Les ministres des Finances des pays de l’Union européenne se rencontrent pour parler bad banks et trouver une solution aux banques techniquement en faillite.
Ce qu’on appelle le groupe Eurofin se penche actuellement sur le cas de nombreuses banques en Grèce, en Italie, en Espagne, en Allemagne qui sont pratiquement insolvables. L’agence Fitch a bruyamment tiré la sonnette d’alarme sur ce sujet ; les fonds propres ne couvrent pas les provisions pour prêts douteux qui devraient être faites. Nous parlons de 1 092 Mds€ à fin 2016. Ces banques ne survivent que parce que leur Etat les soutient et que la BCE ferme les yeux sur leurs livres de comptes. Pour le système bancaire italien, un montant de 200 Mds€ à 360 Mds€ est en jeu.
Parmi les solutions évoquées par l’Eurofin, celle de bad banks nationales dont nous allons probablement de plus en plus entendre parler. On peut s’étonner de cette coutume des bad banks ou – en français policé et technocratique – « structures de défaisance ». Il s’agit de sociétés qui récupèrent les prêts non performants des banques soit pour les gérer « en extinction », soit pour les revendre à d’autres, en général des fonds spécialisés, parfois nommés « fonds vautours ». Pourquoi ne pas plutôt faire passer ces actifs en pertes une bonne fois pour toutes et ne plus en parler ? Pourquoi vouloir les cantonner dans des bad banks ?
Le marché des lemons et l’asymétrie d’information
Le marché des prêts en détresse est un marché où existe une grande « asymétrie d’information ». L’acheteur dispose de beaucoup moins de renseignements que le vendeur qui est très réticent à les donner. Obtenir les informations représente un coût pour l’éventuel acheteur. Il s’agit de ce que les Anglo-saxons appellent un « marché de lemons » selon l’expression imagée de l’économiste George Akerlof*. Les lemons désignent des voitures d’occasion. Dans ce type de marché, l’introduction d’une garantie par le vendeur ou d’un intermédiaire assumant des frais pour collecter et certifier des informations peut redonner confiance à l’acheteur. Le rôle de la bad bank peut donc se comparer à celui du garagiste qui reprend une voiture d’occasion et la remet sur le marché avec une garantie.
Evidemment, dans le cas des prêts, la situation est un peu plus compliquée. Si les prêts sont « non performants » c’est parce que l’emprunteur est en difficulté. La législation nationale sur le recouvrement des dettes joue un rôle très important. L’autre stratégie est la titrisation — qui souffre cependant du même inconvénient d’opacité. Sans rentrer dans les détails, la BCE souhaite mettre au point un standard de renseignements sur chaque prêt, accessible à tous les participants au marché. Donc pour résumer et en conservant l’analogie avec l’automobile, la bad bank (ou la titrisation) permet d’éviter de mettre toutes les voitures à la casse et de remettre sur le marché les plus saines.
L’Allemagne est également sur la sellette dans cette affaire. La Bremer Landesbank et HSH Nordbank sont en extrême difficulté. Wolfgang Schauble a donc regardé d’un oeil bienveillant (et intéressé) le récent sauvetage italien. L’Eurofin discute de la possibilité que les bad banks nationales puissent reprendre les prêts non performants à une « valeur économique » et non pas à une « valeur de marché ». Ceci permet de nettoyer les bilans sans que les banques aient à reconnaître de trop lourdes pertes et d’écarter les fonds vautours. Bref, les bad banks vont surpayer les portefeuilles de créances douteuses…
Comme vous le voyez, cher lecteur, la stratégie « extend & pretend » – qui consiste à prétendre que la casse est limitée – a encore de beaux jours devant elle. Quant à la garantie, ce n’est pas la bad bank (le garagiste) qui l’apporte mais bien les contribuables.
* The Market for « Lemons » : Quality Uncertainty and the Maket Mechanism, paru en 1970 dans le Quarterly Journal of Economics.
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