal précieux s'obtenait parfois par rognage, grattage ou suage des pièces officielles. Le suage consistait à secouer un sac de pièces. Le frottement des pièces entre elles produisait une précieuse poussière collectée au fond du sac de cuir. Avec les poussières et les copeaux récoltés, les faux-monnayeurs fondaient des rondelles altérées et les frappaient au marteau en imitant les gravures officielles. Également, un ajout de cuivre dévaluait le titre en métal précieux. »
Le langage courant conserve la trace de la lutte contre le faux-monnayage. L'expression « espèces sonnantes et trébuchantes » fait ainsi référence à la capacité des changeurs à juger de la qualité d'une pièce en recourant à l'ouïe et, lors de la Renaissance, à une balance de précision baptisée « trébuchet ». Toutefois, avec le développement de la monnaie fiduciaire, reposant sur la seule confiance des agents économiques, l'enjeu s'est encore renforcé.
Par définition, les billets ont une valeur intrinsèque bien inférieure à leur valeur nominale, puisqu'il ne s'agit après tout que de bouts de papiers. C'est pourquoi, depuis toujours, les émetteurs et les fabricants de billets ont développé des techniques visant à les rendre infalsifiables. Bien sûr, il s'agit d'un combat jamais gagné exigeant, pour les fabricants, de rester toujours à la pointe de la technologie pour garder un temps d'avance sur les faussaires. La plupart des entreprises spécialisées dans l'impression des billets de banque sont, aujourd'hui, des entreprises de haute technologie investissant une part substantielle de leurs bénéfices dans la R&D.
Ici encore, cela ne date pas d'hier. Si bien que l'évolution de la forme et de l'allure des billets au cours de l'histoire résulte grandement de la quête d'inviolabilité. Dans une conférence consacrée à l'histoire et à l'iconographie du billet, Patrick Ladoue, Caissier conservateur des collections numismatiques de la Caisse Générale de la Banque de France rappelait ainsi que l'impression des billets noirs a été abandonnée définitivement en 1862 parce que l'invention de la photographie permettait de les contrefaire plus facilement. « À partir de 1862, explique-t-il, les billets de la Banque de France sont imprimés avec une encre bleue provenant de la manufacture royale de Schneeberg en Saxe, le bleu étant la couleur la moins photogénique qu'on ait pu isoler. De plus, le verso devient différent du recto afin de faire obstacle à la reproduction photographique par transparence. » Et c'est un même souci de sécurité qui a conduit à privilégier ensuite la polychromie pour le plus grand plaisir des collectionneurs.
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