Quand votre banque vous facturera votre épargne

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Par Bill Bonner Publié le 29 août 2019 à 5h56
Epargne France Bpce 2
@shutter - © Economie Matin
17 000 MILLIARDS $Le total mondial de la dette à taux négatif est passé à 17 000 milliards de dollars.

Taux négatifs et excès de création monétaire : on marche sur la tête… à quand le jour où vous devrez payer pour mettre votre argent en banque ?

Chaque semaine, nous atteignons de nouveaux sommets en matière de bizarrerie :

Le total mondial de la dette à taux négatif est passé à 17 000 Mds$

… Près de 15% des entreprises du S&P 500 ne gagnent plus assez d’argent pour couvrir ne serait-ce que les intérêts de leurs prêts…

… Le rendement des bons US à 30 ans est passé sous les 2% — inférieur au rendement du T-Bill à 30 jours…

… Et les banques danoises offrent des prêts immobiliers à 0% en taux fixe sur 20 ans.

Oui : grâce aux taux négatifs, vous pouvez désormais contracter un crédit immobilier à taux fixe et 0% d’intérêt pendant 20 ans. Vous empruntez l’argent. Vous achetez la maison. Vous la revendez 20 ans plus tard… et vous rendez l’argent. Vous avez ainsi profité de deux décennies de logement gratuit.

Bizarrerie normale

L’esprit humain est candide et crédule. Plus les choses deviennent bizarres, plus les gens se démènent pour prouver qu’elles ne sont pas bizarres du tout.

Joe Weisenthal déclare sur Bloomberg que les taux négatifs sont parfaitement normaux :

« Si l’on souhaite conserver de l’or, des montres et des objets sentimentaux dans une banque, on paie la location d’un coffre. Si l’on veut détenir du pétrole ou des céréales pour les utiliser ou les vendre l’an prochain, on paie le stockage dans une cuve ou autre emplacement. S’il y a un pic de l’offre de pétrole ou une récolte exceptionnelle de céréales, et que la capacité de stockage est limitée, on peut s’attendre à payer ces capacités de stockage encore plus cher. »

Abraham Lincoln a déclaré qu’on ne peut pas tromper tout le monde tout le temps… mais on peut s’en approcher de très près.

Il y a un « excès » d’épargne, a expliqué Ben Bernanke.

C’est pour cette raison que les taux sont si bas, a-t-il expliqué, et c’est aussi pour cela que la demande des consommateurs et des entreprises est aussi faible. Personne ne veut dépenser ; tout le monde veut garder son argent.

Cette théorie ne correspond à rien du tout dans le monde réel, où les consommateurs luttent pour joindre les deux bouts… tandis que les taux d’épargne ont chuté, passant de 10% du revenu national américain au siècle dernier à tout juste 2,5% aujourd’hui.

Dans le même temps, les niveaux de dette – l’anti-épargne – ont grimpé en flèche. Sur les 10 dernières années seulement, la dette US totale, publique et privée, a grimpé de 40%… soit environ 20 000 Mds$.

Et pourquoi les consommateurs emprunteraient-ils sur des cartes de crédit à 15%, s’ils ont une épargne abondante ne rapportant que 2% ?

Pourquoi les étudiants emprunteraient-ils à 6% pour payer leurs études ? Pourquoi les entreprises emprunteraient-elles à 4% pour racheter leurs propres actions ?

Pourquoi la dette mondiale atteindrait-elle 250 000 Mds$ alors que tout le monde est censé stocker du cash à des rythmes record ?

Patriotisme et imbécilité

Tout cela n’a aucune logique. Mais la bataille contre l’épargne maléfique se poursuit.

Nous allons faire notre part, dans cet esprit d’imbécilité patriotique… et suggérer des moyens permettant aux entreprises de gonfler leurs emprunts, leurs dépenses et leurs profits.

Elles pourraient par exemple distribuer leurs produits gratuitement – augmentant ainsi bien plus rapidement leurs parts de marché.

Dans la mesure où de nombreuses entreprises – surtout dans le secteur internet – sont jugées sur la croissance du nombre de consommateurs plutôt que sur les ventes ou les profits, ce serait à coup sûr une stratégie gagnante.

C’est une plaisanterie, bien entendu… mais cela ressemble de plus en plus à une prophétie.

Les banques américaines offraient autrefois des grille-pain à leurs clients lorsque ces derniers ouvraient de nouveaux comptes. Au Danemark, au moins, on leur donne désormais des maisons gratuites.

WeWork fait à peu près la même chose dans le secteur des locaux professionnels.

Ses déclarations financières montrent que l’entreprise perd plus de 5 000 $ sur chaque client, fournissant des services dépassant de loin ce que les clients sont prêts à payer.

Pourquoi pas, après tout ? S’il est raisonnable de prêter de l’argent à taux négatifs, peut-être que des prix négatifs sur ce que l’argent peut acheter sont tout aussi logiques…

Nous avons alors un conseil encore plus insensé à offrir à l’entreprise : qu’elle se loue les espaces de bureaux à elle-même. Elle pourrait alors baisser le chauffage, réduire les coûts et enregistrer un profit !

Il y a trop d’argent

Revenons à Joe Weisenthal, qui explique pourquoi tout cela est parfaitement logique :

« […] Il y a plein d’argent disponible alors que la capacité de stockage est limitée. Ainsi, de plus en plus, les épargnants vont devoir payer pour les services d’entreposage d’argent. […] Qu’il s’agisse de frais pour les cuves de pétrole, les coffres-forts, les agents de sécurité, l’assurance ou les gestionnaires de fonds, il n’est absolument pas contre nature de devoir payer pour préserver votre richesse. »

Qui est ce type, nous sommes-nous demandé ? A-t-il le droit de sortir en public ? Est-il naïf ? Mentalement déficient ?

Si vous voulez que quelqu’un garde votre Corvette, vous devrez payer. L’entrepôt vous fournit un service que vous payez.

Si vous prêtez votre Corvette à un autre pour qu’il l’utilise, en revanche, il n’y aurait aucun sens à ce que ce soit vous qui payez. C’est vous qu’il faudrait rémunérer.

De même, vous devriez tout à fait payer quelqu’un qui stocke votre argent. Mais si une personne veut utiliser votre argent – comme lorsque vous déposez de l’argent en banque ou achetez une obligation d’entreprise – c’est clairement l’utilisateur qui devrait payer, non le prêteur.

Il y a une différence entre stocker et prêter.

Dans une économie capitaliste, l’argenterie familiale est stockée, mais le capital est prêté… pour que les entrepreneurs et les entreprises puissent le faire fructifier.

Le prêteur sait qu’il pourrait ne jamais revoir son argent ; il mérite d’être compensé pour ce risque.

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Fondateur et président d'Agora Inc., une maison d'édition publiant des lettres d'information financières pour les investisseurs particuliers.

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