Les 100 premiers jours de Biden – le renouveau américain en marche

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Par Stéphane Monier Publié le 6 mai 2021 à 13h10
Debat Trump Biden Analyse
@shutter - © Economie Matin
2300 MILLIARDS $L'American Jobs Act dispose d'une enveloppe de 2300 milliards de dollars.

Les 100 premiers jours du mandat de Joe Biden ont surpris tant ses détracteurs que ses partisans, avec des plans de dépenses ambitieux pour reconstruire l'économie américaine. La combinaison du choc économique lié à la pandémie, de la dette bon marché et de l'échec des politiques d'austérité passées a catalysé le plus important investissement dans les infrastructures et la protection sociale depuis des générations.

La grande crise financière de 2008/2009 a été suivie de mesures de relance limitées et d'une austérité économique qui a entraîné une faible reprise et exacerbé les inégalités. Le président Biden, et une grande partie de son équipe actuelle qui était déjà à la Maison Blanche sous Barack Obama, souhaitent clairement éviter de répéter cette erreur. Aujourd'hui, le président semble préférer courir le risque d'une relance trop forte plutôt que trop faible pour stimuler l'économie américaine.

Pour assurer la reprise économique, il faut d'abord surmonter la pandémie. La nouvelle administration a tenu sa première promesse électorale qui était de délivrer 200 millions de vaccins d'ici le 29 avril, c'est-à-dire durant les 100 premiers jours de mandat. Dans le cadre d'un vaste programme de déploiement, les Etats-Unis ont mis les vaccins à la disposition de toutes les personnes âgées de plus de 16 ans et, au moment où nous écrivons ces lignes, 30,9% de la population a été entièrement vaccinée. C'est plus que le Royaume-Uni, l'Union européenne et toutes les autres économies développées.

Les conditions sont donc réunies pour une forte reprise. Le Congrès a approuvé la première partie du programme budgétaire de l'administration Biden, l'«?American Rescue Act?», d'un montant de 1'900 milliards de dollars, destiné à assurer une relance rapide grâce à des politiques de soutien des revenus.

L'ambition de l'administration va au-delà de la lutte contre la pandémie. Le président Biden a ajouté deux autres plans de relance qui visent à remodeler l'économie américaine dans ce qu'il décrit comme un «?investissement dans l'Amérique qui n'arrive qu'une fois par génération?». La deuxième partie de son programme, l'«?American Jobs Act?», qui porte sur 2 300 milliards de dollars publié fin mars, vise à moderniser les infrastructures des Etats-Unis et à mettre fin à des décennies de sous-investissement.

Ne pas faire les choses à moitié

Troisièmement, la semaine dernière, l'administration a dévoilé un programme de 1'800 milliards de dollars baptisé «?American Families Plan?», comprenant 800 milliards de dollars de crédits d'impôt. Cela permettra de financer les emplois et les revenus, l'éducation et les soins de santé, favorisant la demande économique et la productivité. Des plans sont également prévus pour les quatre cinquièmes des travailleurs américains du secteur privé qui ne bénéficient pas de congés payés actuellement.

Pour financer ces mesures, et conformément aux promesses électorales, le taux d'imposition maximal sur les revenus des personnes gagnant plus d'un million de dollars par an passerait de 37% à 39,6%.

En outre, l'impôt sur les gains en capital passerait également de 20% à 39,6%, auquel s'ajoute la surtaxe Medicare de 3,8% qui existe déjà. Si l'impôt sur les gains en capital est adopté dans le courant de l'année, ce sera la première fois dans l'histoire américaine que le capital sera imposé au même taux que les revenus.
Toutefois, nous pensons que la proposition d'imposition des gains en capital sera ramenée par le Congrès à un taux d'environ 30%, avec effet à partir de janvier 2022. Cela serait conforme aux estimations qui maximisent les recettes fiscales pour le gouvernement, car un taux plus élevé peut décourager l'activité d'investissement et au final réduire l'assiette fiscale.

On ne peut guère surestimer l'ampleur du défi que représente le redémarrage de l'économie américaine. Selon de multiples critères, dont l'espérance de vie, l'obésité, le taux d'homicides, la mortalité infantile et l'éducation, les Etats-Unis sont à la traîne de tous les autres pays développés (voir graphique en pièce jointe).

Cela a un impact disproportionné sur l'utilisation efficace du capital humain du pays. C'est aussi un gâchis sur le plan économique, car la stabilité d'un pays dépend du bien-être des 20% les plus pauvres de la population. Le plan de relance de Joe Biden vise à augmenter de 20% le revenu après impôt du cinquième le plus pauvre de la population, tandis que la plus grande partie de la charge financière est assumée par les personnes aux revenus les plus élevés.

L'opposition politique aux propositions de Joe Biden est plutôt limitée à ce jour. La cote de popularité du président américain est restée constante, entre 54% et 57%, car ses politiques n'ont pas fait basculer les opinions polarisées.

En prenant ses fonctions, M. Biden s'est engagé à gouverner de manière bipartisane. Pourtant, avec une majorité à la Chambre des représentants et la voix prépondérante de sa vice-présidente au Sénat, des lois ont été adoptées au Congrès sans le soutien des Républicains.

Défis géostratégiques

Les 100 premiers jours du président Biden ont débuté par la réadhésion des Etats-Unis à l'accord de Paris. Le 22 avril, les Etats-Unis ont renforcé leurs engagements en matière de lutte contre le changement climatique. Cependant, au niveau stratégique, la lutte pour conserver le leadership mondial se poursuit.

L'administration s'efforce de reconstruire son approche multilatérale de la géopolitique. Le président a ainsi rencontré le premier ministre japonais, Yoshihide Suga, à la mi-avril, pour discuter de la manière de relever ensemble les défis stratégiques et sécuritaires posés par la Chine.

Les relations sino-américaines ont changé de ton, mais pas encore de nature. Les ambitions économiques de la Chine ont entraîné un affrontement avec les Etats-Unis, car sa part du produit intérieur brut mondial est passée de 13% à 17% depuis 2009.

Après s'être entretenu avec le président Xi Jinping, M. Biden a déclaré la semaine dernière au Congrès que «?la Chine et d'autres pays se rapprochent rapidement?», ce qui constitue un défi stratégique pour les Etats-Unis. «?Les autocrates pensent que la démocratie ne peut pas rivaliser avec les autocraties au XXIe siècle?», a-t-il déclaré. Antony Blinken, secrétaire d'Etat américain, a déclaré le 2 mai que l'affirmation militaire et la répression intérieure croissantes de la Chine menacent l'«?ordre international fondé sur des règles?».

Le 16 avril, les Etats-Unis ont imposé de nouvelles sanctions financières à des entités et des responsables russes en représailles à des cyberattaques et à d'autres formes d'ingérence, après les mesures prises en mars au sujet du traitement réservé par le pays au chef de l'opposition politique Alexeï Navalny. Les Etats-Unis, le Japon et la Corée du Sud discuteront de la coopération concernant la Corée du Nord cette semaine dans le cadre d'une réunion des ministres des affaires étrangères du G7. Le mois dernier, les Etats-Unis et l'Iran ont accepté de discuter de la reprise des négociations sur l'enrichissement nucléaire et les sanctions. L'administration Biden commence également à retirer ses troupes d'Afghanistan.

Amélioration des perspectives

Le succès du programme de vaccination américain et les niveaux inédits de dépenses budgétaires prévues ont modifié les attentes à l'égard de l'économie américaine, entraînant une révision à la hausse des prévisions de la croissance du PIB. Au début de 2021, le consensus des économistes anticipait une croissance d'environ 4% sur l'ensemble de l'année et une expansion similaire pour l'Union européenne (UE). Aujourd'hui, le consensus des analystes prévoit une expansion de 6,25% aux Etats-Unis et des perspectives inchangées pour l'UE. Nous tablons sur une croissance de 6% de l'économie américaine cette année, contre 4,3% dans l'UE et 9% en Chine.

L'embellie conjoncturelle se reflète dans la hausse des taux américains, qui ont presque doublé au premier trimestre. A court terme, les pressions inflationnistes pèseront sur les obligations gouvernementales, et nous avons relevé notre objectif de fin d'année pour les bons du Trésor américain à 10 ans à 2%.

Pour le dollar, les taux d'intérêt dans le reste du monde seront plus importants que l'évolution des taux nationaux. En particulier, l'amélioration de la croissance mondiale et du commerce international contribuera à une hausse des taux ailleurs, ce qui devrait affaiblir le dollar dans une certaine mesure.

Sur les marchés boursiers, l'attention se détourne des mesures de relance budgétaire vers le renforcement de la réglementation et des taxes. Un relèvement de l'impôt sur les sociétés pourrait réduire les bénéfices par action de 2022, qui devraient par ailleurs augmenter de 14% par rapport à 2021. Nous pensons que les titres des technologies de l'information, de la santé et de la consommation seront les plus touchés. Dans l'ensemble, nous maintenons une légère surpondération des actions américaines et tablons sur un S&P 500 à 4,500 points d'ici la fin de 2021, les petites capitalisations et les valeurs liées à la transition vers une économie neutre en carbone bénéficiant le plus des politiques favorables à la croissance du gouvernement.

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Stéphane Monier est Chief investment officer chez Lombard Odier.

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