BCE : le plus intéressant reste à venir

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Par Christian Jimenez Modifié le 19 juin 2014 à 13h54

Comme à l'été 2012, la BCE a pris la mesure des défis auxquels est confrontée l'union économique : combattre la déflation et faciliter la transmission du crédit à l'économie réelle. Malgré son envergure inédite, l'arsenal annoncé par Mario Draghi devrait, au final, apporter un écot marginal à la stimulation de la croissance.

Mario Draghi a choisi de déployer toute une série de mesures, conventionnelles et non conventionnelles, dont la nature est pour certaines d'entre elles sans précédent en zone Euro : opérations ciblées de refinancement à long terme auprès des banques, taux directeur abaissé à 0.15%, basculement du taux de dépôt en territoire négatif (-0.10%), mise en suspens de la stérilisation des anciens rachats d'obligations (ce qui va apporter près de 200 milliards d'euros de liquidités aux banques concernées) et enfin, dispositions préparatoires à l'achat ciblé d'instruments de titrisation (ABS, Asset Backed Securities). Ce dernier levier est le plus innovant, puisqu'il pourrait permettre à la banque centrale de refinancer directement l'économie en rachetant des actifs de titrisation (titrisation de prêts aux entreprises). Certes, le gisement actuel de titrisations semble insuffisant mais les mesures récemment prises pour inciter les assureurs à investir plus massivement dans les tranches les moins risquées des titrisations devraient aider à dynamiser le marché.

Des dispositions louables... mais un succès incertain

Il est bien difficile à ce stade d'évaluer le succès présumé de l'imposant arsenal déployé par Mario Draghi. La manipulation des taux, ou encore les prêts ciblés à long terme (le fameux T-LTRO, Targeted Long Term Refinancing Operations) octroyés aux banques sous conditions, n'apportent pas de garantie absolue quant au réveil de l'économie européenne. Les établissements bancaires sont en plein cycle d'assainissement structurel de leur bilan pour répondre aux exigences de robustesse imposées par les instances de régulation. A quelques mois de nouveaux stress-tests dans le cadre du fameux « Asset Quality Review », le secteur bancaire reste confronté à deux forces contradictoires, d'un côté l'incitation à prêter davantage aux acteurs de l'économie, de l'autre la nécessité continue de renforcer leurs fonds propres.

La valeur ajoutée du nouveau LTRO est discutable

Certains relativiseront aussi la portée des deux nouvelles opérations de LTRO, puisqu'en réalité la BCE n'apportera pas nécessairement de liquidités fraîches. Le volume de financement proposé aux banques correspond peu ou prou au montant des remboursements des précédents LTRO, acquittés d'ici la fin de l'année. De fait, à l'opposé des autres grandes banques centrales qui ont mis en œuvre des politiques expansionnistes, la BCE opère un « roulement » de ses prêts, mais n'augmente pas son bilan. Deux tranches de prêts de 200 milliards d'euros chacune seront déployées en septembre et décembre prochain, tandis que des opérations de refinancement similaires pourront être répétées chaque trimestre entre mars 2015 et juin 2016. Les prêts aux banques issus des deux premières tranches représenteront, au maximum, 7% du stock de crédits aux entreprises établi dans le bilan des banques en question. Dans le cadre de ces deux opérations, la banque centrale refinancera de fait un volume de prêts existants ce qui n'augmentera pas non plus le bilan des banques.

De leur côté, les opérations trimestrielles seront capées en fonction des flux bruts de nouveaux crédits délivrés par les banques, dont rien ne garantit qu'ils dépasseront les tombées d'anciens crédit. Il aurait mieux valu que la BCE raisonne sur des flux nets, c'est-à-dire sur l'accroissement du bilan des banques. Celles-ci pourront toutefois emprunter jusqu'à trois fois le montant des nouveaux prêts consentis aux entreprises sur le trimestre précédent, cet effet de levier est évidemment le bienvenu. Très technocratique, la méthodologie employée par la BCE risque de s'avérer, au final, improductive.

L'action de la BCE était tout-à-fait nécessaire, mais elle ne suffira pas, à elle seule, à déverrouiller le redémarrage de la croissance. Sa réussite est étroitement conditionnée à un « choc psychologique » chez l'ensemble des agents économiques. Les mesures de la banque centrale sont bel et bien historiques, parce qu'inédites, mais leurs effets ont de grandes chances d'être marginaux et différés.

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Christian Jimenez est président de Diamant Bleu Gestion, et professeur agrégé d'économie.

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