Les banques survivront aux taux négatifs, pas vous

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Par Simone Wapler Publié le 23 février 2016 à 5h00
Taux Negatifs Bce Depots Banques
@shutter - © Economie Matin
-0,3 %LA BCE ponctionne les dépôts des banques à un taux de -0,3 %.

"Il n’y aura plus d’enquêtes sur les banques à Canal+", affirme le syndicaliste Jean-Baptiste Rivoire après le refus de deux sujets sur ce thème dans l’émission Spécial Investigation.

Il ne vous aura pas échappé que ces derniers temps, M. le Marché doute de la faculté des banques à gagner de l’argent dans un monde cruel de taux négatif. Il n’a pas tort. S’il faut payer pour avoir le droit de prêter son argent, on en a la tête toute tourneboulée et les neurones qui se tricotent.

Des taux nul, c’était idiot, mais il y avait un résidu de logique. Imaginons que l’apocalypse soit certaine. A J-1 de la fin du monde, si vous avez plus d’argent que ce que vous pourrez dépenser, à quel taux seriez-vous prêt à le lâcher ?… 0%, puisque c’est bientôt la fin du monde. Vous vous désintéressez de l’argent puisque ça ne sert plus à rien et que votre vie sera brisée par cette fichue apocalypse qui va vous tomber dessus dans quelques heures. Vous donnez tout votre excédent aux pauvres avec comme seule obligation (très hypothétique) de vous rendre votre capital après l’apocalypse (on ne sait jamais, si les météorologues et les astrologues s’étaient trompés…).

Mais des taux négatifs, là, ça devient carrément absurde. Vous prêtez 100 et vous payez 1 tous les ans de droit au prêt ? Vous empruntez 100 et on vous donne 1 tous les ans ? Même après l’apocalypse ? J’imagine la tête de M. et Madame Michu regardant le sujet d’investigation télé : "comment les banques gagnent-elles de l’argent en en donnant pour prêter". Bolloré a bien raison : mieux vaut ne pas se fâcher avec ses annonceurs et ses partenaires financiers et ne pas effrayer les téléspectateurs.

Car en poussant l’investigation, on constaterait que M. et Madame Michu sont victimes des taux négatifs, proprement euthanasiés financièrement par les banquiers centraux. Là, cela deviendrait vraiment hor-ri-ble !

Le protocole de l’euthanasie financière élaborée par les banquiers centraux?

M. et Madame Michu déposent 100 euros à leur banque Credit Shark. Sur ces 100, Credit Shark est obligée de consigner à la Banque centrale européenne au moins un euro. C’est ce qu’on appelle les réserves obligatoires. Le reste, elle peut le prêter. Mais voilà, Credit Shark n’a pas envie de prêter. Car à chaque fois qu’elle prête, elle doit mettre des fonds propres de côté en proportion du prêt accordé. Les fonds propres sont son vrai argent à elle, celui des actionnaires. La nouvelle réglementation lui demande de mettre plus de fonds propres de côté pour chaque prêt accordé. En même temps, chaque prêt rapporte moins puisque les taux sont bas. La conjoncture économique n’est pas flamboyante et les prêteurs solvables se font rares. Donc Credit Shark ne veut pas prêter : ni à M. et Madame Michu, ni à l’entrepreneur du coin, ni à d’autres banques… Pas de risques inutiles et mal payés. Autant aller parquer cet argent à la Banque centrale européenne.

Mais là, Mario Draghi attend Credit Shark au guichet de la BCE avec son harpon. Mario punit par des taux négatifs l’argent supplémentaire consigné par Credit Shark. Zut, que faire, se demande le président de Credit Shark ? Deux possibilités. La première consiste à maintenir malgré tout des réserves excédentaires auprès de la BCE, et de répercuter la punition de Mario Draghi sur les dépôts de M. et Madame Michu. Pas grand chose, il ne faudrait pas que ce soit trop voyant, on leur dira que ce sont des "frais de tenue de compte", par exemple. La seconde consiste à prêter à des gouvernements ; pas besoin de mettre de côté des fonds propres dans ce cas, car un gouvernement rembourse toujours, c’est bien connu. Pas de chance, beaucoup de banquiers ont eu la même idée que le président de Credit Shark… Du coup les taux d’intérêt sur les emprunts d’Etat sont passés sous zéro, eux aussi. C’est la raison pour laquelle M. et Madame Michu constatent que le rendement de leur assurance-vie en euro — rempli d’obligations d’Etat — n’arrête pas de plonger.

Pffffffffff… Tout ceci est bien compliqué et la lente euthanasie financière de M. et Madame Michu très pénible.

Oui, il vaudrait mieux INTERDIRE les enquêtes sur le système monétaire, les banques centrales et les banques. Les âmes sensibles risqueraient de découvrir que les manigances monétaires masquent le plus gigantesque transfert de richesse de tous les temps. Leur épargne est en concurrence avec des liquidités factices, fabriquées par des faux-monnayeurs qui prétendent oeuvrer pour le bien de l’économie.

Pour que les faux-monnayeurs puissent survivre, il faut INTERDIRE à M. et Madame Michu de se soustraire à l’euthanasie financière administrée par les taux négatifs et pour cela, les faux-monnayeurs vont leur INTERDIRE le cash. Il ne faudrait pas que M. et Madame Michu aient la désastreuse idée de vouloir conserver leur argent en billets de banque à l’abri de tous frais bancaires.

Maintenant si vous n’entendez pas vous laisser euthanasier sans combattre, vous pouvez parier sur la baisse des actions bancaires. Profitons-en tant que c’est possible car au coeur de la crise de 2011, en août, la spéculation sur la baisse des actions bancaires fut INTERDITE jusqu’en février 2013. Nous vivons vraiment dans un monde de libéralisme déchaîné… Pour vous aussi faire entendre votre voix et vous opposer à l’interdiction progressive de l’argent liquide, vous pouvez dès maintenant signer notre pétition.

Pour plus d’informations et de conseils de ce genre, c’est ici et c’est gratuit

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Simone Wapler est directrice éditoriale des publications Agora, spécialisées dans les analyses et conseils financiers. Ingénieur de formation, elle a quitté les laboratoires pour les marchés financiers et vécu l'éclatement de la bulle internet. Grâce à son expertise, elle sert aujourd'hui, non pas la cause des multinationales ou des banquiers, mais celle des particuliers. Elle a publié "Pourquoi la France va faire faillite" (2012), "Comment l'État va faire main basse sur votre argent" (2013), "Pouvez-vous faire confiance à votre banque ?" (2014) et “La fabrique de pauvres” (2015) aux Éditions Ixelles.

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