Special BCE : lourde déception : l’argent gratuit n’est toujours pas pour nous

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Par Simone Wapler Publié le 5 septembre 2014 à 3h15

Il y a deux mondes. Celui des banquiers centraux, de la finance, des gouvernements et celui de l'économie dite réelle.

A en croire les medias, les attentes de l'économie réelle vis à vis du monde des banquiers centraux seraient colossales. Un banquier central aurait le pouvoir de lutter contre les dépressions, d'éviter les récessions, de résorber le chômage, de ranimer la croissance, de rétablir la compétitivité par la monnaie, d'augmenter votre pouvoir d'achat, bref, de vous faire à nouveau croire au Père Noël.

Pour réaliser vos rêves et vous faire enfin atteindre le bonheur suprême, les banquiers centraux ont des armes : Ben Bernanke et Janet Yellen ont des hélicoptères, Schinzo Abé des flèches, Mario Draghi un bazooka et tous ont une armée de ZIRP, TAR, QE, TWIST, LTRO, OMT, VLTRO,...

Hélas, les flèches ratent leurs buts ; le PIB de beaucoup de pays n'a pas retrouvé son niveau de 2007, le chômage grandit ou ne se résorbe pas, la croissance (dans les pays où elle existe encore) décline. Soigner la dette par la dette ou par la fausse monnaie ne fonctionne pas. Prenons la France : croissance 0 et déficit de 4%. Le déficit est intégré dans le PIB (qui est une somme de dépenses) puisqu'il s'agit de dépenses de redistribution financées par l'emprunt. Sans ce déficit, la « croissance » de la France est négative comme dirait Christine Lagarde ; bah oui... la croissance est en fait de -4%. La « croissance » qu'on nous vend n'est que la croissance de la dette.

Mais il faut bien faire quelque chose car l'économie de la dette ne peut survivre que si la dette reste en expansion. Pour cela, Mario Dragi a donc baissé son taux de refinancement et promis de racheter des ABS, des crédits titrisés. Deux mesures qui ne concernent que les banques et quelques institutionnels mais qui, n'en doutons pas, finiront par vous rendre heureux puisque dans nos démocraties le but des gouvernants est le bonheur du peuple, rappelez-vous

Raisonnement : Délestées de leurs crédits pourris (les ABS), les banques devraient prêter désormais aux entreprises nous assure Mario Draghi, entreprises qui se porteront mieux, embaucheront, rétabliront le plein emploi, les salaires augmenteront, votre pouvoir d'achat augmentera et vous rencontrerez enfin le Père Noël.

Sauf que... prêter à quelles entreprises et pour quoi faire ? Dans un contexte de ralentissement économique, les business plans devront être bigrement solides pour que la banque daigne ouvrir son tiroir caisse. Et puis, les banques européennes les plus faibles vont avoir besoin de 51 Mds€ pour renforcer leurs fonds propres – selon la dernière enquête de Goldman Sachs.

Finalement, tout ceci nous indiffère.

Nous attendons donc avec impatience la dernière étape : les hélicoptères qui lâcheront du cash directement sur notre paillasson.

Certes, cela n'améliorera pas l'économie réelle, mais au moins ce sera plus juste et la fausse monnaie ne profitera pas qu'à la finance. Et tenez, je ne suis pas exigeante, si les hélicoptères sont trop chers, je me contenterai d'un drone. Remarquez, c'est peut être pour bientôt car le discours de Mario Draghi peut très bien se résumer au petit communiqué ironique que mon collègue de la Bourse au Quotidien, Gilles Leclerc.

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Simone Wapler est directrice éditoriale des publications Agora, spécialisées dans les analyses et conseils financiers. Ingénieur de formation, elle a quitté les laboratoires pour les marchés financiers et vécu l'éclatement de la bulle internet. Grâce à son expertise, elle sert aujourd'hui, non pas la cause des multinationales ou des banquiers, mais celle des particuliers. Elle a publié "Pourquoi la France va faire faillite" (2012), "Comment l'État va faire main basse sur votre argent" (2013), "Pouvez-vous faire confiance à votre banque ?" (2014) et “La fabrique de pauvres” (2015) aux Éditions Ixelles.

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