La prochaine offensive de la BCE : spectre d’une défaite

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Par Stéphanie Villers Publié le 4 mars 2016 à 5h00
Banque Centrale Europeenne Inflation Mesures
@shutter - © Economie Matin
0,2 %L'inflation dans la zone euro a chuté de 0,2 % sur un an

Le 10 mars, la BCE doit annoncer de nouvelles mesures pour stimuler l’inflation. Son action risque une nouvelle fois d’être sans réelle efficacité sur les prix. La zone euro ne manque ni de liquidités, ni d’épargne. Elle manque de perspectives de croissance et de développement.

Rien à craindre, la Banque centrale européenne (BCE) est aux commandes. Depuis mars 2015, elle s’échine à relancer une inflation invariablement trop faible. Voilà pour le discours. Néanmoins, dans les faits, les résultats restent décevants. Le bilan, un an après le lancement de son vaste plan d’assouplissement monétaire, a du mal à convaincre. Un nouveau recul des prix a été enregistré en février 2016. L’inflation sur l’ensemble de la zone euro repart en territoire négatif avec un repli de 0,2% sur un an. La raison essentielle de ce recul est bien la poursuite de l’effondrement des cours de l’énergie en baisse de 8% par rapport à février 2015.

Or, la BCE n’a pas de marge d’action pour ajuster les cours des matières premières. Donc, tant que les prix du pétrole baisseront, ils agiront sur l’inflation sans que la Banque centrale puisse intervenir efficacement. Pour autant, en 2015, la BCE a tenu un tout autre discours. Il était, en effet, de son ressort de tout faire pour préserver la monnaie unique et tenter d’extraire la zone euro de la spirale déflationniste. Elle a réussi, contre toute attente, à convaincre l’opinion allemande de l’intérêt d’injecter massivement des liquidités sur les marchés financiers. L’idée de son plan de soutien était en filigrane de relancer l’inflation notamment par la désinflation importée grâce à la baisse de l’euro.

En effet, lorsqu’une monnaie se déprécie, les prix des biens importés deviennent plus élevés et de fait « ramènent » de l’inflation. Pour autant, compte tenu de la structure de la balance des échanges extérieurs, cet objectif semblait vain. La zone euro dégage des excédents courants grâce en particulier à la capacité exportatrice de l’Allemagne. Ainsi, la zone euro exporte plus qu’elle importe. En revanche, un euro faible rend nos produits plus compétitifs. Une bonne chose pour stimuler le commerce et donc in fine la croissance et l’inflation. Mais l’ambition de la BCE ne s’est pas arrêtée là. L’institut monétaire s’est en effet engagé à faire baisser les taux d’intérêt pour relancer le crédit et par ce biais l’investissement et l’emploi pour, qu’ensemble, ils soutiennent in fine les prix.

Les politiques monétaires expansionnistes inefficaces sur la baisse de l’inflation

Aujourd’hui, si les crédits aux ménages et aux entreprises sont repartis à la hausse, force est de constater que sur le front de l’inflation ou même de l’emploi, la BCE n’a pas réussi pour l’instant à transformer l’essai. Et compte tenu de la poursuite de la baisse des prix, elle va devoir de nouveau intervenir et annoncer, lors de sa prochaine réunion du 10 mars, un nouveau programme d’assouplissement monétaire. Or, les expériences menées à l’étranger par les principales banques centrales ont su démontrer l’inefficacité des politiques monétaires expansionnistes pour relancer les prix. Aux Etats-Unis ou en Grande-Bretagne, les mesures des banques centrales ont eu un effet sur la croissance mais n’ont pas pour autant soutenu l’inflation. Au Japon, le constat est plus effrayant, puisqu’en dépit des milliards de yens déversés sur les marchés financiers par la Banque centrale, la bataille sur la croissance et sur les prix a échoué.

Trop d’épargne rend la politique monétaire expansionniste inefficace

En zone euro, les nouvelles mesures prises par la BCE risquent, de même, de manquer leur cible. Pourquoi ? D’une part, en injectant des liquidités supplémentaires sur les marchés financiers, l’institut francfortois va de nouveau gonfler l’épargne domestique. Or, ce supplément d’épargne manque de débouchés et d’opportunités d’investissement. En d’autres termes, la BCE va rajouter de la liquidité à un excès d’épargne qui ne sait pas où se placer. Les taux d’intérêt restent invariablement bas avec des rémunérations peu attractives et les marchés boursiers demeurent bien trop erratiques. Dans ce contexte de fortes tensions sur les marchés financiers et de taux d’intérêt bas, les épargnants risquent de nouvelles sueurs froides.

D’autre part, la politique monétaire de la BCE risque d’être contre-productive. Dans un contexte de taux d’intérêt très faible, l’excès d’épargne devrait, en toute logique, être consommé étant donné que les placements rapportent très peu. Pour autant, compte tenu des piètres perspectives de croissance de la zone euro, il n’est pas certain que les épargnants aient envie de consommer davantage. L’épargne de précaution face à un avenir incertain risque d’être la solution privilégiée. Le manque de visibilité et la crainte d’une détérioration des conditions économiques internationales pourraient amener à favoriser l’épargne au détriment de la consommation.

Ainsi, il est fort à parier que les prochaines mesures annoncées par la BCE ressemblent à un coup d’épée dans l’eau. Pour autant, il faut s’en consoler car ne rien faire amplifierait encore davantage les craintes des marchés financiers. La BCE cherche ainsi à éviter le pire.

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Stéphanie Villers est économiste.

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