Pire que le Covid : la dénatalité

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Par Alain Paillard et Jacques Bichot Publié le 2 mars 2021 à 5h33
Pleurs Bebe Demographie
@shutter - © Economie Matin
13%En janvier 2021, les naissances ont chuté de 13% sur un an.

Du 1er mars 2020 au 28 février 2021, il y a eu en France 86 000 morts dues au Covid : c’est un évènement, et un évènement qui a été pris au sérieux, à juste titre. Mais, durant l’année 2020, il est né en France métropolitaine 697 000 bébés, pour plus de 65 millions d’habitants, au lieu de 870 000 en 1947, pour seulement 40,7 millions d’habitants.

Ce qui signifie 10 680 naissances par million d’habitants en 2020, contre 21 400 en 1947, soit exactement moitié moins en 2020. Et encore 8 000 naissances de moins en janvier de cette année 2021 par rapport à l’an dernier. Or cette évolution, elle, ne semble pas inquiéter grand monde parmi nos gouvernants.

La dénatalité est grave

D’une année sur l’autre, la France métropolitaine est tombée de 714 000 naissances à 696 900. Le recul est modeste en comparaison de la progression des décès, mais il s’agit d’une évolution de longue durée, qui se produit sous nos yeux depuis 1970, donc depuis un demi-siècle, sans que nous prenions conscience de sa gravité. Cette tendance de long terme, solidement établie, devrait nous inquiéter et nous mobiliser. Pourtant, son impact psychologique est sans commune mesure avec celui de la pandémie. 10 % de décès en plus (654 600 en 2020 au lieu de 599 400 en 2019) suffisent pour amener les pouvoirs publics à prendre des mesures draconiennes, ce qui se comprend, même s’il est probable que l’on pourrait avoir des résultats sanitaires équivalents sans porter une atteinte aussi forte à l’activité. En revanche, il est aberrant de ne pas s’occuper sérieusement de la natalité, de cette incroyable division par deux du nombre de naissances par million d’habitant qui s’est produite dans notre pays.

Il faut réinventer la politique familiale

Depuis plusieurs décennies, les pouvoirs publics français ont cessé de s’intéresser sérieusement à l’accueil des enfants. Il est pourtant de notoriété publique que, comme le disait le démographe Alfred Sauvy, « nous ne préparons pas nos retraites par nos cotisations, mais par nos enfants ». C’est ce que j’appelle le théorème de Sauvy, de vérité aussi certaine que 2 et 2 font 4. Nos dirigeants n’ont pas voulu entendre cette vérité toute simple. La France, si elle a compris que dans certains domaines comme l’infiniment grand (le Cosmos), et l’infiniment petit (les particules élémentaires), elle a besoin de savants, n’a pas eu le même bon sens en ce qui concerne la natalité.

Certes, beaucoup de nos voisins sont dans le même cas ; la dénatalité est pire encore chez nos amis italiens, espagnols, allemands, et ainsi de suite. Plus loin de chez-nous, ce n’est pas forcément mieux : le Japon, par exemple, vit une véritable catastrophe démographique. Et la cause est partout la même : le refus de se rendre à l’évidence, à savoir que l’investissement le plus important, c’est de mettre au monde des enfants et de bien les éduquer.

La politique familiale n’est pas d’abord une affaire de prestations. La mentalité d’assistance aux familles est détestable : ce sont elles qui, en investissant dans le capital humain, préparent l’avenir, et notamment les retraites. Ces investisseurs travaillent pour le pays dans son ensemble : il serait donc normal que justice leur soit rendue, ce qui n’a pas grand-chose à voir avec la mentalité assistancielle qui prévaut en haut lieu.

C’est au législateur français de prendre ce taureau par les cornes. Tant que la loi dira que ce sont les cotisations versées au profit des retraités qui doivent ouvrir des droits à pension future, et non les enfants mis au monde puis éduqués, nous irons droit dans le mur : moins d’enfants, des taux de prélèvements plus élevés en raison du nombre insuffisant de cotisants. Ne pensons pas seulement au covid : ce problème-là est encore plus crucial.

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Autodidacte « à l'ancienne », Alain Paillard a toujours aimé les statistiques et s’est toujours intéressé à la démographie pour ce qu'elle peut apporter dans la connaissance des hommes. Après sept ans passés dans le privé, il est entré dans l'Administration et a terminé sa carrière au service des relations publiques. Jacques Bichot est économiste, mathématicien de formation, professeur émérite à l'université Lyon 3. Il a surtout travaillé à renouveler la théorie monétaire et l'économie de la sécurité sociale, conçue comme un producteur de services. Il est l'auteur de "Cure de jouvence pour la Sécu" aux Editions de l'Harmattan, de "La mort de l'Etat providence ; vive les assurances sociales" avec Arnaud Robinet, de "Le Labyrinthe ; compliquer pour régner" aux Belles Lettres et de "La retraite en liberté" au Cherche Midi.

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