Avons-nous besoin des traités commerciaux ?

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Par Ferghane Azihari Publié le 11 octobre 2016 à 5h00
France Traites Internationaux Europe Etats Unis
@shutter - © Economie Matin
400La France signe entre 250 et 400 accords par an.

Le cycle de Doha placé sous les auspices de l’Organisation mondiale du commerce (OMC) avait l’ambition d’aboutir à un large consensus commercial international.

Son échec a cependant conduit à une régionalisation des négociations au nom du pragmatisme. Toutefois, négocier des accords commerciaux est un processus, long, coûteux et incertain. Le libre-échange unilatéral – qui consiste à ne pas taxer les importations – serait une meilleure alternative. Cette méthode a fait la richesse de Hong-Kong.

Négocier des milliers de pages avec chaque puissance économique de la planète prendra sans doute plusieurs décennies. Plus de quinze ans après le début du cycle de Doha, les tractations semblent être dans l’impasse. Il a fallu environ huit ans au Canada et à l’Union européenne pour signer le CETA (Canada-EU Trade Agreement, et en français Accord Economique et Commercial Global) et sept ans aux Etats-Unis pour obtenir le TPP (Trans-Pacific Partnership) avec onze autres pays. Ces accords multilatéraux de libre-échange n’ont d’ailleurs toujours pas été ratifiés.

Les négociations diplomatiques sont impopulaires en raison de leur manque de transparence. Cette approche conduit les opinions publiques à croire que le commerce international est imposé par des puissances étrangères. Les réactions protectionnistes s’en trouvent encouragées et compliquent la promotion d’un agenda libre-échangiste. Même en cas de signature, un accord commercial doit toujours faire face à un processus de ratification qui peut être extrêmement lourd.

Prenez l’exemple du traité transatlantique actuellement en cours de négociation entre l’Europe et les Etats-Unis, ainsi que le CETA. Ces accords concernent des domaines qui relèvent à la fois de la compétence de l’Union européenne et de celle des Etats-membres. Ce seront des accords mixtes. Pour les Européens, cela signifie que la ratification doit à la fois solliciter les instances communautaires, mais également les 28 (ou 27 si Brexit effectif) Parlements nationaux. Un véto suffit à interrompre le processus.

La voie unilatérale est plus légère, transparente et légitime

L’emprunt de la voie diplomatique est donc irrationnel. C’est d’autant plus vrai qu’il existe des méthodes moins coûteuses pour promouvoir le libre-échange : la voie unilatérale. Cette méthode a longtemps été discutée par certains Brexiters, comme le professeur Patrick Minford de l’Université de Cardiff. Une telle méthode nous permettrait d’échanger rapidement avec le reste du monde. L’emprunt de la voie parlementaire conférerait à la démarche une plus grande légitimité ainsi qu’une plus grande transparence. Cette procédure serait enfin beaucoup plus légère.

Le libre-échange unilatéral ne relève pas du délire utopique, c’est par exemple l’une des causes du succès d’Hong Kong. Il a permis aux citoyens hongkongais d’importer librement des produits nécessaires à un prix avantageux pour développer leur économie locale, tout en poussant leurs industries à produire des biens et des services de plus en plus sophistiqués. L’économie hongkongaise est donc devenue plus productive grâce à ses propres avantages comparatifs et en dépit des protectionnismes étrangers.

Si les dirigeants hongkongais avaient dû attendre que tous les gouvernements se mettent d’accord en même temps pour ouvrir leur marché… Hong Kong serait encore un pays en voie développement. Le libre-échange unilatéral permet donc aux autorités de gagner un temps précieux dans le processus de développement économique.

Le libre-échange se heurte à l’inculture économique et aux théories mercantilistes

En dépit des avantages de cette méthode, il y a malheureusement peu de chances que nos gouvernements l’utilisent. La raison tient à ce que le libre-échange n’est – contrairement aux apparences – pas au centre de leurs préoccupations. Les postulats qui sous-tendent le culte de la réciprocité qui gouverne ces négociations partent du principe que les importations seraient nécessairement dommageables tandis que les exportations seraient invariablement bénéfiques.

Une fois de plus, nous faisons les frais de l’inculture économique de notre classe dirigeante. Il s’agit là en effet d’un biais typiquement mercantiliste. Celui-ci inonde d’ailleurs le vocabulaire politique. Si vous tendez un peu l’oreille, vous entendrez alors que l’ouverture des marchés locaux aux producteurs étrangers est souvent décrite comme un “compromis” alors que les exportations et les importations ne sont ni plus ni moins que le reflet d’une certaine division du travail.

Le protectionnisme ne protège pas notre pouvoir d’achat

Les barrières aux échanges sont considérées comme des “protections” alors qu’elles ne font que “protéger” les consommateurs de prix plus faibles, et donc d’un pouvoir d’achat plus élevé pour satisfaire davantage de besoins.

Ainsi les traités commerciaux sont devenus des instruments qui, loin de promouvoir un agenda libre-échangiste, permettent aux gouvernements d’exporter leurs réglementations et leurs barrières non-tarifaires via un processus d’harmonisation internationale. L’harmonisation des réglementations peut certes aider les entreprises établies en conférant à leurs biens et services une plus grande aire de circulation. Mais cela ne conduit pas à l’abaissement des barrières à l’entrée à travers le monde, en particulier pour les nouveaux entrants. Il y a au contraire de grandes chances pour que l’harmonisation des barrières non-tarifaires favorise la cartellisation de l’économie internationale. Cela aboutit à une économie moins compétitive au détriment des consommateurs que nous sommes tous.

Là où le libre-échange requiert un affaiblissement du pouvoir réglementaire des Etats et une décentralisation des processus décisionnels, les traités commerciaux ne font les internationaliser. Nous avons besoin du libre-échange. C’est pourquoi les traités commerciaux sont inutiles.

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Étudiant en droit et en science politique à l’université de Paris-Est Créteil Val-de-Marne, Ferghane Azihari est coordinateur local pour Students for Liberty, un réseau international destiné à promouvoir l’économie de marché. Il est également chargé de mission pour l’École de la Liberté, une plateforme de recherche et d’éducation destinée à faire connaître la tradition libérale à travers le prisme de toutes les sciences humaines. Il publie régulièrement pour le magazine Contrepoints en France, l’Institut Ludwig von Mises aux États-Unis. Il est également rédacteur chez Young Voices. Ses centres d’intérêt se portent plus particulièrement sur les politiques européennes, les relations internationales, la fiscalité et plus généralement les rapports entre le droit positif et la concurrence.

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