Avec les Gilets Jaunes, sommes-nous entrés dans une aventure politique incontrôlable ?

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Par Eric Verhaeghe Publié le 5 décembre 2018 à 11h39
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@shutter - © Economie Matin

Les annonces fiscales d’Édouard Philippe mardi 4 décembre n'ont pas apaisé, à ce stade, la colère des Gilets Jaunes. Une nouvelle manifestation violente est annoncée samedi 8 déembre à Paris. Au train où vont les événements, tout indique que la situation politique est devenue incontrôlable. Des revendications sociales pourraient coûter très cher aux employeurs, sans répondre à toutes les attentes exprimées par le mouvement de contestation. Au-delà, tout semble désormais possible...

Le gouvernement a tenté ce mardi d’éteindre l’incendie des Gilets Jaunes en annonçant un moratoire de six mois sur les hausses de taxes annoncées, et en promettant le gel des tarifs du gaz et de l’électricité. Pour l’instant, ce premier lâcher prise n’a pas convaincu les participants au mouvement, qui semblent bien décidés à en découdre samedi avec les forces de police.

Les Gilets Jaunes maintiennent la pression sur le gouvernement

Malgré les annonces du Premier Ministre, la mobilisation n’a pas faibli, bien au contraire, sur les réseaux sociaux. Les Gilets Jaunes préparent activement une manifestation samedi 8 décembre dans Paris. Celle-ci est annoncée comme ultra-violente et pourrait ouvrir une crise politique majeure. On voit mal en effet quelles réponses le gouvernement pourrait raisonnablement apporter à un nouveau déferlement de violence qui vise sa légitimité elle-même.

Pour l’instant, l’exécutif tente de maintenir la cohésion dans les rangs de la police. Une prime est annoncée pour des forces de l’ordre épuisées par ces mouvements qui sévissent sur le territoire. Sur les réseaux sociaux, des images de CRS fraternisant avec les Gilets Jaunes dans des manifestations de province nourrissent le soupçon d’un vrai malaise du côté de « l’État ».

Rien n’exclut un mouvement tectonique majeur samedi…

L’exécutif a-t-il trop tardé à réagir ?

Tout laisse à penser que l’annonce d’un moratoire sur les taxes aurait permis de désamorcer la crise avant le 17 novembre, ou alors juste après. Mais, trois semaines plus tard, après plusieurs interventions du Président affirmant qu’il ne cèderait rien et cherchant à gagner du temps (notamment par la promesse d’une grande concertation), le temps du moratoire semble passé.

En dépit des fortes attentes, le Président Macron est demeuré silencieux, et ce silence pèse lourd. Le Président, adulé par les médias et coqueluche des journaux people durant sa campagne (et durant quelques semaines après son élection), semble désarmé devant ce qui dépasse très largement de l’impopularité, et qui confine désormais à une forme de sédition. Ce vide du pouvoir promet le pire pour la suite du quinquennat. Il n’est en tout cas pas de nature à apaiser les esprits.

Les grandes réformes du quinquennat sont mortes

D’ores et déjà, et au vu des événements déjà survenus, on voit mal comment Emmanuel Macron pourrait réussir les grandes réformes qu’il avait mises en route. On pense particulièrement à la réforme des retraites, qui s’étendra sur plusieurs décennies et qui, à ce titre, suppose une forte légitimité du pouvoir qui la met en place. Cette réforme doit mécaniquement dégrader fortement le montant des pensions. Les revendications des Gilets Jaunes sur le pouvoir d’achat laissent peu d’espoir de voir cette réforme aboutir.

Quant à la réforme constitutionnelle voulue par le Président, et déjà en panne depuis l’été, ces jours sont probablement comptés. Un Président raisonnable ne peut qu’hésiter fortement à rallumer des étincelles en proposant des textes de ce genre, promis notamment à modifier l’état du droit en matière de protection sociale. Déjà en juillet l’introduction d’une loi de financement de la protection sociale élargissant le périmètre de la sécurité sociale avait été vécu avec beaucoup de défiance.

Une contagion à d’autres catégories ?

Parallèlement à la préparation de la manifestation de samedi qui occupe les Gilets Jaunes, d’autres catégories de la population s’activent aujourd’hui. La France comptait deux cents lycées bloqués mardi 4décembre. Les lycéens protestent contre les réformes de leur ministre. Les ambulanciers continuent leur mouvement contre l’article 80 de la loi de financement de la sécurité sociale. Les syndicats de transporteurs CGT et FO ont appelé à la grève à partir de dimanche.

Ces différentes annonces soulignent le caractère extrêmement risqué de l’ambiance générale dans le pays.

Le MEDEF jouera-t-il avec le feu ?

Mardi 4 décembre au matin, le président du MEDEF a publié une tribune négociant par avance le financement d’une plausible hausse du SMIC au moyen d’un coup de pouce imposé par les événements. Le MEDEF est l’un des seuls mouvements à soutenir le Président contre les Gilets Jaunes, ce qui paraît une posture bien hasardeuse.

Le risque est d’autant plus fort que ce mercredi le MEDEF devrait fixer son mandat de négociation dans le cadre de la convention de l’assurance chômage. Au menu, les représentants des patrons doivent bétonner les « paramètres » du régime dans la version nouvelle. Ces paramètres intègrent l’avenir du régime des intermittents du spectacle tel qu’il doit être proposé aux organisations de salariés dans une réunion à haut risque qui doit se tenir le 11 décembre.

Là encore, l’exécutif est en position de risque. L’étincelle d’un nouveau mouvement de contestation vole déjà dans l’air et il ne faudrait pas grand chose pour qu’elle enflamme les esprits…

Article écrit par Eric Verhaeghe sur son blog

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Né en 1968, énarque, Eric Verhaeghe est le fondateur du cabinet d'innovation sociale Parménide. Il tient le blog "Jusqu'ici, tout va bien..." Il est de plus fondateur de Tripalio, le premier site en ligne d'information sociale. Il est également  l'auteur d'ouvrages dont " Jusqu'ici tout va bien ". Il a récemment publié: " Faut-il quitter la France ? "

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