On connait les avancées dues à l'Europe : libre circulation des biens du capital, du travail ; extension de la démocratie et de la sécurité ; fonds européens servant au développement des pays les plus pauvres ; mise en commun de fonctions importantes : commerce, concurrence, politiques agricoles ; union bancaire : supervision des banques et gestion des crises bancaires effectuées au niveau de la zone euro.
En principe, la libre circulation des biens, des facteurs de production, la stabilité des taux de change pour les pays de la zone euro, l'existence de fonds structurels européens devrait conduire :
- à un supplément d'échanges commerciaux entre les pays de l'Union Européenne. Ceci est vrai pour les pays d'Europe Centrale (leurs exportations vers l'UE passent de 20% du PIB en 1995 à 33% en 2014), mais pas pour les pays de l'UE à 15 (leurs exportations vers l'UE à 15 restent aux environs de 20% du PIB) ;
- à un supplément de croissance. Or, (tableau 1), la croissance de l'UE (à 15 ou dans son ensemble à 28) est faible, plus faible que celle des Etats-Unis et du Royaume-Uni, presque aussi faible que celle du Japon ;
Tableau 1
Moyenne annuelle de la croissance du PIB
(volume, GA en %)
UE à 15 |
Ensemble de l’UE |
Etats-Unis |
Royaume-Uni |
Japon |
|
Moyenne sur la période 1990-1999Q4 |
1,75 |
1,28 |
3,25 |
2,18 |
2,06 |
Moyenne sur la période 2000-2013Q4 |
1,26 |
1,38 |
1,94 |
1,73 |
1,16 |
Sources : Datastream, Eurostat, BEA, ONS, Cabinet Office, Natixis
- à une montée en gamme de l'économie européenne. Or (tableau 2), les gains de productivité sont extrêmement faibles dans l'UE (à 15 ou dans son ensemble), plus faibles que dans les autres pays de l'OCDE et en recul. Il y a donc déficience de l'effort d'innovation, de montée en gamme ;
Tableau 2
Moyenne annuelle des gains de productivité par tête
(volume, GA en %)
UE à 15 |
Ensemble de l’UE |
Etats-Unis |
Royaume-Uni |
Japon |
|
Moyenne sur la période 1990-1999Q4 |
1,87 |
1,57 |
2,04 |
2,02 |
0,93 |
Moyenne sur la période 2000-2013Q4 |
0,58 |
0,95 |
2,09 |
1,04 |
1,08 |
- Sources : Datastream, Eurostat, BEA, ONS, Cabinet Office, Natixis
- à une réduction des inégalités de revenu entre les pays de l'UE Pour les pays initialement les plus pauvres de l'UE, l'écart de revenu avec l'Allemagne s'est réduit jusqu'en 2007 mais il s'est réouvert après. Ceci est vrai pour l'Espagne, la Slovaquie, le Portugal, la Croatie, la Slovénie, la Grèce, la Lituanie, la Roumanie, Chypre, la République Tchèque.
Ceci révèle l'absence de transferts qui réduiraient l'hétérogénéité ; pose la question de l'unicité des règles pour des pays ayant des niveaux de vie aussi différents.
Quelles ont été les déficiences ?
- l'absence de séparation des règles et des institutions entre les pays de l'UE appartenant à la zone euro et les autres pays de l'UE. L'appartenance à la zone euro renforce la nécessité de coordination puisque les écarts (de fiscalité, de règlementation) ne peuvent pas être compensés par les variations du taux de change ;
- l'absence de réflexion sur le fait que la libre mobilité des personnes et du capital, et, pour les pays de la zone euro, la disparition du risque de change, allaient conduire à des spéculations productives différentes des pays, donc à une hétérogénéité croissante de la zone euro, alors qu'il n'y a pratiquement pas d'instruments (en l'absence de fédéralisme) pour corriger l'hétérogénéité.
Le poids de l'industrie dans le PIB a divergé : aujourd'hui 7% du PIB en Grèce à 20% du PIB en Allemagne, contre une fourchette de 10 à 18% du PIB en 1996.
- l'absence de coordination fiscale et sociale, et au contraire une relation entre pays surtout basée sur la concurrence concernant la pression fiscale (tableaux 3 et 4) et le coût du travail, qui s'est substitué à la concurrence par les taux de change ;
Tableau 3
Taux d’imposition sur les profits des sociétés
(%, 2014)
Allemagne |
29,80 |
Autriche |
25,00 |
Belgique |
33,99 |
Chypre |
10,00 |
Danemark |
19,00 |
Espagne |
30,00 |
Estonie |
21,00 |
Finlande |
20,00 |
France |
37,00 |
Grèce |
26,00 |
Hongrie |
10 à 19 |
Irlande |
12,50 |
Italie |
27,50 |
Lettonie |
15,00 |
Lituanie |
15,00 |
Luxembourg |
21,00 |
Malte |
35,00 |
Norvège |
27,00 |
Pays-Bas |
20 à 25 |
Pologne |
19,00 |
Portugal |
25,00 |
République Tchèque |
19,00 |
Royaume-Uni |
21,00 |
Slovaquie |
22,00 |
Slovénie |
17,00 |
Suède |
22,00 |
Sources : Natixis
Tableau 4
Salaire horaire dans l'industrie y compris charges sociales (en €)
|
1996 |
2000 |
2005 |
2013 |
Allemagne |
24,8 |
27,6 |
30,1 |
36,3 |
Autriche |
22,9 |
23,8 |
27,4 |
33,2 |
Belgique |
26,0 |
28,4 |
33,0 |
42,9 |
Luxembourg |
22,0 |
22,6 |
28,9 |
30,3 |
Chypre |
6,7 |
8,3 |
10,7 |
12,9 |
Espagne |
15,6 |
15,1 |
16,9 |
22,8 |
Estonie |
1,8 |
2,7 |
4,4 |
8,2 |
Finlande |
20,1 |
22,0 |
28,2 |
33,8 |
France |
22,2 |
25,0 |
30,0 |
36,7 |
Grèce |
8,6 |
10,4 |
12,2 |
16,1 |
Irlande |
13,3 |
17,1 |
23,1 |
0,0 |
Italie |
16,6 |
18,3 |
22,3 |
27,1 |
Malte |
|
|
8,1 |
10,7 |
Pays-Bas |
23,0 |
23,4 |
28,5 |
34,1 |
Portugal |
6,0 |
6,9 |
8,8 |
11,1 |
Royaume-Uni |
14,0 |
22,4 |
23,9 |
24,6 |
Suède |
21,4 |
25,4 |
28,5 |
39,2 |
Danemark |
|
24,1 |
29,8 |
38,4 |
Slovaquie |
2,3 |
3,1 |
4,6 |
9,4 |
Slovénie |
6,7 |
8,2 |
9,8 |
13,4 |
Estonie |
|
|
4,4 |
8,8 |
Lettonie |
|
|
|
5,7 |
Lituanie |
|
|
|
5,9 |
Hongrie |
|
|
|
8,0 |
Malte |
|
|
8,1 |
10,7 |
Pologne |
|
|
|
7,2 |
Roumanie |
|
|
|
4,2 |
Sources : Eurostat, Natixis
- l'absence de mutualisation des « vieilles dettes » qui rend évidemment très difficile la résolution des problèmes d'endettement excessif hérité du passé ;
- la déficience de la supervision économique des pays, basée sur des « chiffres magiques » et pas sur une analyse suffisamment profonde de la situation et des déséquilibres économiques ;
- l'absence de l'Europe (avec une voix unique) dans un certain nombre de dossiers : énergie, diplomatie (malgré l'existence d'une représentation diplomatique de l'UE), capacité d'intervention militaire, et bien sûr les difficultés de la coordination budgétaire ;
- l'action de la BCE est ambiguë. Certes, il y a eu soutien de la liquidité des banques mais la surévaluation de l'euro et le recul de l'inflation jusqu'à la déflation ont été acceptés par la BCE.