L'information économique du jour c'est bien évidemment les décisions de politique monétaire que vient d'annoncer Mario Draghi, le gouverneur de la Banque centrale européenne (la BCE), et ses anticipations plus que mauvaises concernant la santé économique de la zone euro dont il est en charge.
Retour en arrière : Draghi à Jackson Hole à la grand-messe des banquiers centraux
Tous les ans, tous les grands argentiers de la planète se réunissent là-bas, préparent leur petite tambouille internationale ensemble et disent publiquement un certain nombre de choses afin de préparer le terrain.
Ce fut particulièrement le cas cette année avec Mario Draghi qui avait fait passer le message que la politique monétaire ne pouvait pas tout et que les politiques d'austérité exigées par Bruxelles et l'Allemagne en tête ne favorisaient franchement pas la croissance, ce qui est un euphémisme.
Nous en arrivons à ce que j'ai toujours dit, écrit et tenté de démontrer.
La mort par la fuite en avant et la création monétaire, ou la mort par l'insolvabilité liée à l'austérité et à la récession !
Le problème depuis le début de la crise des subprimes en 2007 est toujours le même, rien n'a changé, rien n'a été fondamentalement réglé. Nous avons acheté et gagné du temps à crédit et à force de déficits publics toujours plus importants mais aucune réforme de fond n'a réellement eu lieu. Aucune action corrigeant les causes profondes expliquant la crise n'a été menée.
Alors au bout de 7 années, nous venons de boucler la boucle. La croissance américaine, malgré des injections monétaires plus que massives, est particulièrement décevante. Il n'y a jamais eu vraiment de « reprise ». Certes la situation économique est « moins pire » qu'avant et la chute a été enrayée mais rien n'est reparti comme avant.
En Europe, c'est encore pire. L'Allemagne a bloqué consciencieusement toute relance importante par l'utilisation de la planche à billets, tout en exigeant de ses partenaires des politiques économiques d'austérité à un moment où, au contraire, l'économie pour ne pas se contracter avait besoin de plus de dépenses publiques.
Le problème c'est que les pays européens, la France en tête, sont surendettés et que plus de dépenses publiques pourquoi pas, mais encore faut-il pouvoir les financer.
Bref, nous sommes dans une impasse. Aux USA, on parle d'augmenter les taux d'intérêt ce qui entraînerait des tensions sur les taux européens... mais personne, aucun acteur économique ne pourrait supporter un monde où l'argent, à défaut d'être cher, serait simplement un peu plus cher !
Alors Mario Draghi annonce une baisse historique des taux en Europe, ce sera désormais du 0,05 %, autant dire que l'on est à zéro et que l'argent, désormais, est gratuit. C'est « open bar » ou presque et pourtant, l'argent gratuit ne réglera rien car les causes sont très profondes et Mario Draghi non seulement le sait mais en plus l'a dit en expliquant que la « politique monétaire ne peut pas tout » !!
Le gouverneur de la BCE ira au bout du bout de tout ce qu'il pourra faire. Il rachètera des actifs, délestera les banques européennes de tous leurs actifs plus ou moins moisis, à commencer par des créances immobilières qui s'accumulent et qui pourraient être mauvaises dans les années qui viennent notamment si les bulles immobilières françaises ou anglaises explosaient, sans oublier l'Allemagne où les prix de l'immobilier, qui étaient bas, montent de plus en plus rapidement en raison de taux d'emprunt devenus dérisoires.
Il n'y a aucune bonne solution !!
Et c'est ce constat qui est le plus terrible car il est sans espoir. En réalité, il n'y a plus d'espoir. La raison est assez simple. Cette crise c'est une crise de système, une crise de mutation et il faudra que le système ancien s'effondre pour qu'un nouveau puisse prendre sa place. Le concept d'atterrissage en douceur lorsqu'il n'y a plus de commandes de vol, que les moteurs sont en feu et que l'on traverse une zone de turbulences est illusoire.
Il faudra changer totalement de cadre économique, modifier radicalement la mondialisation, refaire la gouvernance européenne, refondre les traités, redonner de la souveraineté. Bref, pour réussir il faudrait tout simplement, ensemble, avec tous les pays du monde, imaginer une démondialisation commune, un nouveau système monétaire international consensuel, il faudrait s'interroger sur le sens des délocalisations, ou de la robotisation, savoir comment dans un monde sans travail nous allons pouvoir durablement avoir de la croissance sans consommateurs solvables puisque la répartition de la richesse passe par le travail. Il faudrait pouvoir définir et partager une vision commune, une vision novatrice.
Par essence et par nature, ceci est parfaitement impossible puisque les désaccords, les intérêts divergents et les guerres de pouvoirs empêchent toute solution globale.
Nous allons donc mourir, soit par l'hyperinflation liée à une création monétaire excessive, soit par une déflation liée à la récession en raison de l'austérité, soit un peu par les deux puisque à force de faire n'importe quoi, nous constatons un phénomène inédit dans l'économie à savoir la coexistence de deux éléments parfaitement contradictoires à savoir l'inflation et la déflation.
Nous avons réussi à mélanger l'eau à l'huile et ce n'est pas une bonne nouvelle.
Mario Draghi fera tout ce qu'il pourra. Il gagnera encore du temps. Mais croyez-moi, au bout du compte, quoi qu'il fasse, ce ne sera jamais assez pour que tout redevienne comme avant.
Nous sommes en train de voir finir le monde ancien.
Préparez-vous et restez à l'écoute.
À demain... si vous le voulez bien !