Première vraie rébellion contre la kleptocratie

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Par Simone Wapler Publié le 19 mars 2016 à 5h00
Bce Taux Negatifs Epargne France
@shutter - © Economie Matin
2 450 milliards ?La rémunération des 2 450 milliards d'euros d'épargne en France dépend des taux fixés par la BCE.

Ce n’est pas encore une révolution — plutôt une rébellion. Ce n’est pas en France non plus, ni en Grèce, ni au Portugal, ni en Espagne… c’est en Allemagne. La rébellion contre la kleptocratie a commencé en Bavière.

Peut-être n’êtes-vous pas familier de la kleptocratie, mais vous ressentez certainement ses effets : il vous reste de moins en moins d’argent, les gouvernements en ont besoin de plus en plus pour que tout aille mieux pour tout le monde. Pourtant, ce n’est pas le cas, la situation ne s’améliore pas et l’argent vous fuit, tandis qu’il baigne la kleptocratie. Comme l’écrivait ma collègue américaine Nomi Prins :

« Au sein de l’élite, l’idéologie et les relations personnelles sont insensibles aux lignes des partis politiques et aux frontières internationales. L’argent aussi.[…] des alliances guident les flux financiers à travers le monde, selon une configuration visant à préserver le pouvoir, l’influence et la richesse, évidemment, de quelques cercles de privilégiés. Faire partie de l’élite, cela signifie que l’on exerce un contrôle sur beaucoup de monde ».

Mario Draghi, en tant que président de la Banque centrale européenne, est un membre éminent de la kleptocratie. Vous savez que nous vivons dans un monde où des banquiers centraux ont unilatéralement décidé que les taux d’intérêt devaient être bas ou négatifs.

Comment votre banque peut-elle vous rendre votre argent ?

Les taux négatifs s’appliquent aux banques commerciales. Si vous avez un dépôt en compte courant de 1 000 euros, votre banque dépose 10 euros à la Banque centrale européenne. Elle y est tenue par la réglementation ; c’est ce qu’on appelle les réserves obligatoires.

Ensuite, votre banque peut choisir de prêter ou non les 990 euros restant. Si elle ne prête pas cet argent à une autre banque ou à un de ses clients, elle le met en dépôt overnight à la BCE.

Bien sûr, dans un monde de monnaie dématérialisée, il ne s’agit que d’enregistrement de comptes créditeurs dans une mémoire informatique à la BCE. Ces dépôts sont soumis au régime actuel de taux négatif à 0,3% de pénalités. La banque devra payer 990 x 0,003 = 0,297 euros à la BCE. Comment vous rendra-t-elle 1 000 euros ?

Frondeuse, l’union des caisses d’épargne bavaroises (la Bayerische Sparkassen Verbank) a trouvé la parade pour court-circuiter Mario Draghi et ses amis afin de ne pas pénaliser ses déposants. Elle demande à ses banques adhérentes de stocker du cash dans ses coffres. Pas de ligne créditrice inscrite dans les ordinateurs de la Banque centrale européenne… et donc pas de punition par les taux négatifs. C’est une rébellion des banques commerciales contre une banque centrale.

Les taux négatifs exaspèrent les épargnants allemands

La kleptocratie commence à coûter très cher aux épargnants. En France, la rémunération de 2 450 milliards d’euros d’épargne dépend des taux directeurs fixés par la BCE. En Allemagne, où la retraite par capitalisation règne, c’est encore plus. Près de 3 000 milliards d’euros devraient être rémunérés à 4% (les intérêts d’un Bund allemand à 10 ans entre 1998 et 2009) au lieu de 0%, voire moins. Cela fait donc 120 milliards d’euros par an volés aux Allemands (98 milliards si l’on fait le même calcul pour la France, en tablant sur les mêmes intérêts).

Mais les fourmis teutonnes ne bénéficient même pas des largesses de redistribution des Etats providence des pays endettés qui — comme la France — se financent à l’aide des taux zéro. Elles montrent donc les dents.

La société sans cash déplait vraiment aux Allemands

Pour faire passer la pilule des taux punitifs (ou négatifs, selon la langue de bois d’usage), la kleptocratie caresse le projet d’instaurer la société sans cash. Si les caisses d’épargne bavaroises se mettent à le stocker, ça tombe plutôt mal. Mais voilà que le camp des rebelles grossit ; Carl Ludwig Thiele, un membre du directoire de la Bundesbank, la banque centrale allemande, a récemment pris la défense des espèces lors d’une conférence à la London School of Economics.

« J’ai des doutes sur le fait que des terroristes ou d’autres criminels pourraient être empêchés de commettre des actes illégaux en plafonnant l’argent liquide ou en supprimant les dénominations les plus élevées des billets. Il faut aussi se poser la question des idées sur lesquelles s’appuient ce genre de propositions : les citoyens ne doivent pas faire l’objet d’une suspicion permanente« .

Il semblerait que les Allemands se fassent moins d’illusions que nous sur la pureté des intentions de nos dirigeants. Ne dit-on pas que « chat échaudé craint l’eau froide » ? En l’occurrence le chat a été ébouillanté, étripé et écorché au national-socialisme et au communisme. Pour protéger votre liberté et votre épargne, vous devez comprendre le système politico-financier moderne. G20, G7, Davos, Bruxelles, rapports de la Banque des règlements internationaux, du Fonds monétaire international, de l’OCDE… Tout est écrit et décrit pour celui qui sait lire. Il ne s’agit pas d’un grand complot.

Les kleptocrates agissent à ciel ouvert, débattent de leurs futures décisions qui doivent façonner l’économie selon leur propre vision. Le résultat ? En bas, de moins en moins d’espoir d’ascension sociale. Au milieu, le désespoir du déclassement. En haut, la kleptocratie, la noblesse d’Etat et ses serviteurs empressés. Pas étonnant que, partout dans le monde, les candidats électoraux marginaux et populistes gagnent des suffrages. Tout plutôt qu’un kleptocrate, semblent penser les électeurs…

Pour plus d’informations et de conseils de ce genre, c’est ici et c’est gratuit

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Simone Wapler est directrice éditoriale des publications Agora, spécialisées dans les analyses et conseils financiers. Ingénieur de formation, elle a quitté les laboratoires pour les marchés financiers et vécu l'éclatement de la bulle internet. Grâce à son expertise, elle sert aujourd'hui, non pas la cause des multinationales ou des banquiers, mais celle des particuliers. Elle a publié "Pourquoi la France va faire faillite" (2012), "Comment l'État va faire main basse sur votre argent" (2013), "Pouvez-vous faire confiance à votre banque ?" (2014) et “La fabrique de pauvres” (2015) aux Éditions Ixelles.

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