Dans cet article, il examine la question des créances non facturées qui peuvent se révéler une opportunité pour les entreprises qui souhaitent améliorer leurs fonds de roulement et donc leur trésorerie.
Au premier abord, l'interprétation mécanique des comptes débiteurs semble simple : fournir un produit ou un service à un client et recevoir en retour un règlement. Malheureusement, la réalité est loin d'être aussi simple car un certain nombre de facteurs influent sur l'efficacité de ce processus. Ces facteurs peuvent entre autre retarder le moment où les paiements sont perçus et donc augmenter les délais de recouvrement (DSO) et avoir un effet négatif sur le BFR.
Selon le rapport d'étude 2013 « Survey Working Capital » de la société The Hackett Group sur un panel constitué des plus grandes entreprises publiques de chaque région du monde, il serait possible que les entreprises réintègrent 1,061 milliards de dollars aux États-Unis à 980 milliards de dollars en Europe à leurs fonds de roulement. Pour y parvenir toutes les possibilités de recouvrir leurs liquidités doivent être explorées.
Mieux gérer les comptes débiteurs fait partie des solutions souvent recommandées par l'étude pour ces deux régions du monde. Si les entreprises se concentrent sur l'amélioration de leurs comptes débiteurs elles peuvent espérer réintégrer respectivement 459 millions de dollars aux USA et 350 millions de dollars en Europe au sein de leur trésorerie. Ces sommes reposent principalement sur les créances facturées et ne tiennent donc pas compte des créances non facturées. Le plus souvent, lors de l'étude des soldes débiteurs, la valeur des créances non facturées n'est tout simplement pas prise en compte.
Déclencher les créances
Les créances non facturées sont souvent des créances qui concernent un produit ou un service déjà livré mais dont facture n'a pas encore été éditée. Aucune relance à payer n'a été envoyée au client et la créance est donc irrécouvrable. Les créances non facturés représentent également des charges à payer, puisque des actifs auront été livrés au client mais pas encore facturés. On emploie en comptabilité le plus souvent le terme de créances courues ou « revenu des créances ».
Il est important de noter que l'accumulation de ces charges à payer ne sont pas toutes connectées à des créances non facturées. En règle générale, une entreprise provisionnera pour charges les créances non facturées. Mais il est possible qu'il existe des créances non identifiées et donc non facturées.
Les comptes de régularisation doivent donc souvent être déclarés dans le bilan d'une entreprise comme des créances. Il n'est également pas toujours possible de facturer des provisions de charges en raison ou en absence d'accords contractuels ; par exemple le client peut exiger d'être facturé à la fin du mois ou à la fin d'une étape importante de la prestation.
Les comptes débiteurs susceptibles d'être lié à des créances non facturés sont courants dans les secteurs qui fonctionnent en mode projet, comme l'industrie informatique, l'ingénierie, la construction, la publicité et les télécommunications. Dans ces secteurs de l'industrie, la facturation par étape clé est souvent la règle.
L'envoi de la facture à un client ne garantit pas qu'elle soit payée à temps ou en totalité. Par contre de nombreux paramètres peuvent être eux contrôlés en interne, comme veiller à ce que la facture soit éditée et envoyée rapidement. La mise en place d'un processus de facturation bien rodé et de contrôles internes permet d'y parvenir.
En résumé, même si la non facturation ou la facturation par étape font partie des règles qui régissent certains cadres d'affaires, il se peut également que ces créances non facturées soient le fruit de dysfonctionnements et de déficiences dans l'organisation. Elles sont liées aux facteurs suivants :
· L'absence de déclenchement de facturation automatique lors de l'envoi ou de livraison du produit (quel que soit la méthode de prise en compte comptable).Il est préférable d'assurer que le système de facturation est équipé à générer automatiquement la facture quelle que soit la méthode de comptabilisation, et au moins indiquer au système comptable la tache de facturation à venir. Pour y parvenir il faut souvent procéder à des modifications du système d'information pour y intégrer de nouvelles fonctionnalités de d'ERP.
· Retards dus à des demandes de documentations annexes à la facture par le client Généralement, ces cas sont liés à des exigences du client. Les retards de facturation se produisent par exemple parce que la sauvegarde est très complexe ou parce qu'un format standard n'a pas été mis en place. Par conséquent, il est essentiel d'examiner attentivement chaque cas et de gérer les besoins des clients en tenant compte du niveau d'exigence à satisfaire et du temps pris à les satisfaire.
Contrat en régies ou facturation par étape
Dans le cadre d'un contrat en régie (qui rembourse les coûts autorisés plus un pourcentage de ces coûts ou une rémunération fixe) ou d'un contrat par étape (comme vu ci avant) il est très important que des contrôles soient mis en place sur le projet afin de bien vérifier les avancées du projet et les facturations possibles qui peuvent en résulter. De même les éléments contractuels doivent être verrouillés avant que démarre le projet car commencer à travailler sur un projet sans un contrat signé ou d'ordre officiel peut également donner lieu à des créances non facturées. Le processus d'approbation du contrat, s'il n'est pas correctement défini, peut être long et peut entraîner d'autres retards de facturation.
Les retards peuvent également exister en raison du calendrier des facturations qui peut par exemple instituer une facturation sur une base mensuelle. Il est possible que l'entreprise préfère lancer une facturation quotidienne, hebdomadaire ou bihebdomadaire pour réduire les délais.
Gestion des créances non facturés.
La première étape dans la gestion des créances non facturées consiste à définir un processus afin d'identifier et gérer les créances non facturées et attribuer des rôles et des responsabilités à chacun dans la résolution des situations auxquelles nous sommes confrontés. En outre, un système et les éléments contractuels doivent être audités et analysés afin de pouvoir disposer d'une vision claire des raisons pour lesquelles des créances restent non facturés. Quelques étapes importantes se doivent donc d'être suivies.
1. Tout d'abord, définir un processus clair dans la gestion des situations qui ont amenées des créances à ne pas être facturées. Ce processus est similaire à la gestion des litiges, ce qui signifie la prise en compte et la transmission rapide des créances concernées à la personne responsable de la supervision et la résolution des problèmes. Catégoriser les éléments non facturés facilite mesure et surveillance dans le temps. Des délais de résolution prévisionnels et des objectifs assignés doivent être définis afin de favoriser un règlement rapide des cas de créances non facturées.
Il sera nécessaire de mettre en place un processus par étape, si le problème n'est pas résolu dans le délai imparti. Il faudra faire remonter les cas non résolus à la date fixée au management avec pour but de faciliter le règlement. Il est important de ne pas négliger la forme et la fréquence de ces communications au sein de l'organisation, en particulier dans les départements directement concernés par la résolution des litiges comptables. L'utilisation de processus de type workflow peuvent aider à rendre efficace cette procédure.
2. Deuxièmement, disposer de contrôles sur le lieu des prestations, afin de pouvoir déclencher l'édition des factures lors de la livraison ou à la livraison d'un projet ou d'un chantier. Ceci est l'un des moyens les plus efficaces pour prévenir les créances non facturées inutiles.
Parce que les créances non facturées sont particulièrement répandues dans des secteurs offrant des services basés sur des projets complexes, il sera nécessaire d'examiner et approuver les facturations possibles en rythme hebdomadaire afin d'éliminer les goulets d'étranglement en fin de période. En mode de facturation par projet, il faudra essayer de générer des facturations au moins sur une base hebdomadaire ou bihebdomadaire. Pour les facturations de produits manufacturiers, les factures doivent pouvoir être générés quotidiennement.
Lorsque cela est possible, changer les intitulés de contrats, afin d'évoluer d'une facturation projet vers une facturation au cours du projet et sur la base des coûts facturables en temps réel. Pour les contrats négociés sur la base de livrables par étapes, bien analyser les impacts financiers sur la trésorerie en fonction du temps écoulé et en tenir compte pour faire évoluer les termes du contrat avant signature. Négocier par exemple un acompte de 30% ou plus en début de contrat.
Dans le cadre de la mise à plat des processus, définir clairement la fréquence de facturation et les paiements anticipés nécessaires à minimiser les risques et le niveau d'exposition. Évitez de laisser des intervalles de temps trop importants entre chaque facturation. Cela se révèle extrêmement important lors de l'utilisation de contrats en régie ou de facturation par étape. Un consensus avec l'équipe commerciale est nécessaire à l'atteinte de cet objectif. Enfin, veiller à ce que les répercussions des exigences des clients en raison de ces changements de facturation soient identifiées et minimisés.
3. Troisièmement, développer et diffuser au sein de l'organisation des métriques claires afin de mesurer les états de créances non facturées. De la même manière que vous mesurerez le ratio de créances clients (DSO), évaluez le nombre de jours écoulés en non facturation de créances (DUO). Le ratio de non facturation de créance est constitué du rapport entre le ratio de jours d'encours de facturation et le ratio de jours d'encours de non facturation. En tenant compte de ce calcul, ce radio devrait se monter à un à deux jours.
Ajoutez une dimension de valeur de non facturation à vos indicateurs clés de performance, utilisés pour mesurer le fonds de roulement. Intégrez à votre tableau de bord d'amélioration de vos fonds de roulement, vos objectifs d'amélioration des créances non facturées afin d'y répondre plus efficacement. Ainsi, vous pourrez responsabiliser vos équipes mettre en place des tableaux d'intéressement par objectifs.
A la clé, des améliorations significatives
La bonne gestion des créances non facturées ne peut être plus longtemps ignorée par les organisations. Une bonne prise en main peut en effet avoir un impact significatif sur le fond de roulement et les flux de trésorerie. Ils complètent des mécanismes déjà existants tels que l'amélioration du ratio de rotation du crédit clients (DSO). Afin de minimiser les créances non facturées, il est important de garder la toujours en ligne ses objectifs de chiffre d'affaires, bien superviser les étapes de facturation et veiller à ce que tous les signaux se déclenchent de la commande à la facturation. Des processus clairement définis dans la gestion des contrats, les commandes et les factures doivent être inclus dans une politique globale de crédit, afin d'assurer une gestion efficace des créances non facturées et de minimiser les retards de facturation.
Il appartient à l'organisation de déterminer le niveau de sophistication requis pour son processus de gestion des créances non facturées, mais des solutions simples peuvent déjà améliorer de manière significative cette situation. Avoir pris conscience du fait lui-même est déjà un pas de franchi dans la recherche de solutions.