Baisser le prix des médicaments : chiche ?

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By Ferghane Azihari Last modified on 8 août 2017 17h46
Etats Unis Lobby Pharmaceutique Election
@shutter - © Economie Matin
600 000 $L'industrie pharmaceutique a donné 600 000 dollars pour la campagne d'Hillary Clinton."

Le débat sur les prix des médicaments prend une tournure internationale. “Les pays les plus pauvres ont besoin d’un accès rapide aux génériques” a récemment indiqué L’Organisation des Nations Unies dans les colonnes du Financial Times.

On peut critiquer la tendance de l’ONU à s’ingérer dans un nombre toujours plus croissant de domaines au mépris de la subsidiarité, mais il faut reconnaître l’existence d’un véritable problème sur le marché des médicaments. Plusieurs organisations non gouvernementales ont tiré la sonnette d’alarme. Mais les propositions généralement avancées – comme le renforcement du contrôle des prix – aggraveraient la situation.

Les signaux de prix sont des indicateurs essentiels. Détruire ces signaux en contrôlant les prix à l’échelle internationale comme le suggérait François Hollande il y a quelques mois serait désastreux. De telles mesures font qu’un pays comme le Venezuela connaît aujourd’hui des pénuries généralisées. Les médicaments ne font pas exception à la règle.

Comment faire baisser les prix des médicaments efficaces ? La réponse tient en un seul mot : concurrence. De nombreuses entraves gouvernementales anéantissent la libre-entreprise et la concurrence dans le marché pharmaceutique. Ces barrières raréfient artificiellement l’offre de médicament et les renchérissent de façon injustifiée. C’est au contraire en assouplissant les réglementations qui entravent la liberté d’entreprendre que les prix baisseront.

Les coûteuses autorisations de mise sur le marché créent des monopoles

Les autorisations de mise sur le marché (AMM) constituent l’une des barrières les plus redoutables. L’obtention d’une AMM est en effet conditionnée à beaucoup de tests contraignants qui, nuisant à l’arrivée de nouveaux concurrents, ont un effet comparable au protectionnisme. Ce genre de réglementation, aux Etats-Unis, a permis à un certain Martin Shkreli d’augmenter le prix du Dataprim – un médicament utilisé par les malades atteints du SIDA –, le faisant passer de 13,50 à 750 dollars le comprimé quand la version générique de ce médicament coûte 10 centimes en Inde. Une politique libre-échangiste sur le marché des médicaments aurait pu éviter ce scandale.

Quelques médias (comme Forbes) ou organismes de recherche privés (comme l’Institut Mises) ont mis en évidence le rôle des restrictions du régulateur américain du marché des médicaments – la Food and Drug Administration – dans l’explosion des prix des produits pharmaceutiques. Mais les commentateurs se sont contentés de proposer des solutions toujours plus dirigistes à un problème justement causé par un excès d’administration. Ce n’est certainement pas Mme Clinton, financée par les lobbys pharmaceutiques, qui mettra fin à ces corporatismes, quoi qu’elle en dise. Selon CNBC, l’industrie pharmaceutique a doté la campagne d’Hillary Clinton de près de 600 000 dollars contre moins de 200 000 dollars pour les autres candidats.

Plus de concurrence dans les mécanismes de certification

Les politiciens justifient les AMM par le compromis entre la nécessité d’accéder à des médicaments efficaces avec un niveau de risque acceptable pour un coût satisfaisant. Mais comment définir ce qu’est un niveau de risque “acceptable” et un coût “satisfaisant” ? Ces notions sont subjectives. Nous avons tous notre propre seuil de tolérance au risque et nous n’accordons pas la même valeur au fait de le réduire. Un mécanisme centralisé de certification ne pourra donc jamais répondre convenablement aux attentes de chacun. Pour résoudre cette difficulté, il faut soumettre le processus de certification à une plus grande concurrence.

Un premier assouplissement consisterait à étendre la reconnaissance mutuelle à tous les pays développés sur le marché des médicaments. Ce serait un moyen d’éviter la multiplication de procédures inutiles lorsqu’un médicament doit être approuvé dans un pays donné, alors qu’il a été testé ailleurs (dans un pays de l’OCDE par exemple). La réciprocité n’est d’ailleurs pas obligatoire. La reconnaissance peut être unilatérale.

Une deuxième solution plus radicale consisterait à abolir les AMM. Cela ne signifie pas que nous serions envahis de produits dangereux et mortels. Un marché libre ne signifie pas l’absence de normes. La question est de savoir si ces normes doivent être produites par quelques bureaucrates en connivence avec des industriels privilégiés – c’est la méthode gouvernementale – ou si elles doivent être le fruit d’un processus plus décentralisé : le marché, c’est-à-dire, vous, moi et les autres.

La certification est une activité aussi vieille que l’humanité. Réduire les asymétries d’information et assurer la fiabilité des produits sont des aspirations ordinaires. C’est pourquoi ces missions peuvent être confiées au secteur privé, c’est-à-dire à des organismes spécialisés, éventuellement en collaboration avec d’autres acteurs de la société civile (universités, assurances, associations de patients, de professionnels etc.).

La certification privée plus efficace que la certification publique

La Collaboration Cochrane est un exemple d’organisme privé spécialisé dans l’évaluation médicaments qui existe depuis vingt ans. A la différence des régulateurs gouvernementaux, les régulateurs privés – lorsqu’ils sont soumis à la concurrence – dépendent entièrement de notre confiance. Un régulateur privé peu scrupuleux s’expose à la faillite et au risque d’être remplacé par un concurrent, tandis qu’une agence gouvernementale financée par des prélèvements obligatoires sera toujours moins responsable devant nous. De la même manière, un régulateur privé trop précautionneux s’expose à perdre des clients au contraire d’une agence gouvernementale.

La concurrence fournit plus d’incitations et plus d’informations pour pousser les certificateurs à trouver le bon équilibre entre sécurité et accessibilité pour gagner notre confiance ainsi que celle des entreprises. Certes, les régulateurs publics sont responsables devant les gouvernements, eux-mêmes subordonnés aux Parlements supposés rendre des comptes aux électeurs une fois tous les cinq ans. Admettez que cette responsabilité politique est beaucoup plus diffuse que celle d’un organisme privé quotidiennement soumis au jugement de sa clientèle, d’autant plus que la démocratie punit rarement la mauvaise gouvernance… Rappelons d’ailleurs que la quasi-totalité des scandales sanitaires de ces dernières décennies ont été mis en lumière par des acteurs non gouvernementaux (sang contaminé, médiator, prothèses PIP…).

Assouplir la propriété intellectuelle

L’autre barrière à démanteler est sans doute la propriété intellectuelle. Les droits de propriété ne sont utiles que lorsqu’il existe une rareté entraînant une rivalité quant à l’usage et l’exploitation d’une ressource, d’un bien ou d’un service. Les idées et les inventions ne sont pas soumises à cette imperfection du monde réel qu’est la rareté. Il est régulièrement dit que les brevets pharmaceutiques favorisent l’innovation. Ainsi que le rappelle le magazine britannique The Economist dans un article paru le 8 août 2015, de nombreux travaux – à commencer par ceux des économistes Michele Boldrin et David Levine – suggèrent que ce n’est pas le cas. Faut-il s’en étonner ? C’est bien la concurrence et non le monopole – fût-il temporaire – qui pousse à l’innovation. L’ONU schizophrène déplore les problèmes que font peser les brevets sur la production de médicaments génériques accessibles, mais héberge en son sein une agence spécialisée qui se nomme l’Organisation mondiale de la Propriété intellectuelle (OMPI) pour harmoniser à l’échelle planétaire ces usines à monopoles que sont les brevets et les droits d’auteur.

On assiste également à une prolifération de négociations et de traités commerciaux (TPP, TTIP, CETA) destinés à renforcer le régime international de la propriété intellectuelle, quand il faudrait au contraire l’assouplir – voire l’abolir – pour favoriser la liberté des échanges. Beaucoup de regards se tournent vers l’éventuel rachat de Monsanto par Bayer mais les principales menaces qui pèsent sur la concurrence dans le secteur de la chimie et de la pharmacie ne sont pas nécessairement dues à la concentration. Baisser les prix des médicaments est possible à condition de réduire considérablement les pouvoirs réglementaires des diverses autorités gouvernementales sur l’économie. Alors messieurs les politiciens : chiche ?

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Étudiant en droit et en science politique à l’université de Paris-Est Créteil Val-de-Marne, Ferghane Azihari est coordinateur local pour Students for Liberty, un réseau international destiné à promouvoir l’économie de marché. Il est également chargé de mission pour l’École de la Liberté, une plateforme de recherche et d’éducation destinée à faire connaître la tradition libérale à travers le prisme de toutes les sciences humaines. Il publie régulièrement pour le magazine Contrepoints en France, l’Institut Ludwig von Mises aux États-Unis. Il est également rédacteur chez Young Voices. Ses centres d’intérêt se portent plus particulièrement sur les politiques européennes, les relations internationales, la fiscalité et plus généralement les rapports entre le droit positif et la concurrence.

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