Tout va bien, les banques sont solides ! Ouf ! Les stress tests ? Résultats brillants…

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Par Charles Sannat Publié le 27 octobre 2014 à 12h57

Comme à chaque fois, il est totalement illusoire de croire qu'un tel examen puisse voir échouer une banque de taille importante pour la simple et bonne raison que le système bancaire est tellement imbriqué qu'un défaut important sur une banque pourrait entraîner... non, entraînerait l'effondrement de toute la planète finance, ne serait-ce que par l'activation des fameux produits dérivés qui se comptent par centaines de milliers de milliards de dollars (oui, je sais, c'est difficilement représentable).

Donc comme prévu, les banques importantes ont largement réussi leur examen de passage à la BCE. Bon, il y en a bien 25 qui échouent mais de vous à moi, on s'en fiche un peu vu que ce sont des banques qui ne comptent pas et qui sont fondamentalement insignifiantes en termes macro-économiques.

BCE : 25 banques ont échoué aux tests de résistance européens

Du coup, les agences de presse vont pouvoir faire des communiqués victorieux et la presse grand public, rassurer le « mougeon » (hybride mouton/pigeon correspondant aux con-tribuables que nous sommes qui, au bout du bout, sera le dindon de la plus grande farce financière de l'histoire mondiale).

Bref, voici ce que nous raconte l'agence Reuters :
« La Banque centrale européenne (BCE) a annoncé dimanche que 25 banques de la zone euro sur 130 avaient échoué à l'examen sans précédent du secteur, évaluant leur besoin en capital à quelque 25 milliards d'euros.

Parmi les banques concernées, l'institution monétaire de Francfort a notamment recensé 9 italiennes, 3 grecques, 3 chypriotes, mais également l'allemande Münchener Hypothekenbank ainsi qu'un petit établissement français, la Caisse de refinancement de l'habitat.

Cet audit a été mené sur la base du bilan des banques à fin 2013 et douze des 25 banques qui ont échoué ont déjà comblé leurs besoins de capital en levant environ 15 milliards d'euros en 2014, a souligné la BCE. » Blablablablablablablablabla et etc., etc., etc., etc., tout va bien, on va bien, y'a pas de problème.

Le meilleur dans cette dépêche, c'est ce passage...

« Cet examen va doper la confiance publique dans le secteur bancaire, s'est félicité Vitor Constancio, vice-président de la BCE, cité dans ce communiqué. » Merci Vitor, je commençais à trouver le temps long avant que ne retentissent les trompettes et les tambours annonciateurs d'une victoire éclatante. Ridicule discours, et encore plus pathétique que de le voir repris immédiatement, sans mise en perspective, sans analyse de fond comme un mantra.

Autre passage assez rigolo :
« Menée dans le plus grand secret, cette opération baptisée Comprehensive Assessment, qui a mobilisé 6 000 personnes, visait à connaître aussi précisément que possible la situation financière des banques, avant que la BCE n'endosse le 4 novembre le rôle de superviseur bancaire européen... »

Alors là, je suis impressionné, mené dans le plus grand secret (le secret fascine toujours les peuples, genre 007 du bilan comptable des banques) et la mobilisation de moyens démentiels du genre 6 000 bonhommes tout de même. Remarquez, en ces temps de chômage de masse, voir du monde occupé même à ne rien foutre ça me va bien, c'est une forme de répartition de richesse. Ben oui, ils s'y sont mis à 6 000 pour réussir à choisir les 25 banques les plus petites et les plus minables d'Europe pour leur filer une mauvaise note et ils ont laissé les cancres du fond de la classe tranquilles vu qu'ils sont un peu trop gros, gras et baraqués...

J'aurais pu franchement faire ce boulot tout seul et en plus, une semaine aurait été largement suffisante. Je vous montre.

Les stress tests, comment faire en 5 minutes ?

Étape 1, choisir la banque par laquelle on va commencer. Tirer à « plouf ». Plouf, plouf, ce sera toi la première... Et hop ! BNP Paribas.

Étape 2, allumer votre ordi et appeler votre meilleur ami... Google. Taper dans le moteur de recherche « bilan BNP Paribas au 31/12/2013″. Laisser le machin charger les bidules. 20 Mo tout de même alors ça prend du temps. C'est ici : Lien

Étape 3, regarder deux choses. 1) Le total des fonds propres. 2) Le total des engagements. 3) Calculer le ratio de problèmes à venir contrariens, le RPAVC. Sachez que je ne peux en aucun cas parler de ratio de solvabilité et dire qu'ils sont totalement crétins et bidons vu leur mode de calcul juste surréaliste (parce que le dernier qui a tenté, le professeur Chevalier, sur son blog s'est retrouvé avec une amende 8 000 euros de l'AMF et comme je n'ai pas 8 000 euros à refiler à l'AMF, il va falloir louvoyer un petit peu, mais vous le savez bien et vous savez lire entre « mes lignes »).

Donc pour calculer un RPAVC que l'on peut écrire plus justement RPAWC, vu que tout cela est aussi clair que du jus de WC lors d'une épidémie de gastro-entérite, c'est simple.

Tout d'abord, un petit arrêt page 4 pour contempler les têtes de vainqueurs qui trônent en tête de ce rapport et dont le travail brillant vient de coûter quelques milliards de dollars d'amendes à la banque.

Ensuite, allez directement à la page 9. Petit tableau récapitulatif.

Fonds propres 87,571 milliards d'euros et total des engagements, c'est-à-dire de l'actif : 1 800 milliards d'euros et des brouettes. À noter, pour être intellectuellement juste, que la BNP a considérablement réduit la taille de son bilan puisqu'avant la crise ou au tout début, il était de presque de 2 600 milliards d'euros pour des fonds propres me semble-t-il nettement plus faibles. On peut donc effectivement considérer que la situation financière de cette très grande banque française s'améliore.

Bref, calcul du RPAWC : 1 800 divisé par 87 = 20,68

Cela veut dire que la banque a engagé presque 21 fois ses fonds propres... Ou encore que si 5 % du bilan de la banque ou de ses actifs foirent et valent 0 – et 5 % quand on est dans une énorme crise ce n'est pas énorme, c'est même optimiste puisque cela veut dire que 95 % du reste tient bon –, eh bien si seulement 5 % foirent, cela mange, bouffe, détruit 100 % des fonds propres de cette banque qui est l'une des plus grandes de notre pays et pas forcément la plus mal gérée d'ailleurs.

Alors moi ils me racontent ce qu'ils veulent avec leurs stress tests à la mords-moi le nœud, je ne crois que ce que je vois et ce que je vois ce sont des bilans qui ne sont pas rassurants. Navré pour les gentils banquiers de la BNP, mon analyse est tombée sur eux mais ce n'est pas de ma faute, on a juste tiré à la « plouf ». Mais qu'ils se rassurent, les autres banques françaises ne sont pas mieux, voire même pires.

À savoir pour la BCE et ses savants calculs nécessitant 6 000 pimpins

Je vais vous expliquer en gros la méthode de calcul. Je précise à l'AMF que j'explique en gros, donc inutile de venir me faire un procès parce que je n'aurais pas été exhaustif, d'abord je veux faire rigoler mes lecteurs et ensuite c'est juste pour leur expliquer une « logique ».

L'idée c'est que les bilans bancaires c'est super simple dans l'absolu et très compliqué en pratique puisqu'il y a des règles de gestion, des clefs de calcul pour chaque truc et dans chaque machin. Donc on calcule les fonds propres d'une banque par rapport à ses encours évidemment mais en fonction d'une sublime notion appelée « risques pondérés ». Par exemple, tous ceux qui avaient prêté à Lehman Brothers considéraient dans leur calcul de risques pondérés qu'il n'y avait aucun risque à prêter à la Lehman, pensez-donc ma brave dame, une banque de cette taille... Bref, donc du coup, en face d'un risque que l'on calcule comme faible ou inexistant, on ne met pas ou peu de ressources en fonds propres. Plus le crédit est risqué plus ce dernier « mangera » de fonds propres. Alors évidemment, cela laisse place à de l'interprétation et à de savants calculs, d'où le fait qu'ils s'y mettent pendant 6 mois à 6 000 pour y retrouver quelque chose ou faire semblant d'avoir un peu compris.

Je ne vous dirai pas non plus que les fonds propres par exemple de la BNP sont pour l'écrasante majorité placés en bonnes obligations d'États au bord de la faillite pour la simple raison qu'une obligation d'un État surendetté comme la France, ça, c'est autorisé pour placer les fonds propres d'une banque...

Je ne vous dirai pas non plus que les tests de la BCE ne prennent évidemment pas en compte l'hypothèse d'une faillite d'État, vu que de toutes les façons dans un tel cas c'est le système tout entier qui saute.

On va donc assister dans les prochains jours à de savants « glosages » d'experts tous aussi savants concernant la solidité impressionnante du système bancaire européen et la capacité que les grandes banques européennes ont eu à récupérer de la crise. On dira aux gens dormez tranquilles. Tout va bien brave gens, Ebola et le nuage de Tchernobyl ont été arrêtés au même poste frontière.

Laissez-les faire surtout. Mais calculez vos RPAWC vous-même si vous ne me croyez pas. Une fois que vous aurez fait quelques divisions (n'hésitez pas à utiliser une calculatrice, ça va plus vite), vous les laisserez braire en groupe et se taper sur le ventre dans leurs libations collectives et victorieuses, et vous en profiterez pour renforcer à bon compte aussi bien votre stock de boîtes de conserve que votre trésor de pirate en pièces d'or et d'argent parce qu'il est inéluctable qu'à un moment ou un autre, les ratios de solvabilité ne vaudront guère plus que mon très sérieux RPAWC...

Il est déjà trop tard. Préparez-vous et restez à l'écoute.

À demain... si vous le voulez bien !!

Au coffre Le Contrarien Charles Sannat

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Charles SANNAT est diplômé de l'Ecole Supérieure du Commerce Extérieur et du Centre d'Etudes Diplomatiques et Stratégiques. Il commence sa carrière en 1997 dans le secteur des nouvelles technologies comme consultant puis Manager au sein du Groupe Altran - Pôle Technologies de l’Information-(secteur banque/assurance). Il rejoint en 2006 BNP Paribas comme chargé d'affaires et intègre la Direction de la Recherche Economique d'AuCoffre.com en 2011. Il rédige quotidiennement Insolentiae, son nouveau blog disponible à l'adresse http://insolentiae.com Il enseigne l'économie dans plusieurs écoles de commerce parisiennes et écrit régulièrement des articles sur l'actualité économique.

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