Quelles sont les caractéristiques d’un bon superviseur bancaire ?

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Par BSI-Economics Publié le 24 février 2016 à 5h00
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120 millions €Les lobbys privés dépensent plus de 120 millions d'euros par an à Bruxelles.

Le 1er novembre, M. Villeroy de Galhau prendra la succession de M. Noyer à la tête de la Banque de France. Cette nomination a été l'objet de débats et controverses en raison du précédent poste de M. Villeroy de Galhau en tant que directeur général délégué d'un groupe bancaire privé.

Il ne faut pas pour autant résumer la compétence d'un superviseur à son directeur, de nombreux autres critères déterminent la qualité avec laquelle un superviseur peut mener à bien sa tâche. Le principal critère reste la régulation, le corpus de règles mis en place et voté par les parlements nationaux, définissant les règlements auxquels les institutions financières doivent se plier. Une supervision ne peut être efficace que si au préalable la réglementation est opérante. Le superviseur a pour mission d'appliquer cette réglementation, et sa capacité à mener sa mission à bien dépend de plusieurs caractéristiques de sa structure et de son fonctionnement.

1. La structure de la supervision

La structure de la supervision est définie selon deux dimensions : unique / sectoriel et intégrée / non intégrée à la banque centrale.

Une structure unique ou sectorielle

La supervision peut être répartie entre plusieurs agences ayant compétence sur certains secteurs financiers (comme les banques, les assurances, les sociétés d'investissement, etc..) ou intégrée au sein d'une unique structure. Aujourd'hui la tendance est plutôt à la concentration des superviseurs au sein d'une entité unique. En témoigne en France la création de l'Autorité de Contrôle Prudentiel et de Résolution (ACPR) en 2010, mais aussi l'Autorité des Services Financiers entre 2001 et 2013 au Royaume-Uni, et la BaFin en Allemagne depuis 2002.

Cette tendance s'explique par une diversification toujours croissante des banques qui sont aujourd'hui à la fois banque, assurance et investisseur financier. La réunion en une unique agence, de la supervision de ces différents secteurs facilite donc la supervision de ces banques universelles. Le superviseur unique met aussi fin à une possible compétition entre superviseurs qui peuvent chercher à augmenter leur périmètre de supervision (et leurs revenus) et engendrer un phénomène de nivellement vers le bas des exigences. Au début des années 2000, cette situation s'est manifestée aux Etats-Unis où coexiste un système de superviseurs au niveau des Etats et au niveau fédéral. La banque Countrywide Financial par exemple, au printemps 2007, trouvant son superviseur fédéral trop oppressant, a changé de statut pour entrer dans le giron d'un superviseur moins regardant. Le modèle du superviseur unique est par contre plus sensible au phénomène de « capture réglementaire » (Boyer et Ponce, 2012), car il est plus aisé pour les lobbys d'influencer une unique institution que plusieurs.

L'intégration au sein de la banque centrale

La seconde dimension de la structure de la supervision est celle de l'intégration ou non à la banque centrale. Cette dernière, au travers de ses opérations de politique monétaire sur le marché interbancaire, a des informations précises sur la santé du secteur bancaire. Lui confier la mission de supervision permet donc une meilleure coordination entre la politique monétaire et le superviseur, particulièrement en cas de crise. La disparition du superviseur unique au Royaume Uni et son intégration à la Banque centrale d'Angleterre est avant tout due aux problèmes de coordination qui ont vu jour entre ces deux institutions lors de la faillite de la banque de détail Northern Rock.

La banque centrale a déjà un rôle majeur dans la supervision puisqu'elle agit en tant que prêteur en dernier ressort, ce qui implique un certain suivit du secteur financier. Mais plus généralement les banques centrales sont des institutions bien établies, indépendantes, possédant une réputation solide, un personnel compétant et une forte expérience des marchés financiers. Or ces caractéristiques, indispensables pour un bon superviseur, sont longues à bâtir. Intégrer le superviseur à la banque centrale permet donc d'établir rapidement et à moindres frais un superviseur crédible face au secteur financier. Pour autant l'intégration comporte un risque de réputation, le défaut d'une banque sous la responsabilité de la banque centrale peut remettre en question sa crédibilité à atteindre ses objectifs de superviseur, mais aussi de stabilisateur de l'inflation. Un conflit de culture et d'objectif peut aussi voir le jour entre le banquier central ayant un objectif macroéconomique et le superviseur microprudentiel, qui surveille les banques individuellement.

Un superviseur unique et intégré à la banque centrale semble donc être la structure la plus adaptée actuellement et celle vers laquelle convergent de nombreux pays (France, Royaume-Uni, pays dee l'Union Européenne, …). Toutefois, d'autres structures de supervision sont possibles tant qu'elle réunit les « bonnes » caractéristiques : partage continu des informations entre différentes agences et coordination poussée, forte proximité avec la banque centrale, personnel qualifié et expérimenté, réputation bien établie.

2. Le fonctionnement du superviseur

Si une structure adéquate est importante, elle n'assure pas une « bonne » pratique de la supervision qui est soumise à de nombreuses pressions externes et biais de fonctionnements internes.

Le lobbying du secteur privé

Les lobbys privés sont une source non-négligeable de pression externe pour les régulateurs. Ils dépensent plus de 120 millions d'euros par an à Bruxelles et 300 millions de dollars aux Etats-Unis (Corporate Europe Observatory, 2014), dans le but d'influencer les régulateurs et les superviseurs. Le superviseur doit donc disposer d'un personnel compétent et des moyens financiers conséquents pour lui permettre d'éviter une trop forte capture de la rhétorique financière par les lobbys. Toutefois, ces derniers ne sont pas les seules sources de pressions auxquels doit faire face le régulateur.

Indépendance vis-à-vis de l'Etat

Le gouvernement peut aussi être tenté de pousser le superviseur à relâcher les contraintes réglementaires pour favoriser à court terme un boom économique (faciliter les prêts immobilier, les crédits, …) sans prendre en compte les bénéfices à long terme d'une supervision gage de stabilité financière, comme cela a pu être le cas à une échelle moindre en Espagne ou en Italie au début des années 2000. Un superviseur doit donc avoir une indépendance garantie, aussi bien dans son fonctionnement (financement indépendant de l'Etat, interférence limitée dans la nomination des cadres, …) que dans ses objectifs.

Un biais national

Le contexte de compétition internationale et de défense de champions nationaux peut aussi être une source de biais national pour le superviseur, qui aura tendance à être moins sévère envers les institutions nationales et plus sévère envers les filiales de groupes étrangers. Aux Etats-Unis ce biais national se manifeste même entre Etats, car lorsqu'une banque est supervisée au niveau des Etats, elle a deux fois moins de chances de voir sa note de supervision diminuer que lorsqu'elle est supervisée au niveau fédéral (Agarwal et al., 2014). Ce biais national est d'ailleurs une des principales motivations de la mise en place de l'Union Bancaire en Europe. Une forte coordination internationale est donc nécessaire pour faire face à ce biais national, principalement dans le cas de banques internationales, voire une délégation de la mission de supervision à une agence supranationale (Calzolari et al., 2015), à l'image de la réserve fédérale ou de l'Union Bancaire.

Des biais de culture

Des biais de culture peuvent néanmoins apparaitre lors d'une trop grande proximité entre le superviseur et le système bancaire et financier. Aux Etats-Unis, la relative clémence des contrôles de la Securities and Exchange Commission (SEC) après de Bernard Madoff, ou bien encore le renvoi de Carmen Segarra de la réserve Fédérale de New-York après son refus de dissimuler un conflit d'intérêt au sein de Goldman Sachs, sont les manifestations de cette proximité, qui génère des biais de pratique de la supervision, plus enclin à couvrir les dérapages et manquements.

Conclusion

Il est possible de dégager plusieurs caractéristiques propres à un « bon » superviseur, que ce soit au niveau de sa structure ou de son fonctionnement : agence unique intégrée à la banque centrale, disposant d'un personnel qualifié et d'une indépendance face au secteur financier et au gouvernement. Néanmoins, évaluer la qualité d'une supervision en termes de coûts/bénéfices reste très complexe, car si les coûts sont assez faciles à calculer, les bénéfices qui découlent d'une diminution de la probabilité de crise restent eux sujets à de laborieuses estimations. Enfin, sans une règlementation appropriée, un superviseur restera toujours démuni.

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