BCE : Mario Draghi lâchera-t-il l’Italie ?

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Par Simone Wapler Publié le 6 novembre 2017 à 5h00
Bce Rachat Obligations Italie Banques Mario Draghi
@shutter - © Economie Matin
300 milliards ?La BCE détient 300 milliards d'euros d'obligations italiennes.

La BCE a annoncé réduire ses rachats obligataires. En cas de remontée des taux, les maillons faibles de la Zone euro sont l’Italie et la France.

Mario Draghi, président de la BCE, a donc annoncé la semaine dernière qu’il allait réduire ses achats d’obligations initiés en mars 2015 de 60 Mds€ par mois à 30 Mds€ par mois. Ces opérations monétaires aux appellations jargonneuses peuvent nous sembler toujours très ésotériques. Pourtant, elles ont une influence très concrète sur notre vie quotidienne. La première est que l’épargne dite sûre est mal rémunérée. Les taux d’intérêt ne reflètent plus la réalité du stock d’épargne de vrai argent, celui qui a été gagné grâce à des activités rentables. En rachetant des obligations, la BCE fait croire à une demande qui n’existe pas en réalité (sur le marché obligataire, la demande fait monter les prix et donc baisser les taux).

La seconde est l’augmentation continue des impôts. En effet, la BCE rachète des obligations d’Etat de gouvernements qui financent par émission de dette leurs trains de vie, leurs dépenses de redistribution… Avec les taux bas, les gouvernements n’ont aucune incitation à dépenser moins. Ils empruntent beaucoup mais taxent aussi beaucoup pour faire croire que le train de vie national est raisonnable et supportable (par les « riches »). En France, les dépenses de l’Etat s’élèveront en 2018 à 425 Mds€. Les impôts sont attendus à 289 Mds€. C’est la fuite vers le toujours plus de prestations, de déficits et d’impôts.

Les différents textes européens qui régissent les opérations monétaires de la BCE prévoient que les achats suivent plus ou moins les poids économiques des pays. Si la BCE achète une cuillère à café de titres italiens, elle doit acheter une cuillère à soupe de titres français et une soupière de titres allemands. Voici ce que la BCE détient aujourd’hui.

Cela, ce sont les principes. Récemment, la BCE a favorisé la France et l’Italie pour des « raisons techniques », selon Les Echos. L’Allemagne n’émet plus de nouvelles dettes, son budget est équilibré. Si les taux d’intérêt montent, les finances publiques allemandes le supportent. Pour les pays à gros déficit public que sont l’Italie et la France, si les taux d’intérêt montent, c’est la catastrophe. L’Italie a un stock de dettes encore plus gros que la France (132,6% du PIB contre 96% du PIB pour la France).

Le maillon faible de l’Italie

Dans le cas de l’Italie, une étude de l’économiste Martin Schultz de Citgroup montre que les gros vendeurs de dette italienne à la BCE ont été les étrangers, les ménages italiens et les investisseurs particuliers. Les banques italiennes ont conservé leurs positions stables. « La question est qui parmi ces vendeurs pourrait repasser acheteur si la BCE réduit son exposition et qu’est-ce que cela impliquera pour les rendements en Italie ? », s’interroge Martin Schultz.

Rendement de l’emprunt à 10 ans du gouvernement italien

Les opérations monétaires ont fait baisser le rendement de 2,4% à 1,1%. Ils sont ensuite remontés avec la première réduction de rachats de 80 Mds€ à 60 Mds€.

Rappelons une implacable arithmétique. Pour que la dette de l’Italie ne grossisse pas, il faudrait que sa croissance soit supérieure à 2,72%, en supposant que les taux d’intérêt restent à 2%. S’ils passaient à 3%, il faudrait que la croissance de l’Italie atteigne 3,96%. Des chiffres jamais vus depuis 17 ans. L’Italie a des élections en 2018. Les partis eurosceptiques montent dans les sondages. Il est improbable que les acheteurs étrangers se bousculent pour acheter la dette italienne. Derrière l’Italie, le contexte électoral mis à part, la France n’est pas dans une situation très différente. Mario Draghi s’est laissé toutes latitudes dans son discours de la semaine dernière, indiquant que les durées de ses programmes de rachat pourraient rallongées, les montants être revus, etc…

Les opérations monétaires sont inutiles et nuisibles

La mascarade va encore durer. Les opérations de rachats obligataires ou quantitative easing n’ont rien à voir avec le bien-être économique. Elles ont pour but de prolonger un système politique et monétaire qui consiste à distribuer de l’argent qu’on n’a pas en appelant « monnaie » de la dette garantie par des contribuables peu avertis des subtilités dudit système.

Ces manoeuvres sont nuisibles à l’économie et à notre vie quotidienne car elles favorisent les mauvais investissements (ceux qui sont sans aucun retour possible) et sapent la véritable épargne. Ces manoeuvres sont aussi politiquement nuisibles car elles maintiennent l’illusion selon laquelle « l’argent des autres » est disponible en quantité infinie pour une durée illimitée. Un économiste de la Fed de Saint Louis, Stephen D . Williamson, indiquait en septembre 2017 :

« Concernant le QE, il y a de bonnes raisons d’être sceptique que cela fonctionne comme cela nous a été vendu, et certains économistes ont bien établi que le QE était en réalité nuisible ».

Depuis la nuit des temps, il n’y a jamais d’expérience de fausse monnaie ou d’argent gratuit qui ait bien tournée. Nul besoin d’avoir un doctorat d’économie pour le savoir ou d’empiler des donner indigestes. Cette fois ne sera pas différente.

Pour plus d’informations, c’est ici

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Simone Wapler est directrice éditoriale des publications Agora, spécialisées dans les analyses et conseils financiers. Ingénieur de formation, elle a quitté les laboratoires pour les marchés financiers et vécu l'éclatement de la bulle internet. Grâce à son expertise, elle sert aujourd'hui, non pas la cause des multinationales ou des banquiers, mais celle des particuliers. Elle a publié "Pourquoi la France va faire faillite" (2012), "Comment l'État va faire main basse sur votre argent" (2013), "Pouvez-vous faire confiance à votre banque ?" (2014) et “La fabrique de pauvres” (2015) aux Éditions Ixelles.

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